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LES ENSEIGNEMENTS
DE
ROBERT DE HO
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MAÇON, PROTAT FRERES, IMPRIMEURS.
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LES
ENSEIGNEMENTS
DE
ROBERT DE HO
I
I. •
DITS
i.
ENSEIGNEMENTS TREBOR
Publiés pour la première fois d'après les manuscrits de
Paris et de Cheltenham
PAR
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Mary-Vance YOUNG
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• • •
■ • • •
PARIS
ALPHONSE PICARD ET FILS, ÉDITEURS
■ Libraires des Archives nationales ttdc la Société de l'École des CharUs
5<2, rue Bonaparte^ 82
S--.- 1901
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JE VOUDRAIS METTRE ICI
Les noms de mes deux maîtres^ nom^ dont Vouvrage
n'est pas digne ,
MM. Gaston PARIS et Heinrich MORF.
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INTRODUCTION
I
LES MANUSCRITS
Le poème imprimé ici pour la première fois a été con-
servé dans deux manuscrits, dont Tun est à Paris,
à la Bibliothèque Nationale, où il porte le n** 23,408 du
fonds français (ancien Notre-Dame 273 nis), et l'autre
en Angleterre, à Cheltenham, dans la bibliothèque de
feu Sir Thomas Phillipps où il porte le n® 41S6. Je
désigne le premier de ces manuscrits par F, le second
par C. C'est surtout d'après P que cette édition a été
faite. Les deux manuscrits ensemble n'offrent pas des
leçons dont on puisse faire une édition vraiment cri-
tique, étant donné surtout qu'il y a des lacunes considé-
rables dans P. Celui-ci donne le meilleur texte ; je l'aurais
préféré même dans le cas où les possesseurs de l'autre
auraient permis qu'on en imprimât le tout. Ainsi je me
suis bornée à rendre P lisible en le collationnant et en
remplissant ses lacunes à l'aide de C. Là où il était
isible je l'ai imprimé tel quel dans le texte, donnant les
variantes de C dans les notes au bas de la page. Je
me sens tenue à expliquer mon procédé dans les cas où
1
I
/ / '
cet endroit (v. 2623) rédition se base uniquement sur
C, et ces 281 derniers vers ne ressemblent pas, quant
à l'orthographe, au reste du poème.
J'ai respecté la graphie des scribes et on y peut
remarquer quelques-unes de leurs différences indivi-
duelles. Je n'ai corrigé dans toute l'étendue du poème
que les fautes évidentes, en tâchant de satisfaire la prière
de l'auteur (v. 17-20) : Or pré je celui qui lera E qui
amender le savra Que il le face bonement^ tout en me
renvoyant moi-même de temps à autre à cette autre
classe de lecteurs qui ne savra amender (v. 21). Une
comparaison étendue des deux manuscrits pourrait
peut-être jeter quelque lumière sur les procédés de déve-
loppement ou plutôt de dégénération de la langue française
en Angleterre. Je me borne à signaler le fait que le
scribe de C n'a plus le sentiment du rythme et fait
constamment des additions et des omissions aux vers
qui sans cela auraient le nombre de syllabes voulu. Les
additions sont généralement faites dans l'intérêt de la
clarté du sens, comme l'a remarqué M. Suchier dans
l'introduction à la Vie de saint Auban^ mais je ne crois
pas que ce savant ait raison lorsqu'il dit que les omis-
sions sont pour la plupart accidentelles. Je crois plutôt
qu elles sont dues à la paresse et k la négligence de
scribes qui pouvaient comprendre le sens, mais non le
rythme. Par exemple v. 2S ^ sun chier fîz molt simple-
ment^ G omet chier \ v. 79 Que tu nel puises reloer, il pré-
sente pour reloer : loer ; v. 194 ^e tu trop tost pas ne le
crei, il omet pas (omission fréquente chez lui) ; v. 229
Fiz, ce me semble grant ennor^ il omet ce; v. 251 Ker
donc est ce parole nouve^ il omet donc; v. 277 E qui ce
_ 4 —
fait^ que fous fera^ il omet ce ; v, 278 Ker nus nés et qui
plus vivra^ il omet Ker; v. 279 Fiz^ ice te commant je
bien, il omette ; v. 401 Tu ne te deiz sortesir mie^ te
est omis; v. 480 Peser le devez tôt egual^ tôt manque, etc.
Bien que P soit en gros meilleur que C, j ai pu souvent
corriger sa leçon au moyen de celui-ci et, sans C, une édi-
tion du poème, même de la partie précédant le v. 2624,
serait à peine possible, tant les. vers sont peu compré-
hensibles et les lacunes fréquentes dans les premiers
feuillets de P. J'imprime en italiques ce qui est pris du
manuscrit C parce qu'il manque dans P.
II
l'altelr
Il se nomme et dans le titre et dans le prologue Trcbor,
nom déjà reconnu avant la découverte de la fin du poème
(dans C) par M. P. Meyer. Cette découverte a révélé le
nom entier, puisque Ton trouve dans l'acrostiche des
V. 2883-2892 les dis vers dont l'auteur parle v. 2896.
M. Meyer dit (iVo^ et extr., XXXIV, p. 212) : « Le nom
est bien Robert, anagramme de Trebor; le surnom que
Ton ne pouvait deviner, est de Ho, Ho parait devoir être
identifié avec une des localités anglaises dont le nom
s'écrit actuellement Hoo, mais s'écrivait autrefois Ho,
comme on peut le voir en consultant les tables de plu-
sieurs des publications de la Record Commission^ par
exemple celles des Rotuli littcrarum clausarum et des
Rot. litt. patentiumj ou du Great Roll of the pipe for the
— 5 —
first y car of Richard L Des trois villages qui portent le
nom de Hoo (Kent, Norfolk, Suffolk), le plus important
est celui du comté de Kent, sur la rive gauche de la
Medway. On pourrait aussi songer à 0, localité nor-
mande dont le nom est conservé par le château d'O,
commune de Mortrée, arrondissement d'Argentan. Plu-
sieurs membres de la famille d'O, et dans le nombre,
deux au moins du nom de Robert, ont fait des donations,
à diverses époques du xni^ siècle, à des abbayes du dio-
cèse de Séez. Ce qui me porte à rejeter cette identifica-
tion, c'est que ce nom est toujours écrit 0, sans h. »
Je n'ai rien à ajouter à ce qu'a dit M. Meyer. On
pourrait peut-être conclure de ce que dit ce Robert sur
la vraie noblesse (1980 sq.) et contre les riches (2143 et
ailleurs) qu'il n'était pas grand seigneur ; cependant de
telles indications sont très peu sûres et on ne peut
même être certain que Tauteur y exprime ses propres
sentiments.
m
SUJET DU POÈME
Il est purement didactique, comme le montre le titre,
et s'adresse à « mon fils », d'après le modèle doipié par
Salomon et suivi par tant d'autres. Mais en même
temps il traite d'une grande variété de choses. Il s'y
trouve quelques fables (celle de Jupiter, l'envieux et le
convoiteux, v. 622 sq. ; celle de la crabe et sa fille,
1369 sq.);des allusions historiques (l'histoire de Brutus
et d'Argal, v. 2075 sq.); des descriptions du jugement
-^ 6 ^
dernier (v. 1770 sq.) et des changements qui sur-
viennent après la mort, l'enfer (2532 sq. ; les premiers v.
ici semblent avoir rapport au purgatoire) ; des rensei-
gnements sur la confession et l'absolution (569 sq.) ; sur
la vie sociale (2215 sq., 223 sq., 2327 sq., 2440 sq.) ;
sur le choix d'un sénéchal (1531 sq.) ; etc. Ces derniers
morceaux sont plutôt des témoignages du caractère
laïque de Tauteur. D'autres montrent une espèce de
sagesse mondaine qui se comporte mal avec sa piété
extrême, par exemple, le conseil de tolir par force 1154,
(cf. 2374), de servir plusieurs 1163 y démentir cointement
1199, etc. 11 est à remarquer qu'il parle peu et rarement
des femmes.
IV
SOURCES
L'auteur nous les montre dans le prologue, cependant
on ne peut pas accepter son témoignage sans vérification.
Il a beaucoup puisé dans Caton ; il connaît les écrits de
Salomon et d'autres parties de la Bible, mais il attribue
à Caton et à Salomon bien des choses qui ne sont pas
d'eux, par exemple v. 41 sq., v. 515 sq. Il a adapté plu-
sieurs sentences d'Horace, mais je n'ai pu rien iden-
tifier de Stace, ni de Virgile, ni d'Ovide qu'il prétend
citer. Il ne pouvait naturellement pas connaître Homère
et il n'y a pas de trace de Darès le Phrygien. Il paraît
connaître le latin puisqu'il explique le mot circonstance
{V. 544 sq.), et il emploie aussi (657) le génitif Veneriz
:païs); cf. aussi v. 2602; mais il ne montre pas une
connaissance bien étendue de la littérature latine.
r
f
; -7 -
En revanche il paraît -bien connaître la littérature con-
temporaine. Le poème est plein de lieux communs de
l'époque comme le montrent les passages cités dans les
notes. Quelques vers puisés dans Caton trahissent uneres-
'sen^blance si frappante avec la traduction des distiques
d'Élie de Wincestre quon ne peut l'expliquer que
par le fait que les deux auteurs se basaient sur la
•même œuvre. Mais il serait difficile de dire lequel des
; deux copiait l'autre, ou si les deux avaient une source
4 commune. Cf. v. 2612 sq.
LA VERSIFICATION
La partie la plus considérable du poème est écrite en
vers octosyllabiques à rimes appariées, cependant les
vers 899 à 933 sont des alexandrins à rimes appariées ;
les vers 933 à 953 sont des quatrains de vers alexari-
drins^ et les vers 17 13 à 1905 sont des strophes de
six vers de six syllabes rimes aabaab, le rhythmus tri-
partitus caudatus si fréquent dans la poésie anglo-ner-
mande^. Le scribe de P écrit cette partie et aussi celle
qui commence au v. 2474 comme si c'était de la prose,
bien qu'on puisse la diviser facilement ; celui de G divise
en vers, mais n'indique pas les strophes. Les vers 2474
à 2612 sont encore des strophes de huit vers rimes
abababab. 11 paraît d'abord que le poète s'est per-
mis une grande liberté quant au nombre de syllabes dans
les vers impairs. Dans la première de ces strophes, v.
1. Voyez Tappendice rectificatif.
2. Cf. JesLiiroy^ Origines de la Poésie lyrique en France^ p. 364.
— 8 —
2474 sq., ils ont régulièrement six syllabes tout comme
les vers pairs, excepté que a (v. 2476) présente dans
C Ke fol désir ateine cil. Sa leçon est inadmissible
puisqu'elle n a pas de rime ; notons cependant que le ven]
a d'après C, huit syllabes au lieu de six. Le vers a de la
strophe 2482 sq. n'a dans P que six syllabes, mais il n'a
pas de rime non plus et C offre la bonne leçon, un vers
de huit syllabes ; mais la strophe est évidemment trèsl
gâtée dans les deux manuscrits, et trop courte de deux
vers dans les deux, P n'ayant pas 2488 à 2489, C
2486 à 2487. Puisque a^, et a^ ont huit syllabes j'ai tâché
de rétablir le même nombre dans le reste des vers
impairs. La strophe 2490 sq. présente partout des vers
de six syllabes, excepté 2496 dans C, mais elle est
aussi tout à fait gâtée; je l'ai rétablie de mon mieux.
Je remarque que les mots celui, si qui se trouvent dans
P au commencement des v. 2495 et 2497, sont dans
C à la fin du vers précédent. C'est un indice et pour
le fait et pour la manière du remaniement qu'ont subi
ces vers, et il se retrouve au v. 2498. Là on voit sans
difficulté que le copiste de P ou de quelque manuscrit
antérieur, représenté pour nous par P, a refait les deux
vers conservés dans C : Or est alcun gentilz e pruz E
riche molt d^aver en : Ore est aucun gentil Preuz e riche
d'aveir.
Il me semble que ce fait m'autorise à rétablir des
strophes de vers impairs de huit syllabes et de vers
pairs de six partout où on peut le faire, mais ce n'est pas
toujours possible.
Les vers de huit syllabes à rimes appariées qui
reparaissent au v. 2612 ne s'interrompent plus.
— 9 —
Ces changements de versification sont volontaires.
L'auteur nous en avertit au v. 889 avec beaucoup de
complaisance ^
Au premier abord le poème a Tair de contenir un
grand nombre de vers trop longs ou trop courts, mais un
examen attentif en réduit Tensemble à une vingtaine.
Pour tous les autres on peut constater ou des leçons
différentes dans les deux manuscrits ou la présence de
quelque mot qui peut avoir une syllabe de plus ou de
moins {comme et cum.^ donkes et donc etc.), ou uijie
contraction, là où il fallait la forme non contractée ou
bien le contraire ^.
Il y a aussi bien des cas où le vers est trop long à
cause d'un pronom personnel sujet qui pourrait parfaite-
ment être omis. Je n'y vois pas la preuve que le poète ne
versifiait pas correctement, puisque très souvent la leçon
sans ce pronom superflu se trouve conservée précisément
dans C. Il n'est pas probable que le scribe de ce dernier
ait corrigé ces vers par des omissions arbitraires. J'y
vois plutôt une preuve que P autant que G a été copié
en Angleterre, (Cf. M. Suchier, Vie de saint Auban^
Introd., p. 13-16), et je me considère comme autorisée
à corriger ces vers.
Les octosyllabes n'ont pas de césure ; les alexandrins
1. Cf. Phil. de Thaiin à l'endroit de son Bestiaire^ où il change les
vers de 6 syllabes en vers de 8 (v. 2889-2890, éd. Walberg). Sur d'autres
exemples de l'emploi de plusieurs formes de vers dans le même poème,
cf. M. A. Tobler, Vom franzôsischen Versbaa , p. 10 sq. ; M. P. Meyer,
Not. et Extr. ,XXiy, p. 213 ; Romania^ VIII, 337; M. Stengel, Grundriss
der rom. philoL, II abt., p. 85, et dans Mltlheilungen ans franz.
Hàndschr. der Tûriner Bibliothek, p. 18, note.
2. Les vers 2626 jusqu'à la fin n'ont pas d'importance à cet égard
puisque nous savons que le scribe de G n'avait plus le sentiment de la
valeur des syllabes en français.
— 10 -
en ont une après la sixième syllabe et c'est souvent une
césure épique. Une syllabe féminine à la fin du vers ne
compte jamais, comme elle se produit par exemple dans
le Saint Brawlan. On pourrait peut-être citer le v. 905
de C comme une preuve du contraire, mais je crois que
c'est là autre chose.
Dans l'intérieur du vers Télision de rc(i) féminin
devant une voyelle est facultative non seulement pour
ne^ ce, quc^ j>, se^ li (cf. Tobler, Vont franz. Versbau^
p. 56), mais aussi pour les polysyllabes. On pourrait lire
pour le v. 34 : S'il de bien fere est savant, Se il; pour le
V. 56 : Ce nen est; pour les vers 219 et 323 : E encore ice
je, etc., mais je ne vois pas d'accommodement pour les
vers 132, 162, 174, 4tl, 600, 874, etc.
De ne semble pas élider son e : 903, 1240. On pourrait
corriger le premier hémistiche de 903 en : Ker de con-
querre amur (cf. 1221) ou bien en : Ker d'amur conques-
ter^ et dans les deux cas le de appartient plutôt à la
phrase entière qu'au mot qui le suit. Toutefois le traite-
ment du mot en question n'est pas non plus bien sûr aux
V. 12, 13, 129, 197, 2333. Cf. le en hiatus, v. 1441. Le te
de 2676 est, à ce que je crois, pour tei. Le copiste de G
note souvent ei [oi) par e. On ne peut pas affirmer que
ywiélideson f, puisque 1744, 1790 montrent que la forme
est que.
Le e de la 3® personne du singulier s'élide, comme le
prouvent les vers 23, 280, 289, 732, IlOl, etc.
A l'intérieur des mots deux voyelles entre lesquelles
une consonne a disparu font généralement autant de syl-
labes : poôsté 43, aperceû 320, eûst 765, veër 1796, deïtes
1801, saulaies 1843, viande 2215, 2225, 2461. Cepen-
— 11 —
dant il y a guanier (deux syllabes) 683, à côté de guaing
(deux syllabes) 71, 1290, 1293; gua[a]igneras (quatre
syllabes) 2322 ; meesmes (deux syllabes) 377, le même
en faisant trois 1311, 1632, 1825. Quoneu, si la leçon
est correcte, n'a que deux syllabes au v. 93, et il en a
trois au v. 96 ; jugeur, deux syllabes au v. 1339, trois
au V. 1773. Tricheor 2414, encuseor 2415 donnent à
leur e la valeur d'une syllabe; joour 65, genglour 208,
ramponeor 1283, sont douteux quant au nombre de syl-
labes. Feel est de deux syllabes aux v. 199, 1121, 1547,
1674, etc., d'une au v. 2642. Il est vrai que ce dernier
exemple est dans la partie conservée seulement par C.
Nient fait pour le plus souvent deux syllabes (117, 565,
853, 926, 1069,1162, 1407, 1441, 2433, etc.), mais il
n'en a qu'une aux v. 1475, 2057.
Les mots savants en iun comptent la terminaison pour
deux syllabes (159, 518, 548, 835, 880, 2J01, 2284,
2757, etc.); de même ceux en iu5 (623, 671, 1496, 2588,
etc.
Achesun 603, semble entrer dans la classe en iun, bien
que aux v. 3i2, 2102, 2444, 2i49, etc., il présente sa
forme ordinaire. Crestïen 1737, ancien 1740, font trois
syllabes. Donïez 1853 en fait autant.
Les exclamations haï 2151, guaï 2570 font deux syl-
labes. La ou n'élide pas : 1929, 2303.
On trouve les futurs fra 2729, 2783, fras 2752, tou-
jours dans la partie que représente le seul C. Il faut
corriger 2729 et on pourrait bien le faire aussi pour
2752 en supprimant tu. Avéra dans C, averont^ 196
et 2718, ne comptent pas leur e.
On rencontre des enjambements aux v. 177-178,
— 12 —
201-202, 260-261, 407-408, 572-573, 742-743, 1608-1609,
2195-2196, 2209-2210, 2131-2432, etc.
En général le sens du couplet s'achève avec le second
membre, mais il y a des exceptions, par ex. 3-4, 199-200,
261-262, 333-331, 383-38i, 637-638, 1573-1574, 1675^
1676, 1909-1910, 1983-1984, 2179-2180,2189-2190, etc.
L'auteur ne rime pas richement et ne fait pas alterner
les rimes masculines avec les rimes féminines. Il est
très peu poète comme le montre la pauvreté des rimes.
De plus il ne se gêne nullement pour faire quatre, même
six vers de suite sur la même rime, par ex. 183-189,
719-723, 901-905, 1163-1169, etc.
Les V. 641-642, 1547-1548 ont des rimes inexactes,
et aussi 2476 d'après le manuscrit.
Les contractions connues h notre poète sont :
Nel(=ne le) 166, 169, 218, 270, 301, 361, 362, 457,
905, 961, 96i, 981, 1255, 1260, 1306, 1309, 1385, 1530,'
1610, 1630, 1805, 2385, 2451, 2555, 2713 ;
SU {= si le) 165, 745, 2246;
Jel {= je le) 149, 1975, toujours dans le seul C;
Kil[=ki le) 702, 851, 959, 2046, 2137, 2469 (= /^'/Z?
cf. 2614 ; je regarde cshaucier dans les deux cas
comme verbe transitif) ;
Nes{= ne les) 1243, 1437, 2400 (dans C),
Sis (= si les) 261 3 ;
Kis (= kis les) 2913, (1124 ? Cf. Notes) 1491, 2036.
Jes ( == je les) se trouve une fois dans G, v 894. Je
crois que c'est la forme du poète, car le scribe de C
ne semble pas connaître les contractions. Il écrit ki les
au V. 2036, où il faut évidemment quis, ce que donne
d'ailleurs P.
- 13 —
VI
LA LANGUE
a) Du scribe du ms. P.
Tout le manuscrit, excepté les v. 2327-2i26, paraît
avoir été copié par une seule personne. Le scribe a pour
quantité de mots et de phonèmes plusieurs notations.
Il écrit souvent e pour ai : mes 73, lera 390, plese 406,
et 701, set 911, het 912, vet 1100 {vait 1103), ense-
inent 1187, euns (= ayons) 1896 ; mais il n'a pas d'habi-
tude fixe, il emploie ei pour le même son : sereit 62, oit
78, reisun 490, seitl&O, demandei 1847 (en rime avec
alai, 1850). Seriez pour serais 1228, etc., est plutôt une
confusion avec la 2® pers. sing. Il emploie ei pour ni
devant une nasale : meintient \)i9, meint 1019. Cf. aussi
feint : meint 521-S22. Il emploie ie pour le môme son :
crient 268, 1357.
E est pour ei dans seun 1894.
E se trouve souvent pour a dans la syllabe initiale :
recunte 2, demage 741, 1990, perdit (= pardit)H2S A A
se trouve pour e [ai) devant n, m : anemi 734 ; devant
r : charchier 593, 604, 610, larrai 816, 862. Mais clans
les syllabes accentuées le scribe, comme le poète, dis-
tingue e ei à.
II distingue aussi dans la plupart des cas -cr et -c de
'ier et -iV; cependant il y a lessee 1339, comencc : Icssc
1367-1368, juffere 1864, dreturcr 186i, etc.
E se trouve rarement pour /. Il est tonique dans /)re
17, el ^il.preant 1716, delcte 1924, /e^e 2081, soufcst
— u —
22iW, proso 2:112, dcz iC) 2896; prototonique dans kn
17, tlt'viti 12, preiere 172t}.
lu Si' Inuive pour i : ernpeirer 183, 1438 {despleiti
W\ l'sl ;iiilri' rhosc : pour e très souvent dans les formes
ilu futur : scrriz 1831, conversereiz 1872. Ce dernier
fxrnipU' <[ui rime iWQc boueurez 18&9 et privez (partie.)
1S73, c<Mnnu' aussi d'autres {aurez : aw2 1811 et
ISI V, l'io. prouve que cet ci n'est pas la diphtongue oi.
1\ fermé du latin est noté indiiréremment par ei et oi\
.s;irt)ir : n/H'rccrair 213214, aveir : saveir 307-308, et à
ciMé de mordent ; porteient 819-820, on a erraient :
(inmticnf t)37-()38 ; dans vaire 2030, le même son est
noté par .7/. (If. mémoire : retraire 1333-1334. Le
seeoiul seril)e de P écrit habituellement oi : proier
232ÎI, fvsiiivs 2330, toi 2332, etc.
lot* est orilinairement ainsi noté ; mucie, 276, est une
faute (pril faut corrifj^er.
A se trouve pour o dans pramet 840 et 1312, pra-
mint 13Ui, pramez 1317, pramesse 1319, toujours à la
protoloni([ue.
\jO accentué est noté par o, ou^ u et eu : vount : /*on^
797-798, unt 785, mou;; ; c?e5ua7 .• trestox 2364, 2376,
2378,y/;yfiwr : entor 1339-1340; k la prototonique le plus
souvent j)ar ou : (/ouverner 912. On < homo est écrit
{^généralement en : l'en 1298, etc., mais aussi Iwm 1315
et Tu/i 1455. Memorie se trouve au v. 1445, mais la
forme usuelle est mémoire^ 1333, etc.
11 y a aussi pour les diphtongues plusieurs notations :
coer 1012, cuer 1013. leu est généralement représenté
par eu : leus [locus) 1280, meuz 1739, {miuz 2335 est
dans la partie que je crois écrite dune autre main).
— 15 —
/= ui très souvent : au/rM 136, 1304, li généralement
pour lui, 287, 378, 777, 2546, etc.
La nasale finale est notée par m dans : œmpaignum
113, sum 306, subjectium 2101, par ng dans guaing
1290» Pour n mouillée il y a compaignun 705, eslon*
gnant 2128, loing 1085;
Pour /, on a meZZor 141 2, meeWor 2235 ; à la finale comen-
çal: desmal 919-920, et moins fréquemment il : travail
1357. De même feeus : conseuls 1121-1122, feeil :
consel 1547-1548, consel : feel 1673-1674.
Pour Z-|- consonne il y a : coupe 414, teu 1285, teus
2024, mais malveis 2438.
A* est noté par /c, c et yu : donkes 1951, rfonc 1947
(cf. don 2092, etc.), recunte 2, quonéû 93, 96, 100,
Aaryuemer 1090, 1485, 1488. A:ui = yuH127. C est noté
par c et par ch : «ace 901, encerchier 1085, reproce 2464,
miche 2512 ; c chuintante afTriquée sourde est notée
généralement par c, quelquefois par z : menzungier
1195, ou par«« : justisse 702; g^ -f" ^ pargru ; guarda
1737. Charche 610 = charge,
T final n'est pas toujours noté : quier 981 et 2477,
conquier 1997. Cf. c/o/i pour donc.
Z (ts) final s'écrit z et ne se confond pas avec s ;
escriz : rafz 931-932. Il paraît représenter si dans : rfo//iz
690, cez, 718.
Il y a souvent redoublement de 1'* douce : tessir 419,
franchisse 83i, coveiiisse 770 (: devise) etc, ; ainsi que
de IV : seurre 882, creirre 1520, desrierre 1524. S -|-
cons. qui est notée généralement, ne Test pas dans :
pleet 341, renable 1652, epleitier, 1915. Notons aussi
l'omission de s dans .4u /jriuez 2218, fe 1937, Ze 2081,
— IG —
te epleitier lîMo. Cf. te = tes 1274, fe =^ fais 1937, de
= (Ies2{m,
Fcst 22:{S, eFumrsrH 2:53 1, tost 2623, sont des
exemples crune s introduite où elle n'a rien à faire, et
par consécjuent des preuves que «-}- cons. était muette
dans la langue du copiste. Encombries 1880 = encom-
hriers.
Le produit de -aham s'écrit comme celui de -ebarh,
mais aussi le poète f<ût rimer mordent : porteient 819-
820. Le seul exemple qu'olFre le poème d*un imparfait en
out assuré par la rime est aux v. 1. '573-1 37i et là le scribe
Ta noté de même. Pour la 1*^ pers. du pluriel il écrit iron
64 i, à coté de avons (519 ; le poète rime avun : reisun
2083-2086 foù l'on pourrait corriger en reisuns)^ façon :
perdicïun 879-880. Il note les prétérits forts latins en ui
à la 3** pei's. du singulier par ont : plout 659, out
1606, etc.
La forme lei qui se trouve 1433, 2223, 22r57, est sin-
gulière, il est possible (jue dans les deux premiers cas
ce soit simplement une graphie pour T/, mais au v. 2257
c'est sûrement le. Cf. les remarques sur les pronoms,
p. 23.
Dans tout cela il n'y a pas de contradiction sérieuse
entre la langue du poète et celle de son copiste et je ne
vois rien qui s'oppose à Topinion de M. P. Meyer
que le manuscrit P ait été exécuté en Angleterre, mais
en même temps son caractère anglo-normand n'est pas
bien prononcé.
b) Du poète.
1. Phonétique, — La pauvreté déjà remarquée des
rimes est telle qu'on n a pas toujours des témoignages
— 17 —
aussi clairs qu'on le voudrait sur Tétat de la langue.
Dans toute Tétendue du poème il n'y a pas de rime pou-
vant montrer que ei de e libre latin était devenu oi. Oi
<io-\-i rime avec ai dans mémoire : retraire 1333-1334,
ainsi il se prononçait wè^ mais on ne peut en rien conclure,
puisque dé telles rimes se retrouvent dans des monu-
ments de régions diverses * .
Ein = ain comme nous l'avons déjà observé : feint ^
meint 521-522; peine^ semeine 1219-1220; peine :
asene : veine : certeine 2774-2776, 2778-2780. Mais e
n'égale pas â.
Il n'y a que la rime douteuse cordele : leele 2165-2166
qui indiquerait le mélange de e < a et de e < é et ici la
rime est aussi douteuse que Tétymologie de cordele,
Eir n'égale par er.
Pour er, ier, e, ié il y a Seint Père : preiere 1725-26,
empeirer en rime avec amender 183 et 1438, endurer :
enseignier 1255-1256. Pour la première de ces rimes
voir Foerster, Cligés^ note au v. 21, page 339. Quant à
empeirer ']Q\e regarde comme une rime en er. On pourrait,
le traduire au v. 183 par blâmer (cf. Godefroy, empirer) ;
le V. 2604 ne peut rien prouver, le vers étant gâté ; le
V. 2868 est aussi gâté. Reste la seule rime endurer :
enseignier 1255-1256. E -{- i aboutit à i\ ainsi on a />W,
ami, fi, di 1767-1773, eslit : /)e^t7 2760-2761, profite :
rfeZe/e 1923-1924.
Il n'y a pas de preuve que iée ait abouti à ie, ni que
ée dans les mêmes formes se soit contracté en e. Les
rimes blamee : contrée 49-50, donee : destinée 211-
1. Cf. M. F. Kraus, Ueber Girbert de Montrenil and seine Werke,
Wiirzbour^, 1897, p. 32-33.
2
— 18 —
212, doublée : destinée 663-664, renummee : contrée
♦ 129-1 130, prouvent que la réduction, si elle est efFectuée
dans les participes, s'est faite aussi dans les substantifs.
O latin libre et entravé fait o (ou), et non eu : oiselour. :
jour 141-142; tour : anceisur 211-212; envius : vus 671-
672; coveitous : vos 799-800; pereçus : vus 1497-1498,
et ce son rime avec ç : dolors : cors 2529-2531.
U latin rime avec û dans secorre : cwre 1793-1796 (cf.
^2695-2696), haur : tristor 2544-2546.
O -}- î donne ui : lui : ennui 2193-2194. Celui : issiy
2494-2496, ne se trouve que dans C et dans un endroit
où les deux manuscrits sont très gâtés^ mais il semble
bien être la bonne leçon.
L s'est naturellement vocalisée ; toz : dolz 2500-2502.
Pour l -\-s dans la terminaison alis, il y a la rime douteuse
adolez : tels 2486-2488.
On pourrait croire d'après estre 1843 : désire^ celestre
que Vs se prononçait, mais la rime est plutôt ètr\ dètr^
celètr.
Remarquons estace : face 2259-2260 ; z dans douz :
mouz : desuz 2572-2574-2576, asez : ennorez : adolez :
tels 2842, mais ces strophes sont trop gâtées pour que
leur témoignage soit bien sûr.
Ivus donne is : chaitis 2688 ( : despis), mais l'endroit
est peut-être gâté.
Filius donne fiz ; ainsi on trouve fiz : loeiz 1583-1584,
fiz : noriz 2616-2617. Fiz en rime Rvec persil, esil 1713-
1716-1717 est pour fil ; c'est donc une faute de flexion
et les vers 1985-1986 en montrent encore une.
Il n'y a pas de trace du t final dans contenu \ fu 525-
S26; fu '.vertu 811-818; perdi : fi 871-872, etc. Natu-
— 19 —
rellement, il n'y en a pas de Vn finale : oiseloar : joar
Ul-li2; seignor : jor 1035-1036.
2. Flexion. — Le poème montre beaucoup de sub-
stantifs au cas sujet dans leur intégrité, comme amis :
paÏ333-U; sire avec élision de l'ee 204, 1820, 1823 ;pcrc
avec élision 1988; sire : despire 1681-1682; manière :
jugicrre 2237-2258; criere : jugere : prière 1863-1864-
1866; anceiaur (pi.) 272, compaignan (pi.) 622.
Daaslesv.33, 272,622,1681,1820,1823,1863,2258,
le substantif ne précède pas immédiatement le verbe.
Cependant il y a un ami 513, 1008, compaiffnun 715,
jugeur 1339, seignor 2076, enseignement 2239, amis
(pi.) 2129, etc. Dans ces exemples, le substantif suit le
verbe, mais aux V. 668, 1776, il le précède. Le mélange des
formes aux v. 12i7 et 1251 peut bien être dû au copiste.
Pour le sujet singulier homo on a : home 256, 1099,
1374, 1383, 1504, 2125, etc. (toujours avant le verbe) à
côté de hom 62, prodom 884, U hum, 2135, nul hom
2195, etc.
La forme du cas sujet se trouve pour celle du régime :
576 (del pechierre : première), 934 escouter hom qui est
(où hom pourrait être regardé comme sujet du verbe
qui suit plutôt que comme régime de celui qui précède^ ;
peut-être 987 hom amer (où C écrit home).
Il est évident que la flexion est sérieusement entamée,
cependant il n'y a pas d'exemple d'un substantif mas-
culin de la première déclinaison qui ait reçu l's analo-
gique au cas sujet. Cf. les exemples déjà donnés de sire
et père. De même, des substantifs féminins qui reçoivent
généralement une s analogique au cas sujet singulier
n'en montrent pas ici ; gent 1174, 1323, erilê 1448, etc.
- 20 —
Les adjectifs et les participes employés adjectivement
présentent aussi de noinbreuses infractions à la flexion :
27-28, 61-62, 6oI-6:)2, 721-722, 934, 93i, 1019, 1062,
H2i, 1287, 1290, 1760, 1790, etc. Dans tous ces cas,
le mot dont il est question est employé comme prédi-
cat, mais dans d'autres cas semblables, par exemple 673,
on trouve la forme correcte.
Au V. 16i6 le neutre (si Ton doit comprendre la phrase
comme neutre) montre une s.
L'article masculin // est sujet sin<julier aux v. 843, 844,
2049 ; sujet pluriel aux v. 841, 842, 2331. Le produit de
larticle avec la préposition a au pluriel est comme je le
crois as. Le v. 1966 présente au suens (C a sons) = aux
uns; les v. 1967, 2286 ont as autres, 1973 as suens (C as
uns) = aus uns. Dans les v. 2218 ^u privez e as
alïens, 2320 au vivanz (C as), 2323 au mauvais, au pour-
rait à la rigueur être singulier. Ainsi, nous voyons la
notation as trois fois devant une voyelle (1967, 2206,
2218), à côté de deux fautes de copiste (1966, 1972)
qui s'expliquent facilement en supposant qu'il avait
devant les yeux une forme as qui lui était inconnue. Sa
forme à lui était aus dont Y s -\- cons. ne sonnait plus.
A -{- le donne au [al) aussi dans des cas où le est pronom
et non article et où il dépend d'un verbe et non de la pré-
position : 1433, 1916 ; de + le est del dans les mêmes
circonstances : 20G2 2281. Cf. Tobler, Dit du vrai aniel^
note 5.
Malgré cet état de la flexion, nous voyons les adjec-
tifs de la troisième déclinaison latine sans e analogiqpie
au féminin : tel 417, 333, 603, 1283, etc. ; grant 168,
788, 846, 1144, 1777, itic, perpétuel 2533, etc. Il est
~— 21 —
vrai que tele se trouve aux v. 2020, 2069, mais dans les
deux cas G a itel, forme fréquente. En revanche, G pré-
sente pour le V. 205 qui est trop court dans P une leçon
qui renferme la forme tele. J'en conclus que les scribes
connaissaient tele, mais non le poète.
Le V. 662 montre grande -en rime avec demande^
mais on pourrait aussi bien lire demant (cf. 1240). Les
V. 1143-1144 présentent grant féminin en rime avec
tesant masculin ; les v. 1169-1170 ne prouvent rien ; 2207
semble bien un exemple de grande, comm^ 21 SI de
quele. Mais 2219 montre queus, 2317 quel chose, etc.
Le V. 1567 donne un exemple de large masculin; mais
G a une autre leçon, et on pourrait aussi lire : Ker se il
est lares comme vos,
3) Les Pronoms. Notons lé datif ^e 1027, f 2615; T
2317, 2531, 2547 (et peut-être 1052 neli = nel) ; l'omis-
sion du prononi réfléchi avec l'infinitif 989 (Gf. C liges,
1268; Girbert de Montreuil, Rom. de la Violette, dans
Barisch-HoTning, Langue et Litt. franc., 389, 9; Marie
de France, Lanval, v. 179). Voir aussi lever = se
lever ^ v. 625.
El se trouve pour il 577; c'est probablement une
graphie. Lei, cas obi. fém., 1435, 2223, 2257, pourrait
être également une graphie, ou bien on pourrait lire Vi
1435, 2223. Mais dans les trois cas, le pronom suit le
verbe et dans les deux derniers il est suivi d'une voyelle,
donc il a une position relativement tonique. Alors peut-
être lei est à le comme tei esta te.
Pour la position de Ze2332, 2336, voy. aux Notes. Eus
H 20, est sujet pluriel accentué, au v. 2614 il est régime
— 22 —
é{^alemcnt accentué. Les 2313, si ce n'est pas une faute,
doit être le datif accentué.
Ël=elle 196,281, 926, 1346, 1399, 1887, 2672. On
pourrait corriger au v. 196 en L{e) el[le]y au v. 281 en
Seit el[le] grant ou seit petite. Dans la leçon actuelle
les deux formes el et elle se trouvent à côté Tune de
l'autre. On pourrait supposer Télision pour 1546, 1599,
et corriger encore 2692, mais je ne vois pas d'accom-
modement pour 926 ni pour 1887.
Le au V. 31 représente // datif féminin.
El se trouve comme sujet neutre aux v. 1372, 1663,
2333 peut-être aussi au v. 793, au lieu de ce, 231, 265,
410, 788, 868, etc., cest pour le régime neutre 71,
1080, autrement ce (il, 277, 289, 410, etc.). Cf.
Romania^ XXIII, 161 sq.
Ce/aiest sujet auxv. 372, 913,974, 1237, 1273, 1307,
1334, 1703, etc., k côté de cil des v. 133, 147, 363,
382, 1334, etc. Le pluriel est a7,643, 843, 1639,2423,
2734, etc. ; cez 2430.
Le démonstratif cest se trouve au cas sujet masculin
720, cel 1391 ; le pluriel est cist 623. Le poète connaît
les féminins celc, 1383, 1336, 1382; ceste 621, 850,
1037, 1047.
Pour qui^ que, voy. le glossaire.
Cestui 1290, nului 1673, 1682, 2634 sont des génitifs,
et autre 276, 2781, aussi.
4) Adjectifs et Adverbes. — L'adjectif neutre sol se
trouve 121, 741, 743, 839, 907, 1043, 2221, 2303. Cf.
Festschrift fur H. Schweizer-Sidler, p. 77.
Les comparatifs greignpr et méndre sont connus :
greignor 737, 984, 1432, 2743, pluriel greignors 2&31 ;
— 23 —
mendre 1865,2345, 2633. Le poète semble confondre quel-
quefois le* adjectifs et les adverbes. Pour boneeslUe282y
bon eslit, 1433, 2760, voy. M. A. Tobler, Vermischte
Beiirâge, I, 64. Aussi bienfet2i0, 1062 {bienfetl060) plu-
riel, bien fez 237, biens fez 201 1 ,2013. Voir Godefroy, v^*
tandis et tans dis. Sauve au v. 1671 est pour sauf et le
meuz = le meilleur. Humble et doucement 1837 =
humblement et doucement. Grantement 617, vilmenf
1623 montrent la forme primitive des adjectifs en com,-
position.
5) Les Verbes. — La première personne du singulier
de l'indicatif présent ne prend pas d'e analogique : pri :
ami 1203-1204; obli 1856; pri 1884; la 3° personne
du singulier ne montre pas de t (Cf. p. 10). La 1*"® per-
sonne du pluriel est en on : façon : perdiciun 879-880;
avun : reisun 2085-2086.
Le verbe poeir fait à la 2® personne du singulier poez
(une syllabe), 214, 1093, 1222, 2368, etc., à la 2« du
pluriel /)oez (deux syllabes), 457, 1151, 2305, etc. Les
imparfaits de Findicatit en -abam sont pour la plupart
assimilés à ceux en -ebam : moreient : porteient 819^
820; esteit : porreit 1321-1322; teneit : deserveit 1991-
1992; mais alout : sout 1573-1574. La 2® personne du
pluriel de l'imparfait est en -ïez : donïez 1853.
Le prétérit de vouloir ne fait à la 3® personne du
singulier qu'une syllabe: vout 112, 858, 2282; celui d^
être et des verbes en / ne montre pas de t : contenu :
fu 525-526; perdi : fi 871-872 (Cf. p. 18).
Le futur montre -ner-j -rer-j -rir-, -ser- ^-rr- i
durra 125, morras 171, larrai 369, plourra 425, dorra
1305, charra 2174, emmesra (= emmerra) 2531, etc.;
— 24 —
la 3' personne du singulier na pas de t ; vendra : a
136S-13fii) ; la 2' personne du pluriel est en cz, souvent
écrit eiz [-iez dans porriez 340) : vendrez : conversereiz :
privez 1870-1872-1873.
Le verbe être au futur a plusieurs formes : 3* per-
sonne du singulier ler^ 720, 1263, 1264, 1265, 2030;
3^ personne du pluriel icrent 1242 [les 249 =es); mais
en général ce sont les formes A^rai, etc., qui remportent :
seras 216, 373, 431, 1009, etc. Esserunt se trouve
au V. 2018 où C a seront. Cf. esses^ G 330.
On pourrait supposer que feriez 1208, avries 2808,
font trois syllabes, mais les v. 314, 1228, 2756-2757,
etc., ne l'indiquent guère.
L'infinitif négatif est employé comme impératif :
retter 301, 376, 429; chosir 392; creirre 1167, 1385;
guastcr 1413; faire 2283 ; troblcr 2684, etc. «.
L'impératif se trouve pour le subjonctif : crei 194
(toutes deux formes de l'infinitif), seu 2232-. Encom-
brer 1376, aco5^umer 1349, sont apparemment des infi-
nitifs employés, d'abord comme impératifs, puis comme
subjonctifs.
Le subjonctif se trouve pour Timpératif resun 1230,
gard 2664, 2704, despis 2687 (où la leçon est
peut-être gâtée, puisqu'il y a trois vers rimant en -w^).
L'indicatif présent se trouve pour le subjontif : as
2219, 2325 ; a 2341 , 2681 ; vos 2717 '*.
Le subjonctif de la première conjugaison ne présente
pas encore Ve analogique à la 3« personne du singulier ;
1. Cf. Enj^laender, Der Imperativ im Altfranzôsisch^ p. 14.
2. Cf. Tobler, BeitrSge, I, p. 25.
3. Cf. Roman. Studien, III, 412.
4. Cf. Bischof, Der Conjnncdv bel Chrestien von Troyes^ p. 91.
— 23 —
chastit 26, oblit 574, lest 886, esguart 917, parout
1H3, guart 1717, 1878, em/ 2132; mais bien à la deu-
xième du singulier : dc5/)Zeic« : dies 991-992, amendes',
entendes 2111-2112, dies : chasties 2362-2363. Mais
a(i 220 ne montre ni Ve de Timpératif, ni Vs propre
au subjonctif. Cf. a(îe 276 en rime avec mie,
c) Autres particularités, — Il y a lieu de signaler : le
mélange de tu et de vos dans la même phrase. Ceci
arrive constamment dans le poème. Cependant ce
mélange n'est pas sûr dans tous les cas, ainsi créiez du
V. 133 est plutôt crêtes^ 2® pers. sing., que creéz^ 2®
plur. ; />oej3, 214, est aussi pour jooe* = /)ues ; également
seiez 2216, pour^eîe*. Metez 1219 et poez (=pues) 1222,
ainsi que as 2219, feindras 2220, sachiez 2225, montrent
bien le mélange. La mesure du vers montre que pernez
2734 est une faute du scribe.
Dans le vocabulaire, nous voyons le mot anglais wel-
corne francisé 2159, 2783, et le mot boitous (cf. Gloss.)
qui parait bien être d'extraction anglaise. Remarquons
que manger (\aï est employé au v. 2408 dans le sens de
démanger s'est conservé avec le même sens dans l'an-
glais mange (maladies des animaux). Pour guarnir <
warnjân, voir L. Fenge, Sprachliche Untersuchung der
Reime des Computus, p. 51.
VII
PATRIE DU POÈTE
Les faits que q libre est encore ei et non oi ; que e
diffère de à\ que ç + i donne i; que ç donne o, ou;
que k + i aboutit à ç (ce qui suppose que A: -f- a
— 26 —
devient c/i, fait déjà prouvé négativement par le poème) ;
l'imparfait en out: la 1*"® pers. pi. en-on; la 2* pei-s. pi.
du futur en-c2, indiqueraient la Normandie orientale
comme étant la patrie de notre poète.
Les démonstratifs féminins ce/, ceste^ sont normands ;
cel, cest^ cas suj . masc. , ou normands ou anglo-normands ;
Cf. Meyer-Lûbke, Grammaire, II, C. 96.
Les faits que e <C a diffère de e < ç (cf. Vising,
Étude sur le dialecte anglo-normand, p. 68) ; que
ier = er (un exemple) ; que û=- û (deux exemples) ;
que ui = i (un exemple) ; que ee = e (un exemple) ; les
formes, fra, etc. (p. 11), indiqueraient que c'est l'œuvre
d'un poète qui, tout en connaissant bien le français^
n'était pas Français du continent.
L'état de la flexion comparé avec celui de la conju-
gaison conduirait à la même conclusion. C'était une
particularité des auteurs normands de la fin du xu" siècle
de joindre une déclinaison fort entamée à une conju-
gaison archaïque (cf. Romania, XXV, 321), mais des
formes féminines comme tel^ grant à côté des accusatifs
comme seignor employés comme des cas sujets, ce
même seignor sujet à côté de sire sans 1'* analogique,
ne sauraient guère se trouver dans la Normandie.
Nous voyons partout que le poète use d'une grande
liberté. L'f atone intérieur reste généralement, dispa-
raît quelquefois ; ier et er sont distingués généralement,
confondus une fois ; rt et w sont distingués généralement,
mais ils riment ensemble deux fois ; ui et i, distingués
pour la plupart des cas, riment ensemble une fois ; le poète
emploie bien des fois correctement les formes du cas
sujet, mais il ne s'en fait pas une règle et il emploie une
— 21 —
fois le sujet pour le régime. Il connaît les formes du
sujet, mais elles ne vivent plus pour lui de leur véritable
vie et il s'en souvient comme dnne espèce de pis-aller,
de doublets qu'il met quand le vers l'y invite, mais qu'il
met par conséquent aussi, de travers. Il emploie l'im-
parfait en eit à côté de celui en oui. Il semble ne pas
comprendre bien clairement la différence entre les adjec-
tifs et les adverbes. Il n'est pas très soigneux non plus
dans l'emploi syntaxique des verbes, comme le montrent
les exemples donnés à la page 24. Les infractions
de toutes sortes sont plus fréquentes dans les parties
du poème où il s'essaye dans différentes métriques,
lesquelles sont évidemment plus difficiles pour lui. Je
trouve aussi que son choix de mots prouve une certaine
influence anglaise et qu'il montre des connaissances
particulières de la littérature anglo-normande.
Les rapprochenients fréquents et fort étroits entre la par-
tie de notre poème du v. 2612 au v. 2660 et la traduction
. des distiques de Gaton par Elie de Wincestres ne peuvent
pas être fortuits. J'ai imprimé les deux versions à côté l'une
de l'autre pour le faire voir. On ne pourrait pourtant pas
décider lequel des deux poètes a copié Tautre, ou si les
deux ont également copié un troisième.
VIII
DATE DU POÈME
Une fois sûr que l'œuvre est anglo-normande, —
et je ne crois pas qu'on puisse en douter, — la ques-
tion de son âge devient plus difficile, puisque le dia-
lecte normand transplanté en Angteterre y subissait un
développement tout particulier.
— 28 —
Nous avons de Tanglo-normand de toutes les nuances,
depuis la langue élégante d'un Huon de Rotelande jus-
qu'à la plus corrompue, Téducation et les tendances
individuelles se faisant sentir là plus qu'ailleurs. Mais
puisque la langue dégénérait partout assez rapidement,
son état relativement bon ne peut qu'indiquer l'âge
considérable de l'œuvre en question.
M. Suchier, dans la Vie de saint Auban (ouvrage
peu récent il est vrai), divise l'anglo-normand en cinq
périodes. Mais notre poème n'entre dans aucune d'elles.
Il montre, comme nous l'avons vu, un seul exemple
de ier = er, un douteux de ée = e et aucun de eir =
er, à côté de deux, qui semblent sûrs, de û = ûy chan-
gement que M. Suchier attribue à l'époque qui s'écoule
entre 1236 et 1264. (Cf. S, Auban^ p. 5) pendant qu'il
place ier > er entre 1174-1183.
Mais il y a d'autres traits qui devraient être considé-
rés, même dans une œuvre de provenance anglo-nor^
mande.
1. Les contractions. Cf. la thèse de M. Karl Gengna-
gel, Die Kûrzung der Pronomina hinter vokalischen
Auslaut im Altfranzôsischen^ Halle, 1882. D'après lui
neZ, sily jel, nés, sis, jes sont les seules contractions qui
se trouvent au xiii*^ siècle et notre poème présente aussi
des exemples de kil et de kis. D'après M. Friedwagner,
Abfassungszeit des Huon de Bordeaux, les huit contrac-
tions nommées sont toutes du xii® siècle et les deux der-
nières rares dans sa seconde moite.
2. La non élision dans la plupart des cas des voyelles
atones intérieures devant d'autres voyelles. Cette élision
est rare au commencement du xiii® siècle.
— 29 —
3. Les formes de la première personne du singulier
de Vindicatif présent sans e, cet e apparaissant déjà au
commencement du xni" siècle.
4. Les adjectifs féminins comme grandis sans e. Cet e
se trouve déjà au xii".
5. Celui comme forme absolue au cas sujet préci-
serait la date plutôt de l'autre côté, puisque la forme ne
se montre que vers la fin du xn® siècle.
6. El pour elle ne se trouve sur le continent qu'au
XIII® siècle, mais il apparaît en Angleterre de meilleure
heure. Cf. Adamsspiel, p. 146. Cependant Marie de France
connaît la forme. Cf. Warnke, Fabel der Marie ^ p. 105.
Mais il y a pour cette question de la date, un point
d'appui fourni par Tauteur même. Il dit, v. 1741 sq., Que
le leu ancien Dovun nos restorer. Ainsi il semble écrire
à un moment où Jérusalem n'était pas aux mains des
chrétiens et où il n'y avait pas de croisade.
Il y a un tel moment précisément à la fin du xii® siècle.
La conquête de Jérusalem par Saladin avait eu lieu en
H87. Les chefs de la troisième croisade, Philippe-
Auguste et Richard P** quittèrent la Terre Sainte en
1192 et la quatrième et également infructueuse croisade
n'est que de 1204. En 1228 survenait la cinquième, après
laquelle et jusqu'à 1244 Jérusalem appartient aux chré-
tiens. On pourrait difficilement renvoyer notre poème à
une période aussi avancée, et je crois que celle de 1192
à 1203-1204 lui convient mieux.
En terminant je veux exprimer mes profonds remer-
ciements à mon ami^ M. Amédée Salmon, qui a revu
avec le plus grand soin les épreuves de ce travail et m'a
suggéré plusieurs corrections importantes.
ERRATA
V. 80, lire : del amender.
V. 153, lire : oidivece.
V. 206, lire : pointet.
P. 41, note 4, lire : tien, au lieu de den.
P. 42, note 3, lire : Prov., XXVI, 2.
P. 48, note 3, lire : 228,2J, au lieu de 223.
V, 425, lire : Et tant cum[e] ele ploura.
V. 549, lire : E « stare », au lieu de « Estare ».
V. 702, lire : quil.
V, 957, lire : maus, au lieu de mains.
P. 76, note 2, ligne 3, lire : hi quos habuit separantur.
V. 1158, lire : H(n), au lieu de fin.
V, 1391, supprimer ce.
V. 1588, lire : del.
P. 102, note 4, 1. 2, lire : Ex ore, au lieu de Uxore.
V. 1700, lire: n'i
P. 111, note 6, lire : Proph. Isaiae, au lieu de Qs.
P. 115, note 1, 1. 1, lire : plaza.
V. 2180, lire : leaulé.
P. 123, note 2, lire : In, au lieu de Qui.
V. 2267, lire : nuisent, au lieu de misent.
V. 2309-2310, supprimer la virgule après servise et menu.
V. 2392-2393. Ces vers ne sont que dans G et auraient dû être
imprimés en italiques,
y. 2508, lire [ne].
P. 137, note 6, après spiritus, lire : {Ibid,^ IV, 16).
P. 142, note 2, lire : 2619, au lieu de 2625.
V. 2808, lire : [tu] deshait.
LES ENSEIGNEMENTS TREBOR
DE VIVRE SAGEMENT*
Trebor commence sun ^ tretié
E si 3 recunte sanz feintié
Des diz qu'il a allors oïz.
En cest livret ^ les a escriz,
S Partie des diz danz Chatun ^,
E partie de(s diz) Salemun^,
E partie de danz Estace ^,
E partie de danz Orace,
E partie de danz Omer ^
10 Qui cume clerc sout bien parler,
E partie de danz Virgille
Qui plus sout de autres dis mile ^,
1. M. P. Meyer a imprimé les v. 1-33, d'après G, Notices et Extraits
des ms»., XXXÏV, 214, et M. Le Clerc, les v. 1-15, d'après P, Hist,
litt. de la France, XXlll, 236.
Cortois ensei^nemenz fet vivre sagement
[Le Doctrinal Sauvage, Jubinal, Nonv. Rec, II, 150),
2. G, sa traltie.
• 3. G, sil.
4. G, livre.
5. G, des diz danz Katon.
6. C, de Salemon.
7. G, E si prent de danz Ëustace
Ë si prent de danz Orace
£ si prent de danz Omer
Ki mult soit clerpalment parler.
8. Omers qui fu clers mcrveillos,
Des plus sachanz, ço trovon nos {Rom. de Troie^ 45).
9. G, Ke soit plus kautre.
— 32 —
E d(e) Ovide i a partie *
Qui fu mestre de grant clergie,
15 E partie en a controvez
E o les autres ajustez.
Or pré je celui qui lera ^
E qui amender le savra,
Que il le face bonement :
20 De meie part grâces Ten rent.
E qui nel savra amender 3,
Por Deu, ne voille pas blâmer^.
Des or commence en cest escrit
L'enseignemenz que Trebor dit
25 A Sun chier fiz molt simplement
Que il se chastit bonement^.
Qui bien te fait au premerain^
E dit qu'il t'est ami certain,
Et puis après te veut honnir,
30 Sa compaignie est a fuir ^ ;
1. C, E d Ovide en i a partie
Ki niult esteit de jçrant clergie
E partie en a porpensez.
2. C, lira.
3. Amender en purrat Celi ki voudrat Mettre i sa cure (Everard,
Distiques de Calon, 2 d, Stenj^el).
Asez sunt malparliers
Pur mult petiz luiers
E humes pur blasmer,
Neient pur amender (Phil. de TliaiJn, Comp,, 117, Mail;.
Kar mainte {^ent sevent blasmer,
Et reprendre sans amender (Durmar^Ze Galois^ 7,éd.Stengel}.
Cf. aussi V. 175 sq., 1 85-186, 1435 sq.
4. C, nel voille adonc blasmer.
5. C, Kil chastie bonement. ■ -
On peut regarder ces vers de notre poème comme le prologue, dans
lequel on nous fait connaître Yauctor^ la ma/er/a, Vintentio^ Vutilitas et
le tiiulus de l'ouvrage, ainsi que faisaient habituellement les scholas-
tiques. Cf. Romania, VIII, 327.
Nunc te, fili carissime, doccbo
Quo pacto mores tui animi componas
{Disticha Catonis, Prol., édit. Hauthal).
6. Quar si vos mi faiz ouramen
E pues auta, torn'a nien (Sordel, Ensenham. d'/ion., 289).
7. C, E en .j. compein fere roïr.
^
- 33 —
Mal ait qui ja l'en savra gré
De quanqu'il a devant ouvré '.
Fiz, ce te di cum tes amis :
(Que) totes terres e touz païs
3S Sunt contrées a bien vaillant
S'il de bien fere est savant,
Cum a peisun qui veut noer,
Ou qu'il aut, viengo en la mer*;
C{e) est sa demeine regiun,
40 S'il la veut aveir mansiun*.
Fiz, ce dist Salemun le sage^.
Qui parla par devin corage,
Que poosté qui est soudée
Ou od enbrasement muntee ■'
45 Ne puet estre longTies estable'';
Ice ne tenez mie a fable.
Fiz, ne lesse pas cousellier
Ta prodefame n'aprochier
. C, ta avant honore.
!. Pour ces deux lers, 37-3B, Voy. Notes.
I. Orc moei^ez : u kc ceo seit
Tun pais ert, e a bon dreit.
Kî le vostre ne scit sanz Taille,
Se vus en valez une maille.
Se francs estes, duz e genlix.
Tûtes terres vus sunt pais;
Se fans estes e nurquidez,
Estranges estes u fustes nez (Chardry, Petit Plet, 413 sq.,
406 sq., 517 sq.).
Cui placet alterîutt, sua niniirum est odio sors,
Stultus uterque locum ininierituni causatur inique :
In culpa est animus qui se non elTugit unquani (Horace,
Epist., I, XIV, U sq.]
i. Je ne trouve, dans Salomon,rien de seinlilableaui vers qui suivent.
5. P, Ou en brasement muntee.
6. C, Poeste ke est sodein née
Od embracement montée
Ne poet estre pas durable,
Voy. Gloss., V» Soudée.
— 34 —
celé qui moût est blamee
SO De folie par sa contrée,
Quer ja d'ele n'aprendra rien *
Dunt tu aies ennor ne bien,
Quer ce désire fauseniere '
Que totes aient sa manière.
55 Fiz, trop parler ouiant la gent
Ce n'est mie enseignement.
Qui moût dit aukes li eschape ^^
Ke jamès n'iert mucié suz chape,
E quant a tôt dit e parlé :
60 (( Musart, funt il, est a rivé » ^.
E s'il eiist en pes esté.
Très cointes hom sereit clamé ^.
Fiz, dez ne tables n'aiez cure ^,
Kar ices gieus sunt sanz mesure ;
65 Ne ne seiez nient joour
Ne beveor ne luteor ^,
Ker de cez jeus surdent meslees ^
1. P, bien; C, Kai'jfi de li naprcndra rien.
2. C, la fausenere.
3. C, Filz ne parlez trop niant ^ent.
In multiloquio non dcerit peccatiim, qui autem moderatur labia sua
prudentissimus est {Prov.^ X, 9). — In multis sermcmibus invenietur
stultitia {Eccles.^ V, 2).
Que meuz vient a Tome tesir *
Que trop parler outre picsir {Dolopathos, 1045,Brunet et Montaiglon).
Fox est ke dit qanke il pense (//;/(/., 4296).
4. C, Musart fût cil ë arive. — Voy. Notes.
5. Stultus quoque si tacuerit, sapiens reputabitur ; et si compresserit
labia sua, intelligens {Prov.^ XVII, 28^.
Salenions nous dist que tant est
Si fols sages coni il se test.
S'il n'est sajres, si cuide l'en,
Por ce qu'il se taist, qu'il ait sen {Floriant et Florel.\ 1-5, Michel).
6. C, Fiz ne des tables naiez cure
Kar itel ju est sanz mesure. — Voy. Notes.
Aleani fuge (Gato, /Vo/., 37).
Les tables fuiez (Everard, Dist. de Caton^ 23).
7. C, Ne ne seiez menteor
Ne beveres ne luteor.
8. Cum Venere et Baccho lis est et juncta voluptas :
Quod lautum est, animo complecter, sed fuge lites (Cato, IV, 30).
^
- 35 —
E si receit hon granz colees,
E si en peit' hom sun chatél,
Que ne li remaint un ne hel,
Qui par cest gu&i[n]g n'a nul preis,
E s'il en pert, il li est pis -.
E s(e) une feiz esi a dessus ^,
A l'autre s'en ira conclus.
Mes si talent as de joer.
Va donc ton tupet démener *.
Fiz, ne hlasmez tant ton ami.
Ne mes k'il eit tôt desservi,
Que tu nel puises reloer
Se il se prent de l?amender.
Ne nel loez tant durement ^,
S'il de bien fere se repent.
Que tu nel puises blâmer bien,
Quer mesure veint tote rien ^.
Par mesure le loe ou blâme,
Ou tost en avras mal famé ;
Quer se tu le veus bui loer
E de rechief demain blâmer,
L'en te tendra a tricbeùr,
A novelier, a menteor,
E plus vil seras, ce le di,
De tOi ceus qui l'avrnnt oï.
1. C, E si cmpcrt.
3, C, Ki par ço h'ainc ni a nul pria
E si Tcm pert l'en est le pis.
3. Depuis ce vers jusqu'à 70, le mg. P est déchiré et je substitue C.
Pour a dessnt, Voy. Notes,
i. Troeho ludc iCato, ProL, 38).
Si juez volez, Al tupct vus juez (Everard, Disl. de Calon, 23).
5. Parce laudst", nam quem tu saepc probaris
Una dica, qualis fuerit, ostcndit amicus (Cato, IV, 28).
e. Mesure dure (Prov. au Vilain. 9).
— 36 —
Fiz, chacuns est quoneu trop tart *,
Ou seit boen ou de maie part,
95 Kar s'il est boen, ce saches tu,
Trop tart est de tei quoneu ^ :
Gum lun plustost l'en connoistra
Prodome, e l'en plus Tamera.
S'il est fel e de maie part ^
100 II rest donc quoneu trop tart ^
Por ço k'il vo.t trop décevant
La bone gent •'* de son semblant^
Cum l'en plus tost l'apercevra^
Sachez que meins prisé sera,
105 Fiz^ namez trop conter noveles ^,
ICel\e\s seient ledes u bêles ^
Ker qui longues en veut servir
Sovente feiz Testuet mentir.
Fiz, moût vient meuz tôt sol errer "
1. C, Fiz fais hom e conu trop tart.
Non agnoscetur in bonis amicus, et non abscondetur in malis ininiicus.
In bonis viri, inimici illius in tristitia : et in malitia illius, amicus ag*!!!-
tus est {Ecoles.^ XII, 8-9).
2. C, Kil est trop tart desconu.
3. C, E sil est fais e de maie part.
4. Le ms P est déchiré ici. Pour le v. 100 il présente... st donc qneu
trop tart. G a : Il reste conu trop tart.
5. Le ms a grantf que j'ai corrigé.
6. Rumores fuge, ne incipias novus auctor liaberi :
Nam nuUi tacuissenocet, nocet esse locutum (Gato, I, 12).
7. C, Fiz molt avient melz sol errer.
Li sapes hum por ço dit
Sun filz en ancien escrit :
Melz valt estre senz compainie
Que aveir cumpainon a envie,
E senz cumpainon nuit et jor
Que aveir tel u n'ait amor.
Pur ço valt mielz senz cumpainun
Que tel dunt ne vient si mal nun.
(Tristan^ Michel, III, p. 38, cité d'après M. Kadler, Sprichwôrter nnd
Sentenzen^ p. 51).
Riens n'empire tant homme comme mauvaise compaignie.
(Altfr, Lebensregeln^ 15, Rom. Studien, I, p. 374).
Sl
— 37 —
HO Que malveis compaignuii mener ;
Kar en tel leu poet hom venir,
Que par ennor s'en poet partir,
E s'il a malveis compaignun,
Honte en receit tôt a banduii.
115 Fiz, ne fêtes ja gageiire ^
Fors per une sole mesure,
Nïent greignor ne un point mendre,
Mes, si cum te ferai entendre,
D'une denrée soulement - :
120 Ne gagez unkes autrement,
Kar se tu mez sol le denier
E tu nel puisses guaëgnier.
Saches que donc ne Tavras mie ;
Mes en (la) denrée avras partie,
125 Kar tant cum ele [si] durra ^
Par mi partir la convendra.
Fiz, une rien te vuil aprendre
La ou tu porras bien entendre,
D'ome o moût pleines paroles ^,
130 Ki les planie e fet si moles ^
Cum se il fust un seinz her mites ^
Sachez ke il est ippocrites^
[E] iceli ne créiez mie
Por promesse que il te die.
135 Kar cil te puet plus tost deceivre ^
ses beaus diz qu'il te fet beivre,
Qu'un autre boitons ne porreit ^ ;
Petit entent qui ce ne creit ^.
1. P, Fiz ne fai ja g^ageure ; C, Fiz ne fêtes gageure.
2. Cf. G. Dreyiing, Die Ausdrucksweise der ûbertriebenen Verkleine-
rnng, p. 79.
3. C, Kar tant cum ele H dura.
4. Ici encore P manque.
5. Simulator ore decipit amicum suum (Pror., XI, 9).
6. C, Ke le boistos ne poreit.
7. P, qui ce ne creit e veit ; G, veit. — Voy. Notes.
— 38 —
Veez Tautor qui le descrit,
140 Per essample prouve cest dit.
De lui est cum de Toiselour
Qui au bois pipe de cler jur *
Cum il pipe plus doucement,
Plus li vienent espessement
14S Li oiseaus de boisentor sei,
Qu'il prent e retient en sun brai 2.
Cil qui pipe boitousement 3,
Sachez que moût le meins en prent.
Fiz, entent bien, jel te comment^,
150 Ke tu ne seies trop dormant ^,
Ne que ne seies trop oidif,
Mes de bien fere ententif.
Kar oidiv(e)té e trop dormir
Ço font maies tecches norrir ^
155 E al cors tost en fermeté
Dont il est puis longes grevé.
Fiz, ce te di de mon porpens '
Corne semble le major sens,
K^ome eit en sei discretiun,
1. Noli homincs blando nimiiim sermonc probare :
Fistula dulce canit, volucrum duni dccipit auceps (Cato, I, 27).
Homo qui blandis fîctisque sernionil)us loquitur amico suo, rete
expandit ^ressibus ejus (Prov., XXIX, 5).
2. C, od son brei.
3. C, E sil pipe boistosement.
4. P, Fiz ice bien te commant.
5. Plus vijçila semper : ne somno deditus esto,
Nani diuturna quies vitiis alimenta ministrat (Cato, I, 2).
Noli diliy:ere somnum, ne te ejj:estas opprimât {Prov., XX, 13).
6. Il y a encore ici une lacune dans P.
Car oidisve atrait malvaistic
Et maint home a aparecic
Oidisve met hom en perece
Oidisve amenuise proece.
Oidisve esmuet les leceries,
Les jureces et drueries (Wace, Brut, 11019-11024).
7. Voy. Notes.
\
— 39 —
160 Et puis vuille soffrir raisun ^
E qu'il se sache amesurer ^
E de tere e de parler,
E qu'il sache quant a parlé
E quant respons li est doné.
165 Se mestier sez, sil deiz user;
Nel lessiez unkes sejorner,
Ker ja n'aiez tel hérité
Ne de chatel si grant plenté
Ke nel puisses muntepleier
170 Par sovent user tun mestier;
(Et) se tu le les[ses], [il] lerra tei
Donc Tas apris ne sai por quei.
Encore fet itel usage
Bien fol home estre moût sage.
175 Fiz, nus de deit de plé jugier '^,
1. P, E puis velt sofîrir raison.
2. Qui moderatur sermones suos, doctus et prudens est {Prov.^ XVII,
27).
Tempus tacendi et tempus loquendi {Ecclesiasies^ III, 7).
Il est lius de taisir et s'est lius de parler (FieraJbras, 196).
De trop parler est vilonie
E de trop taisir est folie.
Damaiges vient de trop taisir
Et trop parlcrs ce fait haïr.
Por ce se doit amesurer
Qui vuelt avoir pris de parler,
Que saiges hons a pou de cure
De toutes choses sanz mesure.
(Robert de Blois, Beaudous^ 1).
Virtutem primam esse puto conpescere linguam ;
Proximus ille Deo est qui scit ratione tacere (Gato, I, 3).
Car saiges homs sa langue garde :
Ce ne savroit mie ung fox faire :
Nus fox ne scet sa langue taire.
(Rom. de la Rose^ 1748).
3. Saciez c'est vilanie
E sil tienc a folie
Que hom deiet jugier
Se il ne set plaidier
U nule rien blasmer
S'il nel set amender.
(P. de Thaiin, Compul, 125, Mail).
— 40 —
S'il ne set auques bien pleidier,
E par dreit[e] raisun prover
Sun jugement, qu'il puisse ester ;
Ker qui dit tost sun jugement
180 E de la resun point n'entent,
Sachiez moût tost est rebuté ;
Miez li vausist en pes esté.
Fiz, nus ne deùst enpeirer
La ou rien ne set amender,
185 Ne nus ne devreit ja blâmer
Ce qu'il ne savreit amender.
Fiz, se tu veus home blâmer,
Donc tu commence a porpenser
Que nul home qui seit en vie
190 N'est sanz vice ne sanz folie K
Fiz, ce te vuil bien commander,
Se ta famé veut encuser
Aucun home griement a tei,
Ke tu trop tost pas ne le crei
195 Einz que aies bien esprové
Se el t'avra ^ dit vérité -^ ;
Ker meinte famé est costumière
En plet ne dcit aveir escut
Ki est pendable de tut en tut,
E larun ne deit autre juger,
Quant il del fet est parcener.
Dune pri jeo ke nul ne tençe plet
De ceo ke mauveis u dit u fet.
(Chardry, Petit Plet, 815.)
Cf. V. 21 et 1435 sq.
1. Si vitam inspicias hominum, si denique mores.
Ne culpes aîios : nemo sine crimine vivit (Gato, I, 5).
Nam vitiis nemo sine nascitur (Horace, Sat., I, m, 68). ^
Omnes enim peccaverunt, et egent gloria Dei (S. Paul, Epist. ad
Rom., ni, 23).
2. G, se ele tavera. — Voy. Notes.
3. Nil temere uxori de servis crede querent :
Saepe etenim mulier, quem conjunx diligit, odit (Gato, I, 8).
•\
— 41 —
De fere a celui maie chiere
Ki feel est a sun seignor.
200 Vers lui porte moût grant iror
Por ce qu'il ne veut consentir
Ses ovraignes e meintenir.
Ker famé het asez sovent
Ce que ses sire(s) aime forment,
205 E tel chose a enamee *
Ki au seignor poin t e t n'agrée.
Fiz, ce te di, si Tentendez, i yjX^^
Ke o hom genglour ne tenez ^, (A-^^<^ -
Ker prodom ne deit escuter
210 Celui que il set moût jangler.
Kar a ^ mouz homes est donee
Parole par la destinée,
Mes a poiest doné savoir :
Ce poez tu bien apercevoir.
215 Fiz, aime meuz ce que tu as
E dont tu bien certein seras
Ke ce que l'en t'avra pramis ;
Se tu nel faiz, t'en sera pis^.
Encore ice je te di ^
220 K'en pramesse trop ne t'afî,
Kar tel promet assez sovent ^
1. P, E tel chose a amee. C, E tele chose en a aniee.
2. C, Kod home ganglos nest nez.
Contra verbosos noli contendere verbis :
Sermo datur cunctis, animi sapientia^paucis (Cato, I, 10).
3. P, ka mouz homes.
4. Spem tibi promissi certam promittere noli :
Rara fides ideo est, quia multi multa loquuntur (Cato, I, 13).
I* Mieuz ain un « tien » que dous « tu l'avras » {Prov. au Vilain^ 51).
'^y Mieiz vaut un dfin, que deus tu avras (Atfranz. Sprichwôrter^ 14
dans Zeitschrift fur deutsches Alterthum^ XI, 115).
Cf. aussi V. 2744 sq.
5. C, E encore ico te di.
6. De bel prametour mauvais paieour (Prov. au Vilain^ 250).
De bêle promesse se fet fol lié (Altfranz. Sprichwôrter^ 246, dans
Zeitschrift fur deutsches Alterthum^ XI, 115).
- 42 —
Ki de doner n'a nul talent.
Ne tu ne seies trop irons
Ne par tun gengler eslrivous,
225 Kar mont meuz plere te devreit
Ke tu fusses veincu par dreit,
Ke tu autre par tort veinkisses
E tôt tun voleir acomplisses.
Fiz, ce me semble grant ennor,
230 Quel que seit, vallet * ou seignor,
Ke il sache dreit deviser
De ce qu'il orra lecunter,
E dunt le vuille consentir
Mes que tôt n'aut a sun plesir.
235 Fiz, ce te di et si Tentent :
Tu deiz parler plus e sovent -
Des autres bien fez que des tuens.
Nus ne devreit loer les soeiis
Quer asez iert quis •' lo(())era :
240 Tun bienfet celé ne sera
Fiz cliier, les sens que tu savras
Ke des sages apris avras,
As nunsavanz les deiz apreridre,
E par ta grant bonté despendre,
245 Ker jamès ne sera prisiee
Science qui toz jorz est muciefe] ^.
1. C, vassal.
2. C, Tu dois parler plus sovent.
Ollieiuni alterius niullis narrare mémento,
Atque aliis([uantuin bencfeceris ipsesileto (Cato, 1,15).
Laudet te alienus et non cjs tuum ; extraneus et non labia tua (Prov.^
XVII, 2).
3. P, q'es : C, kis.
4. Disce sed a doctis ; indoctos ijjse doceto.
Propajranda elenini reruni d(»ctrina bonarum (Cato, IV, 23).
Je te di bien ke e'est ])eehiez
Et Deus sans faille eelui het
Qui ne mostre le sen k'il set.
(Robert de Blois, Œmr„ Introd., VIII, lU) et 185 sq., J. Ulrich). —
Cf. aussi Philippe de Novarre, Quatre iiijes de l'homme, 103.
— 43 —
S'aucune gent te vunt blâmant ^
E d'aucun meffet moût retant,
E tu coupable nen ies mie,
250 Dune ne te chaut, quoique nus die.
Ker donc est ce parole nouve
Ke il unt fet en lor controuve? ^^^^
E quant il dïent mal desrriere
Sor tei metent il lor manière,
255 II cuident ausi com li lerres ^
Ke chascun home seit ses frères.
Fiz, quant tu plus riches ^ seras
E tu mellur poeir avras,
En tun porpens deiz esgua[r]der
260 Si que tu puisses endurer
Soufre té, se ele t'avient ;
Kar Deu, qui Tun e Tautre tient,
Qui sages est nel deit celer,
Ainz por ço deit son sen niostrer, etc.
{Rom. de Thèbes^ 1).
Car sens celés qui n'est oïs
Est autresi, ce m'est avis,
Com maint trésor enfermé sont
Qui nului bien ne preu ne font.
{Guillaume de Palerne, 11). — Cf. aussi 1-6.
Quae quoniam rata sunt, tota mihi mente tibique
Gratulor, ingenium non latuisse tuum (Ovide, Tristium Liber /, Élégie
VIII, 5314).
Eli senz es perdutz eissamen,
Qui nol descuebr' entre la gen (Sordel, Tesaur, 9).
Cf. aussi le début du' Roman de Troie^ et v. 21-25 du même.
1. Forti animo esto cum sis daninatus inique.
Nemo diu gaudet, qui judice vincit iniquo (Cato, II, 14).
Cum recte vivas, ne cures verba malorum.
Arbitrii non estnostri quid quisque loquatur (Cato, III, 2).
Cf. V. 353 sq.
2. E cuide li 1ère que tuit soient si frère {Prov. au Vilain^ 23).
P, quant tu riches seras.
3. Cum fueris felix, quae sunt ad versa caveto :
Non eodem cursu respondent ultima primis (Cato, I, 18).
In die bona fruere bonis, et malam diem ])raecave ; sicut enim hanc
sic et illam fecit Deus, ut non inveniat honio contra eum justas queri-
monias {Ecclesiastes^ VII, 15).
_- 44 -
Ne fait mie tôt ovelin ^
Le commencement e la fin.
265 E si te di, ce est confort ^,
Ke tu ne crienges trop la mort ^,
Kar ne vit pas joeusement
Qui crient la mort trop durement.
Mes ne porquant ice te di,
270 Ke tu nel metes en obli ^,
Ke tu morras au chief del tour
Cum firent tuz tes anceisur,
Ke par defaute de mémoire
Ne perdez mie la Deu gloire.
275 Uncor te di, ne le fai mie ^ :
En autre ^ mort trop ne t'afîe,
E qui ce fait, que fous fera,
Ker nus ne set qui plus vivra ^.
1. C, Ne fetpas tôt dis oelin.
2. P E se ce te est confort.
3. Ne timeas illam, quae vitae est ultima finis : ^
Qui niortem metuit, quod vivit, perdit id ipsum (Gato, I, 22).
E pus ad dit : « C'est ^rant folie
De dater tant en ceste vie
La ren ke ja ne poet faillir
Geo est de tost u tart mûrir. (Ghardry, Petit Plet, 323.)
4. Lingue metum lœti, nam stultum est tempore in omni,
Dum mortem metuas, amittere gaudia vitae (Gato, II, 3).
Noli metuere judicium mortis. Mémento quae ante te fuerunt, et
quae superventura sunt tibi ; hoc judicium mortis a Domino omnis
carnis [Ècclesiasticus XLI, 5).
5. Gum dubia et fragilis sit nobis vita tributa,
In mortem alterius spem tu tibi ponere noli (Gato, I, 19).
6. G, altre.
7. N'ad suz cel ren ke Deû fist
Ke seur vus en peust fere
De ta vie u d'autre afere
Tant fumes frêles e cheitifs
Mar vint l'ure ke fumes vifs.
Pur ceo tenc jeo a jj^rant folie
De promettre mut lunge vie,
Gar n'ad suz cel viellart n'enfant
Ki set l'ure del muriant.
Gar ausi tost moert li letanz
Gum celiu ki ad cent anz. (Ghardry, Petit Plet^ 164 sq.)
- 43 —
Fiz, ice te commant je bien,
280 Se Ten te done aucune rien,
Seit el grant seit ele petite ^ ,
Mes qu'ele ne seit bone eslite ^,
Mercie Ten par grant douçur ^ ;
Par ce conquerras don(e) meillur.
285 Kar par ice pert l'en sovent
Ke Ten au donant gré ne rent,
E il moût plus tart li redone
Por ce que nul mot ne li sone ;
Quer tart en cuide aver louier
290 Quant il ne deigne mercier.
Fiz, s'il t'avient aucune perte
Par quei tu chiees en poverte,
En pacïence (le) deiz sofrir,
E si te deit bien sovenir
295 Ke tu riens n*eûs quant naquis,
Einz ^ esteies de petit preis ^.
Fiz, s(e) a aucun fez ta bonté
E il ne t'en veut saveir gré
Ne guerredon ne t'en veut rendre,
300 Ainz te délaie e fet atendre.
1. C, u seit grant u petite.
2. Voy. Notes.
3. Gratior offîciis, quo sis mage carior, esto
Ne nomen subeas, quod dicunt offîciperdi (Gato, IV, 42).
4. P, juenes esteies.
5. Sicut egressus est nudus de utero matris suae, sic revertetur et
nihil auferet secum delabore suo. {Ecclesiastes^ V, 14).
Nudus egressus sum de utero matris meae, et nudus revertar, etc.
{Job, I, 21).
Nihil enim intulimus in hune mundum; haud dubium quod nec
auferre quid possumus (S. Paul, Ep. ad Timot., I, vi, 7).
Infantem nudum cum te Natura crearit,
Paupertatis onus patienter ferre mémento (Gato, I, 21).
Poverté ke vus tant blasmez.
Vus mefi'etes se ne Tamez,
Car primes vus fist ele cumpainnie.
Ren n'i portastes se lu nun.
(Chardry, Petit Plet, 887.)
— 46 —
A Damledeu nel retter mie \
Mes autre feiz si t'en chastie.
Se fiz as que tu aies chier,
Donc li apren aucun mestier,
305 Kar quant sun aveir li faudra
Sum mestier o lui remeindra *,
E par ce conquerra aveir
Se il a auques de saveir ^.
E d'une rien guarder te deiz,
310 Ke ja ne prometes dous feiz '*
Ce qu'une feiz porras doner,
Ker l'en t'en porreit bien blâmer,
Ne nel lairrai que ne le die :
Ne le feraiz sans vilanie ^.
315 Fiz, quant tu sera[s] bien poant
Sor autre qui ne poet pas tant ^',
1. Cf. 370, 429, 2668.
2. Gum tibi sint nati neque opes, tune artibus illos
Instruc, quo possinl inopein defendere vitam (Cato, I, 28).
Si doit Tan as anfanz apanre tel mestier qui soit a chascun androit
soi (Philippe de Novarre, Qualre ùges de l'homme^ 1 i).
Beax filz, enten sen et savoir
Qui molt vait mielx que nul avoir.
Quar quant ton avoir te faudra
La sapience reniaindra.
Par (foi en terre recevras,
Jamais c^-aré ne seras.
(Casloiement d'un père à son fils^ 7, Barbazan, Fabliaux et Contes,
11,39).
3. C, Si sache alques de saver.
4. Quod praestarc potes, ne bis promiseris ulli (Cato, I, 25 a).
Promesse sans don ne vaut gaires
(Rom. de la Rose, 4108.)
5. G, N'en partiras sanz vilanie.
6. S'il meschiet a aucun ne li reprovez ja
Ker vos ne savez mie quank'il vos avendra.
Teus est ore grans sires ki tost abessera
Ne chascuns ne set mie comment il fenira.
{Doctrinal de Corteisie, ms. B. N. 25408).
Si potes ignotis etiam prodcsse mémento
Utilius regno est, meritis adquirere amicos (Cato, II, 1).
Cf. V. 2374 sq., v. 2774-2775.
{
— 47 —
Donc te sovienge d'une rien :
Ke celui se revenge bien
Qui einceis a esté veincu ;
320 Ce alen bien apercëu ^
E si te sovienge des moures -
Qui ne sunt mie totes hores.
E uncore ice te di
Ke se tu as (t)un povre ami,
325 Qui aukes t'et del ^ suen doné,
Tu Ten deiz saveir meillur gré
Ke a un autre de'greignor,
Qui n'a vers tei si grant amor^.
Fiz, ce te deffentpar douçour,
330 Ke vous (ne) seiez sortisseiir ^,
Mes de bien fere vos penez,
E Deus vos trametra asez
Si cum il li vient a plesir.
Il ne veut pas tôt descovrir
335 La chose que avenir deit;
Por ce est fous qui en sort creit.
Fiz, d'une rien te deiz gifarder.
Se tu riche home veuz hanter,
Ke tu ne hantes trop sovent,
340 Kar tu ne sez pas sun talent,
Se tun venir li plet ou non ;
1. C, Ço a r en ben sovent veii.
2. Toutes oures ne sont moures (Prov. au Vilain, 83).
3. C, del son ; P, de suen.
4. Exi^uuni munus cum dat tibi pauper amicus,
Accipito placide [et] plene laudare mémento (Cato, I, 20).
5. C, Ke tu nesses sortisor.
Quid Deus intendat, noii pcrquirere sorte :
Quid statuât de te, sine te délibérât iile (Cato, ïï, 12).
Multum venturi ne cures tempora fati (Cato, IV, 22 a).
Divinatio erroris, et aufj^uria mcndacia, et soumia malefacientium,
vanitas est {Ecclesiasficus, XXXIV, b).
Tu ne quaesieris, scire nefas, qucm mihi, quem tibi
Finem di dederint, Leuconoë ; nec Babylonios
Tentaris numéros... (Horace, Od., I, x, 1.)
- 48 —
Nel savras per nule achesun,
Por ce que maint home est tant sage
E fet si covrir sun corage
34S K'il fait a autre bel semblant
Mes qu'il s'en auge ennuiant ^ .
Ne porquant nel deiz eschiver -,
Ainzceiz te deis amesurer
Selon ice que tu porras ^,
350 E que sa costume savras.
L'escliiver desdeig semblera
E trop hanter l'ennuiera^.
Fiz, ne seiez trop dehetié,
Mes que a tort seiez jugié,
355 Ker poi gent serunt longues lié(z)
De ce qu(e) unt autres enginnié^.
Fiz, s(e) aucuns seit o tei meslé
Et tu li aies pardoné,
N'en quier jamès autre venjance
360 Mes que tu aies la puissance ^.
Ne de[l] meffait mes nel rapele
Se de rechief nel renovele,
Kar cil qui primes le regrete
Et qui sun compaignun en rete,
365 II en receit la vilanie,
1. Om non es be savis per ver
Si soven no sap far parer
Que l'ennueja zo que li plai,
El plaza zo que li desplai. (Sordel, Doc. hon.^ 777.)
2. C, E neporquant nel eschiver
Ambure deiz amesurer.
3. Cortezia non es als mas mesura (R. Vidal, Nouvelle, ap. Bartsch,
Chrestomathie provençale, p. 223). Cf. aussi v. 161.
4. Subtrahe pedem tuum de domo proximi tui, nequando satiatus
oderit te {Prov., XXV, 17).
5. P, De ce que unt autres jugiez enginnie ; G, Des kil ont altres
enginez.
6. Litis praeteritae noli maledicta referre.
Post inimicitias iram meminisse malorum est (Cato, II, 15).
^
— 49 —
Si la retient en sa ballie *.
Fiz, je tienc cel saveir moût grant
Ke sage hom voist '^' fol losenjant 3,
E ne larrai que ne te die
37.0 Je tienc ce a moût grant folie
Qui losengeur veut losengier,
Kar celui quonnist son mestier'* .
Et cum plus paroles avras
Saches que meins creû seras ^.
375 S(ç) en ta ivrece mesferas,
Au beivre ne le retter pas^,
Mes tei meesmes chalengeras ^,
Por ce que tu trop encharchas.
Fiz, se tu ouz dire ^ novele
380 Ki ne te seit bone ne bêle,
Ne t*en coroce, ce te di,
Devant que tu saches de fi
Se ele seit veraie ou nun,
Kartost en perdras ta resun,
385 E per cel [e] ire tost feras
Dont après te repentiras.
1. G a ici quatre vers qui ne se trouvent pas dans P,
Fiz tu ne dois mie loer
Tei meismes ne blâmer
Kar ço est de fols la mémoire
Ki tesmët a veine gloire.
et aui sont évidemment puisés de Caton, II, 16 :
Nec te conlaudes, nec te culpaveris ipse ;
Hoc faciunt stulti quos gloria vexât inanis.
2. G, ait.
3. Insipiens esto, dum tempus postulat aut res :
Stultitiam simulare loco, prudentia summa est (Cato, II, 18).
4. G, Ke losengor velt losengcr
Geli ki conust son mester.
5. Noli tu quaedam referenti credere Semper :
Exigua his tribuenda fides, qui niulta loquuntin* (Cato, II, 20).
6. Quae potu peccas, ignoscere tu tibi noli ;
Nam crimen nulhnn vini est, sed culpa bibentis (Cato, II, 21).
7. G, Mes tei retter emporas.
8. P, se ouz dire.
— 50 —
E ja n'aiez si grant pesance *
Ke tu n'aies bone espérance.
Bone espérance sanz guenchir
390 Ne te lera jamès périr.
Fiz, or entent icest saveir :
Ne chosir home per aveir -,
Ker tel a asez richeté
Qui moût a petit de bonté ^,
395 Ne tun chalel trop ne retien,
Mes menbre tei bien d'une rien '*,
Que meint hom a cheveus asez ''
E moût tost est chauf e pelez.
D'aucun home essample pernez ^
400 E en mémoire retenez,
Ker [si] la vie de chascun ^
Est per renseignement d'aucun.
Uncor(e) te di une partie ^ :
Tu ne te deiz sortesir mie •*,
405 S'aucun te fait que te deplese,
K'autres ne cuident qu'il te plese,
E meuz vaut a la fez''^ lessier
Sor sei sa honte que vengier.
1. Rcbus in acivcrsis animuin subiiiiltcre noli :
Spcm rétine ; spes una honiineni nec morte relinquit ((^alo, II, 25).
2. Cuni Libi vel sociuni vel fichun quaeris aniicuni,
Non tibi fortuna est hoiiiinis scd vita petenda (CaLo, IV, 15).
3. C, Ke niult a petite bonté.
4. C, Mes renienibi-e tei dune ren.
5. Pelet avant auti'e devient home cauf (Alffranz. Sprlchwôrier, 192,
dans Zeiischrif'l fur (leufsches Alterlhum, XI, 135).
6. Multorum disce exemplo quae faeta sequaris,
Quae t'ufïias : vita est nobis aliéna maj?istra (Cato, III, 13).
7. P, Ker la vie de ehaseim ; C, Ke la vie.
8. C, Ce encore te di partie. — Voy. Notes.
9. Non oderis IVatrem tuum in corde tuo, sed publiée ar^iie eum ne
habeas super illo peccatum. Non quaeras ultionem née meinor eris
injuriae civium tuorum {Levitivus^ XIX, 18, 19). Voy. Notes.
'lO. P, fiée.
— 34 —
Fiz, se tu as honte ou perte
410 E ce t'avient per ta déserte,
Bonement le deiz emporter ^
Mes autre feiz t'en deiz «çuarder,
K'a tel folie ne t(e) aerdes
Ke par ta coupe le tuen perdes.
41 S Fiz, n'escoute pas - la reson
D'home qui n'a discrétion,
Kar meint a tel tecche en sun cuer
K'il ne poet bien dire a nul fuer,
E il ne se poet pas tessir •'
420 Mes veut jangler a sun plesir.
Et plus te dirai de m'escole
Ke n'escotez pas la parole
De femme qui est moût irose,
Ker celé est sovent plorose,
423 E tant cum ele plour[er]a
Aucun mal te porchacera '\
Fiz, se tu as honni le tuen
E fet malveis que einz fu boén,
A Deu ne le rot ter ^ tu pas,
430 Mes a tei qui honni Tavras.
Fiz, tant cum[e] tu sein seras
E que le tuen partir porras.
Mètre le deiz a tun profit^'.
1. Quod merito patcris, patienta ferre mémento,
Cumque reus tibi sis, ipsuni tejudice danma ((^ato, III, 17).
Quae cnini est j^loria, si peccantes et oolaphizati suM'ertis ? Sed si
bene facientes patienter sustinelis, haec est p'atia apud Deuni (S.
Pierre, Ep. ad Ephes.^ I, ii, 20;.
2. P, ne deiz escouter la reson
3. C, E neporquant ne velt taisir.
4. Conjupis iratae noli tu veiba tiniere ;
Nam lacrimis striiit insidias, euni femina plorat (Cato, III, 20).
5. G, rettez. Cf. v. 301, 370, 2G()S.
6. Cum fueris locuples, eorpus eurare mémento.
Aegcr divcs habct nunuïios, se non hahet ipsum ((^ato, I\', 5).
— 52 —
Kar del riche malade est dit
435 K'il n'a ave r se il n'a sei
Guarnis par un tel home tei ^
Fiz, je te di sens e reson ^,
Ke tu couvres ton compaignon
Si que tu n'aies trop de freit ;
440 De ce nus blâmer ne te deit.
Fiz, de mestre e de seignor
Soufre lor ire per douçor '^^
Mes que il te dient folie
E grant tençon e vilanie ;
445 A grant ennor t'iert atorné '*
E il après t'en savra gré.
De « qui » e de « quei », vos sovienge,
E « ou » e « par qui » ^ il avienge,
E « porquei » e « comment » e « quant »>
450 De ce seiez bien entendant.
Par icez moz aukes savreiz
Qui vos par dreit haïr devreiz,
E par dreit qui devreiz amer 6;
Par icez moz Tentendreiz oler,
455 Se vos les espunnez a dreit,
Vos i aprendriez que que seit.
Se par vos nel poez aprendre
1 . P, Kar del riche malade dit.
Non donius et fundus, non aeris acervus et auri
Aegroto domino deduxit corpore febres,
Non animo curas : valeat possessor oportet
Si comportatis rébus bene cogitât uti (Horace, Epist.^ I, ii, 47).
2. C, Fiz jo te di sanz traison.
3. Servorum ob culpam cum te dolor urgot ad iram,
Ipse tibi moderare, tuis ut parcere possis. (^Gato, I, 37).
4. C, A grant ennor t'en ert tome.
5. C, par qui ; P, par quei.
Cf. V. 500, 595.
6. Livres fist por lui mostrer
Qu'il devoit tenir et amer,
E que haïr et que amer.
(Le Lunaire que Salemons fist^ 15, ap. Méon, Nouv. Rec, I, 364).
— 53 —
Je vos ferai aukes entendre.
Esguardez vers « qui » au premier
460 Vos en pernez a guerroier,
S'il vos est per ou par desuz,
Se il poet meins de vos ou plus,
De sen ou d'aveir ou d'amis,
E comme il sorpoet le païs ;
465 E selun ce que vos verrez,
S'il vos meffet, vos contenez.
L'en ne poet mie a tote gent *
Guerre tenir ou élément,
Kar s'un puet ore, un autre en tens ^ ;
470 Porveez vos en plusors sens ^.
Or(e) vos ai dit aukes de « qui »,
De « quei » vos dirai autresi :
Se vos avez près un veisin
Ki se face a vos enclin ^,
475 SHl vos meffet, guardez en « quei » ;
S'il vers vos viole sa lei
De chose k'il vos ait promise ;
Porveez vos en meinte guise^,
E s'il vos a fet bien e mal,
480 Peser le devez tôt egual.
Selon ice que vos verrez
1. Gui scieris non esse parem te tempore cède :
Victorem a victo superari saepe videmus (Gato, II, 10).
Gede locum laesus Fortunae, cède potenti :
Laedere qui potuit, prodesse aliquando valebit (Gato, IV, 39).
Constans et lenis, ut res expostulat, esto :
Temporibus mores sapiens sine crimine mutât (Gato, I, 7).
Non litiges cum homine potente, ne forte incidas in manus illius.
Non contendas cum viro locuplete ne forte contra te constituât litem
tibi. [Ecclesiasticus, VIII, 1 et 2).
Et scitur quod homo sit et non possit contra fortiorem se in judicio
contendere (ÈcclesidLStes ^ VI, 10).
2. G, Si un puet ore e altre tens.
3. Gf. V. 478, 2318.
4. P, Ki se face amis enclin ; G, Ki se face a vos enclin.
5. P, E provez est en meinte guise; puis, au bas de la page : Kil vos
a fet meinte service.
— 54 —
En vos balances si esmez K
De « qui » vos ai dit e de a quei »,
De « ou » vos dirai je, ce crei ^ :
485 Ainz qu'a home faciez dehait,
Guardez « ou » il vos a meffait,
p]n quel leu e en quele chose ;
Si vos porpensez longue pose
Se vos i avez dreit ou nun
490 De haïr par nulle reisun -K
Ker qui autre [si] het a tort,
S'aime si avra mal confort ^ ;
En doute iert d'estre perie.
S'il ^ ne s'amende en ceste vie.
495 Les treis chapitres vos ai diz,
E queuz il sunt aukes descriz ;
Le quart après vos redirai
Mien escient, pas n'i faudrai.
Se vos avez en ui ami ^
500 Esguardez a primes « par qui » "^
Entre vos i sorde discorde ^.
Li fîlosophes le retorde
Ke, se vos avez boen porpens,
Vos le savreiz en aucun tenz.
505 E s'il a sor vos commelicié,
Le plus en devez estre lié.
Le quart chapitre oï avez 9,
Le quint enprès or entendez :
1. C, Sil aumez.
2. C, Vos dirai iço crci.
3. G, De hair le par raison.
4. (^, Salnie en avra. — Voy. Notes.
5. C, Ki ne.
6. P, Se vos eu ami ; G, Si vos avez eu 1 ami. — Voy. Notes.
7. G, Espardez primes par quel queri
8. G, Entre vos sorde la discorde.
9. P, Le quart chapitre or avez. — Voy. Notes.
— 00
Se vostre veisin vos ahore ^
510 Matin ou seir ou en nule hore,
Ke il vos feit 2, guatdez « por quei »,
Se il le fait par bone fei,
Ou s'il le fait par autre espeir ;
Bien le devez aperceveir.
SI 5 S'il vos dit qu'il est vostre ami
Esgardez l'ovre autresi '^ ;
Kar si l'enseignet dan Catun
A sun fîz par dileetiun.
Le quint chapitre est fine,
520 Le sest après ai esguardé ^.
Se vos avez un ami feint,
Cum ore en a au siècle meint,
Guardez « cum » il a deservi''
Ke vos li deiez estre ami,
525 E « comment » il s'est contenu,
Puis qu'il dist que vostre ami fu,
En dit, en fet e en semblant,
K'estre li deiez bien voillant •
E que parfet li devez estre ;
530 Contenez vos selun sun estre.
La setme resun vos voil dire,
E quele ele* est, aukes descrivre :
Se vos oez home vanter
Ke vos le deiissiez amer.
1. C, Si vos vostre veisin honore.
2. P, kil vos veit; C, Kil vos fet.
3. Serait-ce quelque vaj?ue souvenir de :
Cum libi praeponas animalia cuncta tiniere,
Ununi praecipio tibi plus hominem esse timendum
(Gato, IV, 111),
ou de :
Noli homines blando nimium sernione probare (Gato, I, 271' ?
Je crois plutôt que l'auteur se trompe en disant que c'est de Gaton.
4. G, or esgardez.
5. Vov. Notes.
— 56 —
535 Guardez « quant » il tel chose fist*
Dun il vostre amor si conquist.
Acontez le trestout sanz faille,
En brief le metez e en taille,
Kar se il vient a estriver
540 Par cel porriez veintre e prover 2.
Fiz, cez moz que vos ai contez,
« Circumstances » sunt apelez ;
Dirai vos Tentrepreteisun
Selun le latin de cest nun.
545 Or ouiez la soutilleté,
Gum icest nun est composé :
« Gircum », ice est envirun
Parveraie translaciun ^;
« Estare », [i]ce est ester.
550 Ki cez deus moz veut asembler
Donc iert ce : « ester envirun ».
E de cez deus moz par reisun
Iert « circumstance » apelé
Le nun dont je vos ai parlé.
555 Donc sone circumstance itant ^
Gum dit ai : envirun estant.
Set en i a, en vérité,
Gircumstances, dont ai conté.
Por ce ount nun entor estant,
560 Kar li petit e [si] li grant ^
Les ont entor sei trestoz dis
Ja ne vendront en tel païs^.
Set teches sunt dont je vos di,
K 'envirun toz sunt départi ^.
1. Voy. Notes.
2. G, u prover.
3. G, Par la dreite translation.
4. P, Donc si ure circonstance.
5. G, Kar li petit e li grant ; P, Kar l'en i bote petit e grant.
6. Voy. Notes.
7. G, Kenviron sont toz départi.
— 57 —
565 N'en voil nient plus or conter,
Kar avant en orreiz parler.
Les circunstances.vo ai(t) dit
Selun le siècle, en cest(e) escrit ;
Selun Deu en revoil parler
570 Por les premières amender *,
Kar moût lor en deit sovenir,
Quant aucuns vient por regeïr
Sim fet, por prendre penitance,
K'il n'oblit mie circumstance.
575 Issi si a nun la première :
Il deit enquerre del pechierre
« Quel(8) » el est et « qu' » il puisse faire 2,
Et selun ce li deit retraire
Sa penitance e commander,
580 Kar ne puent pas endurer
Trestouz un fes ou élément,
E cil est fous qui ce n'entent.
La secunde si a nun « quei » ;
Porveer deit en sun segrei
585 Ke ce est que il li a dit,
Se li maus est grant ou petit,
E dreit selon la quantité
Li deit conseil estre doné.
La tierce s(i) est « ou » apelee ^ :
590 Enquerre deit bien en celée
De celui qui li regeïst
« Ou » avint ke cel pechié fîst ;
Selun le leu l'estoest charchier
Qui dreit le vodra consellier.
595 La quarte après a nun « par qui » ;
1. C, Povres homes e amender.
2. C, Kil est e quei il puet faire.
3. G, La tierce est ou apelee.
— 58 -
Amonester le deit isi
K*il li die « par qui » ce fu *
Ke le pechié fust esniiiii ;
Kar tel li poet ce fere entendre
600 Ke sa coupe en iert moût meindre -.
La quinte est « por quei » numme[e] '^,
Por ce qu'estré deit deniande[e]
L'achesun de cel pechié'* ;
Selun ce deit estre charchié,
605 Kar por tel rien poet estre fet
Ke de pis li sera retret.
La siste après a nun « comment » :
Enquerre deit apertement
« Gomment » le lîst -^ en quele guise,
610 Ke sa charche li seit assise,
Selun ce que fu la maniéré
Li seit fête tote pleniere.
La desreine apelun « quant »
Por ce qu enquerre deit itant
615 K'il sache Toure e la seisun
« Quant « iîst icele mesprisun ^,
Par ço porreit ' grantment saveir
Quel conseil deit de li aveir.
Un essample te voil aprendre,
620 Aucun bien i porras entendre.
Or escoutez ceste leçon ^ :
1. C, Kil li die por quer ço fu.
2. C, en ert le mendre.
3. C, La (juinte el est.
4. Voy. Notes.
5. G, Comment la fet.
6. P est elTacé ici et je le remplace par C.
7. P paraît avoir eu porra. — Voy. Notes.
8. La fable qui suit est très ancienne. Cf. Le Clerc, dans Hist. lilt. de
la, F: ance, XXIII, p. 236; W^ri^ht, Latin Siories from Manuscripts of
the 13^^ and 14^^ centuries^ p. 122; Méon, Fablianx et Contes, I, p. 91
sq. ; Avianus, Fable XXII. La dernière ressemble à celle de Babrius,
130, 180, éd. Ébhard. Cf. aussi la fable du « villano que tomô unas tru-
chas y llevôlas à presentar al rey, etc. », Ciienta 111 des Doce Cuentas
— 59 —
Jadis furent dui conpaignun,
Li un des deus fil envius
E Feutre fu niout coveitus.
625 Gist dui levèrent un matin,
Ensemble errèrent lor chemin.
Danz Jupiter, qui fu la sus,
Esguarda vers la terre jus
E vit cez deus homes errer,
630 Si commença a porpenser.
De sun porpens ce fu la summe,
K'il dist que il devendreit home
E a la terre descendreit,
Humaine forme si prendreit,
635 Comme soutil e comme sage,
Por esprqver humain corage
De ces homes qui si erroient.
Nule guarde ne se donoient
Ke il lor fust itel espie.
640 La s'est mis en lor compaignie,
Avenanment les aresone :
« Seignors, ireiz vos vers Cologne ? ^ »
Cil li dient en lor respons :
« Oïl, sire, la iron nos. »
645 — « E je ensemble ou vos irai
E boen compaignon vo[s] serai ». •
Cil demandent : « Qui estes vos
Ki si volez errer ou nos ?
N'avons cure de compaignun .
650 Se ne savons cum il a nun
E de quel terre il seit nez,
E si prodom Ta engendrez ».
Cil lor a dit en sa reson ^ :
de Juan Ara{j:onés dans Xovelistiis anteriores a Cerrantès, et 1' « Exemplo
de dui çugulari », dans Romania, XIII, p. 34.
1. G, Eskalone. — Voy. Notes.
2. Le Clerc, Hist. litt., XXIII, 237, a imprimé les v. 653-665.
V"
— 60 —
« Seinurs, Jupiter ai je nun ^
655 Si sui un des deus de la sus,
Si m'engendra danz Saturnus
De la diuesse Veneriz 2.
Venu sui ore en cest païs ;
Por voz amors m'i plout torner,
660 Kar je vos voil un don doner.
L'un de vos avra sa demande ^
Qu'il requerra, j a n'iert si grande,
E au tesant si iert doublée.
'^^^-'^ Isi le et la destinée * ».
665 Le eoveitus se merveilla
De si fet don e porpensa
Ke se il primes requereit,
Sun compaignun le doublereit,
E il de ce il n*aveit cure ^,
670 Kar eoveitus fu sanz mesure.
Ainz Taresone Tenvius :
« Amis, fet il, n'entendez vus,
Comme fet don nos est donez ?
Ke fêtes vos ? Ker demandez
675 Tel chose qui vos ait mestier.
Ne devez pas longues targier,
Kar qui sun preu vet porlongnant ^,
L'en l'en tendra a nunsavant ».
Li envius comence a rire *
680 Quant il l'oï tel chose dire.
« Mes tu, fet il, anceis requier,
Ker je ne vuil pas commencier
1. C, ai a non.
2. P diusse ; C, deuesse.
3. Voy. Notes.
4. C, Itel faz la destinée.
5. G, E il de co nen oit cure. — Voy. Notes.
6. Cf. V. 2105 et 2826.
7. C, L'envios comença a rire.
— 61 —
Por fere tei guanier teisant
Plus que ne ferai requérant ».
68S Li conveitus donc li rafdit :
« Certes, moût as le sens petit,
E tei, que chaut que je i prenge ^,
Quant je el - tuen ne met chalenge?
A tun oues ore le requier,
690 K*il te doint ^ quanque t'est mestier,
E que te poet de mei chaleir
Que que je deie après aveir? »
Li envius donc li respont
Par tel ire qu'a poi ne font :
695 « Mes tu, por quei te veus retraire
De ce que m'enseignes a faire ?
Mes fai ore tôt autresi,
De meie part trop bien l'otri ».
(I)si commencent a estriver,
700 Le quel deikst enceis rover.
Li un destreint sa couveitisse
E l'autre envie qu'il justisse.
Mes a la fin se porpensa
L'envius que il requerra
70S E a dit a sun compaignun :
« Ou je face mal ou je nun,
Se je requier, quant tu l'orras,
Je crei que lié n'en seras pas,
E quant tu en savras la fin
710 Ja n'iras del preu au molin ».
— « Sire, fet il a Damledé,
Or vos dirai qu'ai esguardé :
Fêtes mei un des euz voler
1. C, que jo emprenge.
2. G, al ton.
3. P, doinz.
— 62 —
E que de Tautre voie cler,
715 Kar donc devra mun compaignun
Les suens deus perdre par resun,
Selun ice que vos deïstes
Quant vos eezdon nos promeïstes »
Fait Jupiter : « C'est vérité ;
720 Cest argument n'iert ja faussé ».
Ainz que fussent les moz fine
Li est li oil del c-hief volé,
E a Tautre les deus volèrent * ;
Si faitement li dui alerent.
723 Fiz, qui Tessample oï avez,
Ne vos ennuit, or entendez - :
Jadis le firent li païen ;
11 n'i entendirent nul bien,
Ainzdistrent selun volenté
730 Si cum il lor vint en pensé.
Mes selun lor seneliance,
Ki ert au siècle apertenance •»,
Fet meint home uneore autresi,
Ke por grever son anemi,
733 Fet il de gré le suen ^ deniage
Por esclerier le suen corage,
E por fere celui •' greignor,
Vers qui sun cuer est sanz amor.
D'autre part je vo dirai el,
740 Ke meint envius est itel
K(e) aucun harra par soûl envie ^'
S'il veit qu'il ait greinor ballie
De lui, ou s'il est meuz amez
1. Couvoitcus ne voit ^^oute (Altfrunz. Sprichwôrter, 218, dans
Zeilschrift l'iiv deiilsches Alterthum, XI, 13S;.
2. C, escolez.
'^. Voy. Notes.
4. C, a sei damage.
0. C, fere a celi.
6. C, Kil Iiet altrc par sol envie.
— 63 -
E des autres plus ennorez *.
74S Sil harra il por soûl itant
E li ert del tôt mal voillant.
Oiez, bel iîz, cum fait demage
K'envie destreint sun corage ''^,
a Ke Vun het Vautre a si grant tort
b Cum [s] il avoit son parent mort.
c Mes poi pernent de ço conrei,
d ^m[z] ont entrels nialeite lei,
e Kar quant a Vun [si] vient damage
f A Vautre esjoist son corage.
Mes il vendrunt a un tel plet
750 Ou tôt ce lor sera retret.
D'autre part vos redi je plus :
Tel cuide estre tpt au desus
Ki en si poi d'ore descent
Ke s'en merveillent tote gent ^,
755 E tel qui est moût avalez
E de plusors parz debotez
Ki puis revient en tel estai
Ou il puet fere bien e mal.
Por ce ne deit hom surjoïr,
760 Kar nul ne seit (|u(e) est a venir,
Ne endoler ne dementer.
Deu set en si poi d'oure ovrer ^.
Ker desouz ciel n'est tel corage
D(e) home tant soutil ne tant sage,
765 Qui si tost l'ëust porpensé,
Cum Nostre Seignor l'a ouvré.
J. C a cnlro 71* et 7 15 :
.la ne li menace il de ren
F(»rs sol ilanl kil ait ben.
2. Les six vers suivants niantjuent dans P.
3. C, Ke se merveillent molt latent.
4. En pou d'oure Dieus laboure {Prov. an Vilain^ 133),
— 64 —
Icest proverbe dit vos ai,
A Tessample revertirai.
L'essample uncore plus devise,
770 Ke Tautre oui si grant covei tisse,
Qu'il ne vout primes demander,
Ainz vout a sei le don doubler,
E por ce que tant coveita
Jupiter les euz li creva ;
775 Ker il coveita comme glout '^^^
E por ice si perdi (il) tôt ^
Qui tôt covei te, trestot pert ^ ;
Maint home el siècle isi désert
Ke 3 por le meins pert il le plus.
780 Isi Tunt meinte gente en us,
E ce lor fet la couveitisse
Qui les destreint moût e justisse,
Kar il par coveitant itant
Tozdis vont aveir amassant,
783 E quant il unt tôt amassé
Si perdent il ^ estre lor gré,
E par cet poi perdent il plus ^ :
Crest la grant joie de lasus,
Ke Damledeu a establie
790 A ceus qui meinent bone vie ^.
L'essample vos ai aconté
' Aukes selun humanité ;
Selun le siècle est il isi.
Mes selun Deu tôt el vos di.
795 Icez homes qui si errèrent,
1. C, E por co si perdi tôt.
2. Qui tout couvoite, tout pert (Pror. au Vilain^ 222 ; cf. aussi 176).
3. C, Kil por le meins.
4. C, Si le perdent.
5. C, le plus.
6. C, dreitc vie.
— 63 -^
Ice sachiez, sene fièrent
Ame e cors qui ensemble vount
E bien e mal ensemble font.
Ce que l'un fu tant coveitous
800 Senefie, ce sachiez vos,
L ame qui durement coveite
D'aler a Deu, mes poi espleite,
Kar ce li fait le felun cors
Qui a mal fere est moût amors.
SOS Ce que l'autre out si grant envie,
Ce sachiez que ce senefie
Le cors qui par envie fait
Sovent a Ta me» grant dehait.
Ce que Jupiter fu la sus,
810 Esguarda vers la terre jus
E vit ces deus homes errer *,
Si commença a porpenser
Ke 2 a la ferre descendreit,
Humaine forme recevreit,
815 Ici a grant alegorie ;
Ne larrai que ne la vos die.
Au tens antif qui jadis fu,
Orent maufez si grant vertu,
Isi tost cum la gent moreient
820 Maufez les âmes en porteient
Dreit en enfer, ce fu la summe,
Ja ne fust il si très prodome..
Deu qui fu e est la desus,
Esguarda vers la terre jus
825 E vit sun poeple si errer ;
Si commença a porpenser
1. P, E vit ces de deus homes errer.
2. C, deska terre.
— 66 —
Ke jesqu'a terre descendreit
E humaine forme prendreit K
Vera[i]ement il descendi,
830 Humaine forme recolli
De la vierge Sainte Marie
Qui meinte ame a d'enfer guarie,
E par icel avènement
Dona franchisse a tote gent,
835 E mist hors de subjectïun
E les jeta de baratrun ^.
Le don ke Jupiter dona,
Ce sachiez bien, senefia
Le riche don de pareïs
Ke Deu pramet a ses amis.
Li requérant icil Tavront
E li tesant pas n'i faudront.
Li requérant qui le bien fet ^,
E li tesant qui le mal let, f
845 Ice sachiez, que cil Tavront :
grant joie la reignerunt '♦.
Ce qu'a un fu le don doné
E qu'a l'autre sereit doublé,
Verei[e]ment ce senetie
830 Le bien qu'hom fet en ceste vie.
1. Que Deus pur nus tremblât
Forment s'kumiliat,
Quant od sa dcïtet
Volt prendre humanitet (Phil. de Thaiin, Comp.^ 1669).
2. G, E fi^etta fors de baratron.
3. C, Le requeror eH cil (jue ben fet
E le taisor qui le mal let
Deus ainmet mut cel homme qui niant n'at méfait,
Ne paires moins celui ({ui del mal soi retrait ;
Car il avient sovent cil qui lo pechiet lait
Plus sert peu e plus Tainmet que cil qui mal n'a fait.
(Poème Moral^ 25, Cloetta).
4. G, iloc remaindront.
— G7 —
Kil fait ici en avra gré,
Mes ailiurs li sera doublé
Nient une feiz seulement,
Mes selun l'evangire cent*.
855 Ce que Tun fu si estrivus
E pautonier e sorfaitus
Kll fîst a sei un oil voler
E de l'autre vout veer cler
Por sol faire a sun compaignun
860 Les suens deus voler a bandun,
Veraiement ce senefîe,
Ne larrai que ne le vos die.
Les félons qui au siècle vivent
E qui encontre Deu estrivent.
865 Quant il le mal funt de lor gré,
Dune lor est un des euz crevé,
Mes de l'autre veient trop cler,
Ce est qu'il sevent mal ouvrer,
Enginnier par faus jugemenz
870 Por acomplir lor mauz talenz.
Ce que l'autre les deus perdi
Senefie, sachiez de fi,
L'ame qui donc pert la veiie ^
E est morte e confundue.
875 Quant le cors l'un de ses ^ euz pert ,
A sei, a s'aime enfer désert ^,
Lame a ci mal, mesl'avra plus.
Tous nos en deffende Jésus
1. Amen dico vobis, nemo est, qui reliquit domum, aut parentes, aut
fratres, aut uxorem, aut filios, propter rejçnum Dei, et non recipiat
multo plura in hoc tempore, et in sacculo venturo vitam aeternam
(Luc, XVlll, 29 et 30).
2. C, sa veue.
3. P, ccz; C, des.
4. P, A sei a {écrit nu dessus) salme ; C, A sei e a salnie en fel
désert.
— 68 —
K(e nos) a noz aimes si ne façons
880 K'eles chieent en perdicïons *,
Mes par sa douçor nos ait
Ke nos puissun seurre l'escrit
De Fevangile qui enseigne
Ja prodom de ce ne se faigne,
883 Mes face bien a sun poeir
E si lest le mal remaneir^;
Par ce vendra a cez deliz,
Ke Deu promet a ses esliz.
Fiz, ore te demoustrerai ^,
890 Por fere entendre que je sai
Mes vers tôt autrement torner,
Des que je me voudrai pener,
Fere plus corz ou alungnier,
E, se je voil, entrelacier.
895 Un petit les alungnerai,
Mes autre feiz revertirai ^
K'il serunt teus com ore sunt,
Quant les greignors pardit ^ serunt.
h /^ f \ i Fiz, Salemun le sage nos enseigne^ e [nos] dit,
, ' 900 Le commençai d(e)amor nos mostre par escrit ^
1. P, Ke nos e vos si le façon
Kene chietcnt en perdiciun.
2. Quiescile ajçere perverse, discite benefacere (Isaïe, I, 16 et 17).
Diverte a malo, et fac bonum (Psaum., XXXIII, 15).
3. M. P. Meyer a imprimé le ras C depuis ce vers jusqu'au v. 909
{i\ot. et Ertr. des mss., XXXIV, 214).
4. C, Por fere entendre ço que sai
Deskc jo m'en voldrai pener
Fere plus corz ou desloijçner
Mes vers tôt altrement torner
E si jes voil entrelacer
Un petitetles esloigncrai
Mes de rechef revertirai.
5. P, perdit.
6. P, cngenne. Cf. v. 915.
7. Arfi^entum electum, lin|çua justi {Prov., X, 20). Responsio mollis
frangit iram. Lingua placabilis, lignum vitae (/A., XV, 1 et 2). Lingua
^' - «« -
, Ke homme et douce langue e sace bel parler ^
Par ce en plusors terres puet amor conqueçter,
Mes quant il [l'Ja conquise, moût se deit porpenser
Comment e en quel guise la puisse meuz guarder.
905 Ker de amur conquerre ^, ne lerrai que nel die,
,,Ne tient il endreit sei ne guerres de mes trie,
Kar por soûl un buen mot a Ten un buen ami,
E por.autresi poi sunt il puis enemi.
Mais a guarder le bien, saveir i a moût grant,
910 Ce ne puet [oïiques] fere hom(e) qui est nonsavant,
Ker qui moût poi entent e qui moût petit set,
Por petit eime autrui e por petit le het^;
Mes celui qui sage est, il ne fet mie isi,
Ja por poi d'achesun ne perdra sun ami ^.
913 Encore en autre leu nos enseigne e aprent ^
— Dont [ne] gueres de garde ne se douent la gent -
[Que] d'(e) euvre e de parole ^ le commençai esguart
Hom ke Yen puet aveir, seit il tost, seit il tart ;
mollis confringet duritiam (/i)., XXV, 15). Il ne me paraît pas bien sûr
que l'auteur ait pensé à ces vers :
Este procul lites, et amarae proelia linguae :
Dulcibus est verbis alendus amor
(Ovide, De Arte amandi^ II, 146).
Silvestris homines sacer interpresquc Deorum
Gaedibus et victu foedu deterruit Orpheus :
Dictus ob hoc lenire tijj^res rabidosque leones
(Horace, De Arte poet.^ 391.)
1. C, E ben sache parler.
2. G, Kar damor conquerre. Voy. Introd., p. 10.
3. P, G, autre ; G, E poi le rehet.
4. P, harra, et an-dessus perdra; G, perdra.
Omni tempore diligit qui amicus est (Prov.^ XVII, 17).
5. G, espont.
L'auteur a-t-il vraiment puisé ce qui suit dans Salomon? Gf. Eccles.,
VII, 9 : Melior est finis orationis quam principium. — Prov., XXIV, 27 :
Praepara foris opus tuuni et diligenter exerce agrum tuum : ut postea
œdiiîcas domum tuum. — Luc. XIV, 28 : Quis enim ex vobis volens
turrim aedifîcare, non prius sedens computat sumptus, etc.
Fols est qui entreprent et vuet
Ge dont ne puet a chief venir [Floriant et Florete, 4870).
Voy. Notes.
6. P, De evvre; G, De veue.
— 70 —
E ke le meleu sieue très bien le commençai *,
920 Ne li seit a nuisance, vos pri, le definal.
Kar ki commençai est boen -^ ice saches tu bien,
Se le meleu défaut, idunc ne vaut il rien ;
(Que) quei qu'il face au meleu, s'il faut au dcsre[ra]iii
Ce qu a avant ouvré ne li vaut un sul pain ^.
923 Vos veez meint parole qui sa reisun n'entent ^,
Quant il vient a la fin, donc ne vaut el neïent.
Dont le commençai (fu) pris[t] ne de quei ne de qui ^
E par tant solement remaint tôt esbahi
Quant vient au desre[rajin que tôt deit asummer ^,
930 Dune dit si grant merveille de toz se fet guaber.
Uncore en autre leu nos dit en ses escriz '
K'a peine a l'en boen arbre de malvese raïz.
Fiz, escoute e entent que te voil ensengnier :
Ne deiz ^ pas escouter liom qui est novelier,
1. jrnino ne iiieaiuni, medio ne discrepet inium
(Horace, De Arte poet.^lb2).
2. Hémistiche fautif, mais correction diflicile.
P, Kar se le commençai est boen; C, Kar ki comencail.
3. Cf. Dreylin^, Die Ausdrucskweise der ùbertriebenen Verklelnernng.
p. 54.
i. C, Kar meint parole molt ben al comencement
Kant vient enmi sa raison que donc. 1. point ne tent.
En la fin doit on locr Tuevre.
Et ce ke bon est bien se prueve (Dolopathos^ 119).
Mes nuls ne doit commencement
Prisier dont la fin est mauvaise
{'Meraugis de Porlleguezt p. 162, v. 15).
5. Cf. V. 447 sq.
6. G, Kil deit tôt asomer.
7. L'auteur est toujours prêt à tout attribuer à Salomon. Dans les
Pt'ov., XII, 12, on trouve : Radix aulem justorum profîciet. Aussi dans
Matt., VII, 17 : Sic omnis arbor bona fructus bonos facit. Mais le senti-
ment exprimé ici n'est pas tiré directement de la Bible, c'est un lieu
commun de la littérature française ancienne.
Maus fruis est de maie raïs
{Parionopeus de Blois, v. 307).
De put nif put oisel [Prov. au Vilain, 14).
De pute racine pute herbe
(Diiringsfcld, Sprichwôrter, II, 649).
Grede non illam tibi de scelesta
Plèbe dilectam, neque sic fidelem,
Sic lucro aversam potuisse nasci
Matre pudcnda (Horace, Od., II, iv, 1.7).
8. P, diez écrit au dessus de voil.
— 71 —
935 Ker s'amistié ne dure, quar il est primsautier*.
Ainz va e vient hastif '^ e sait del dreit senier.
Novelier a tel guise qu'il ne set hom amer ^
Fors tant cum il le sert e qu'il li veut doner ;
S(e) une feiz faut a prendre, qu'il ne puet recouv[r]er,
940 La chose est mesassise de quant qu'il set penser.
Itele amor seit vile e ait la maie honte ,
Qui si tost est aval e si [si] tost remunte ! ^
Kar donc fu asemblee ne sai de quel acunt«,
Quant si tost est partie por ce que poi amonte ^,-
945 Novelier qui n\i ire puet en aukes soufrir,
L'en le puet desconfîre, qui bien se set couvrir^,
Par dire e losengler dont l'en cuide plesir ;
Sa nature désire ce que m'oez geïr ^.
Mes novelier (qui est) irons, e qui meintient folie,
950 Mesdisant, estrivus e plein de lecherie,
S'il aproche de vos e i prent compaignie,
1. G, Ne te chalt la quointement a orne noveler
Kar samiste nul ben ne rent quant il est primsauter.
2. G, hastivement. Ge vers manque dans P.
3. G, Noveler est de celé guise qu'il ne set home amer
Fors tant cum il li fet servise e qu'il li velt doner
E si une fez fait a sa prise qu'il ne poet recoverer
Donc est la chose mesasise de quanquil a enpenser
Geste amor est en tel balance
Si tost cum el pert Tesperance
Du proufit qu'ele veut ataindre,
Faillir li convient et estaindrc... '
(Rom. de la Rose, 4791).
4. P, Qui sitost est aval e si tost est remunte.
5. G, Itel amor seit avilee e ait la maie honte
Ke si tost est avalée si tost remonte
Kar cle fu asemblee ne sai de quel aconte
Quant si est defaillee par co ka poi amonte.
6. Qui simulât verbis nec corde est fîdus amicus,
Tu quoque fac similes : sic ars deluditur arte (Gato, I, 26).
7. G, Noveler qui na grant ire dont le quide plesir
Kar sa nature co désire ke ci moiez geir.
— 72 —
Hunte avreiz a estrous ainz que seit départie *.
(Fiz) dit (vos) ai en deus manières les vers qu'ai
[enseigniez,
Orfe) me pi et de rechief que seient acorciez ^.
953 ' Fiz, ore te voil anumbrer ^
Les treze fous e aconter, ,
Ke tu te guardes de lor mains ^, '»^^
Ki sunt des autres principaus.
* Qui n'a qu'il serve e il ne deigne ^,
960 De folie porte l'enseigne ;
E qui tant ment que nul nel creit ^,
Se par tôt pert, c'est a boen dreit ;
E cil qui tant veut manecier.
1. C, Mes noveler qui est irros ki maintient folie
Mesdisant e estrivos e plein de lecherie
Si celi saproche vers vos e prent enconipaignie
Honte en avrez a estros ainz que seit départie.
Voy. Notes.
Noli esse amicus homini iracundo, ncque ambules cum viro furioso,
ne forte discas semitas ejus, et sumas scandalum animae tuac (Prov.,
XXII, 24 et 25).
2. C, Fiz dit vos ai en ii maneres les vers kai eslongnez
Lor me plest régi ers kil seient escorcez.
Voir l'appendice où je rectifie ce passage, v. 933-954.
3. M. P. Meyer a imprimé {Notices et Extr. des mss.^ XXXIV, p.
215) le ms C depuis ce vers jusqu'au v. 967. Voir ce qu'il y dit des
rédactions du petit poème dont l'auteur s'est inspiré. Cf. aussi nomania^
XV, 340; Jubinal, iVour. Rec, II, 37; Paul Ileyse, 7?oma/i. Inedita^
p. 75; Hallwell, Reliquiae antiquae, I, 236; Jahrbuch fur roman, und
engl. Liter,^ VII, 55 ; Horace, Sa^, II, 3.
4. Mes de totes choses qe sont mais
Ces sont des principals
{De stulticiis^ dans Jahrbuch fur roman, und engl. Liter,^ VII, 55).
5. Ki n'ad ki le sert e il meimes ne volt (Trente sis Folies^ v. 25,
Jubinal, Nouv. Rec, II, 372).
6. Ki tant jure ke nul ne li creit {Trente sis Folies, 7).
Aussi dans De stulticiis, n° 13.
— 73 —
Ke nul nel doute a corroder * ;
965 E qui tant done qu'il n'a rien -,
Celui repoet Fun estre bien ;
E qui ne se veut consellier ^,
Ne d'autres ne se veut charier ^ ;
E cil qui tant veut empronter ^,
970 K'il n'a dont se puisse aquiter ;
E qui plus embrace a guier,
Ke il ne poet bien gouverner ;
E qui vers grant force se prent ^,
Celui i est mien escient ;
975 Ki ne se poet mie abstenir 7,
K'il ne face honte oïr ;
Et cil qui ne se puet retraire ^
De ce dont il nen a que faire ;
1. Ki tant manace ke nul nel dute (Trente sis Folies^ 6).
Menaces ne sont pas lances {Prov. au Vilain^ 213).
Qu'an menacicr n a nul savoir (Ghrestien, Erecet Enide^b92Z).
Ki manace e nul \y dut
(De stulticiis, 12, dans Jahrbuch fur roman, nnd engl.
Liter., XII, 46).
2. Ki tant dune ke rien ne retent (Trente sis Folies^ 3).
3. Ki nul bien ne scet ne nul volt aprendre
(Trente sis Folies^ 1).
Fous est qui conseil ne creit {Prov. au Vilain^ 24).
Via stulti recta in oculis ejus : qui autem sapiens est, audit concilia
Prov., XII, 15).
4. G, E d'altres nel velt cerchcr. — Cf. Gloss., v" Charier.
5. Ki mult emprent et nient ne achève (Trente sis Folies^ 33).
6. Gede locura laesus Fortunac, cède potenti (Gato IV, 39).
Gf. V. 468.
7. G, E k ne se puet abstincr
Kil ne se ace sa boche otrer
Fox est ke dit qanke il pense (Dolopathos, 4297).
8. Ki trop se entremet de chose dunt il n'a ke fere
(Trente sis Folies, 17).
• Si fait trop nice folie
Qui s'entremet del niestier
Dont il ne se set ardier
(Rom. de la Violette, 1264).
— 74 —
Et cil qui het son bienfetour ^,
980 II ne reste mie sanz folour ;
Ki conseil quier[t] e puis nel creit ^^
Icil est fous, qui que ce seit ;
E qui de Deu se desafie ^,
Icil fet la gregnor folie.
983 Por parformer moût bien ma rime
Dirai quel est la quatorzime,
Ce est cil qui a surquidance ^
De parole e de naissance.
De ces folies (te) deiz guarder ^
990 E a tun poeir eschiver.
Fiz, ainz que tu ton mot despl(e)ies
Ne que tu a autres le dïes,
Deiz esguarder qu'il ne mesalle,
Ker ce saches tu bien sanz faille
993 Que s'il est une feiz aie ^\
James ne sera rapelé
Qu'il vienge la dont il eissi.
Ice saches tu bien de fi,
Por desdire ne por dahez,
1. Ki tuz het e nul gu.u'es li aime (Trente sis Folies^ 13).
2. Cf. V. 967.
Por nient quert conseil qui nul ne creit (Altfranz. Sprichwôrter^
110, dans Zeitschrifl fur deulsches AUerthum^ XI, p. 126).
Qui croit consoil n'est mie fos (Chrestien, Erec et Enide^ 1225).
Mes ki ne velt croire conseil
Se mot l'en vient, ne m'en merveil {Dolopathos^ 4882).
3. Moult par est fols qui Dieu oublie(Chrestien,Percei'ai,34828,Potvin,),
4. Fols orj^uilleus {Des Sis manières de Fols^ Jubinal, Nouv. iîec, II.
65).
5. Cf. Introd., p. 21.
6. Nescit vox missa reverti (Horace, De Arte poetica^ 390)
Et semel emissum volât irrevocabile verbum
(Id., Apts/., I, xvHi, 71).
Puisque la paroUe est issue du corps, elle n'y puet jamais entrer. La
saiete qui est eschapee de la corde ne puet retorner; tout ausintne puet
la parole retorner, puisqu'elle est issue de la bouche {Altfranz.
Lebensregeln^ 17, dans Rom. Sludien^ I, p. 373).
1000 Ne por desmentir s'en asez ;
Puis qu'il est fors de [s] denz issuz
N'iert mes ateint[sl ne retenuz.
Fiz, ta po verte deiz soufrir
E tun mal ne deiz descovrir
1005 A nul se moût n'est tun privé,
Ke tu [rjaies bien esprové,
Kar une chose bien te di
Ke s'il n'est tun certain ami
Que tu l'en seras le plus vil,
1010 Si unt esté ja plus de mil,
E si s'en esleecera
En sun coer, quant il ce orra.
Quant tun cuer (s)avras plus dolant ^
Donc deiz fere meillor senblant,
1015 Por ceus fere désespérer,
Qui tun mal veulent désirer.
Si te souvienne de Venus,
Cum doctrina danz 2 Pamphilus,
E dit que meint set par cointie ^
1020 Moût bien covrir sa povre vie,
E par ses geus e par ses ris
1. G, Mes quant al quor ers plus doleni.
Infortunium tuuni celato, ne voluptate afïîcias inimicos {Dicta septem
Sapientum Graeciae^ 6).
Ne mie dulcir î savez pur quei ?
Jeol vus dirai en bone fei :
Tant cuni vos en joirez plus
Tant serrunL vos enemis cunfus.
Se vus en dulez de nule ren,
Il en rierunt, sachez le ben (Ghardry, Petit Plet^ 1671 sq.).
2. P, dan.
3. Exiguo pulchram ducit sollertia vitam,
Jucundoque sua sore tegit lachrymas
(Pamphilus, De amore, 212, Baudoin).
Sirché, volendo far corne color,
(^he per verjçojçna celan lor mancanza,
Di fuor mostro allej^ranza,
E dentro dallo cor mi struggo e plor (Dante, Vita Xuova^ VII).
— 76 —
Covrir les lermes de sun vis.
Celé cointisse a sens atome
Quant par ses geus son duel aorne.
1025 E uncore plus te dirai :
Tant as, tant vauz, tant t'amerai K
Por ce te ai je dit issi
Ke tu entendes bien de fi
Ke riche home a asez d'amis ^
1030 E li povre moût ennemis,
E puis que sun aver li faut,
Ki einz Tama, puis ne li chaut
Quel part il aut ne qu'il devienge.
Por ce te lo qu'il t'en sovienge
1. Tant as, tant vaus et je tant t'ain {Prov. au Vilain^ 86).
Un proverbe avons en no livre
Que droit nous aprent a descrire :
« Tant as, tant vaus et autant faim
(Droizau Clerc de Vaudoi, Jubinal, Nouv. iîec, II, 134.)
Cil vus eiment e près e loin,
Mes il vus faudrunt au granl busoin
Ço est l'amisté de main en main :
Tant as, tant vaus e tant vus eim (Ghardry, Petit Plet^ 639).
Tant as, tant vaus et jo tant t'aim (Wace, Brut, 1790).
Sur ce proverbe, qu'on trouve aussi dans Shakespeare, Roi Lear, I, 2,
cf. la note au vers cité de Brut, éd. Le Roux de Lincy.
2. Etiam proxirao suo pauper odiosus erit : amici vero divitum multi
[Prov., XIV, 20). Divitiae addunt amicos plurimos : a paupere auLem et
in quos habuit, separatur. Fratrcs hominis pauperis oderunt eum; insu-
per et amici procul recesserunt ab eo {Ib., XIX, 4 et 7).
Donec eris felix, multos numerabis amicos.
Tempora si fuerint nubila, solus eris;
Nullus ad amissas ibit amicus opes (Ovide, Tristium Lib., I, viii,
376 et 10).
Wer Geld besitzt, besitzt Freunde {Pantschatantra, trad. de Ben-
fey, I, 3).
Ces paroles que je oi si souvent :
Povres hom n'a ne ami ne parent
{Auberi leBourgoing, p. 229, v. 34.)
Car qui avoir a asamblé
Tost le paiis a asamblé :
Qui grant avoir a mis ensamble
Tost a mis des amis ensamble...
[Couronnement Renart, 25, Méon, Rom. du Ren., IV, 2.)
— 11 —
1035 De la richece a cel seignor
Qui ja ne fînera nul jor ;
Ke tant faces en ceste vie
Ke quant Tame iert del cors partie
Ke ele puisse la venir
1040 E o les dreituriers partir.
Fiz, ne guarde ta leauté.
Ce te commant, ne ta bonté,
Por sul estre ici loé
Des seculers e ennoré,
1045 Mes por deservir icel pris
Ke les boens ont en pareïs ;
Deiz bien fere en ceste vie
Por estre en lor compaignie.
Moût par est fous cil qui s'esmaie *
1050 Ke la voiz Deu ne seit veraie,
Qui dit que nul ne puet mal fere ^
(Ke) ne li estouce peine trere ^,
Ne bonté ne fera petite
Dont ne recoille la mérite.
1055 Checun avra biens ou dolours
De ce qu'il fait, ci ou aillurs ^.
Ki liez se fet por los aveir ^
En cest siècle, donc di por veir
Ke ci receit tôt a bandon ^,
1060 Por sun bienfet, le guerredon ;
Quant il le los a receû
Donc li est sun bienfet rendu,
1. Cf. V. 983-98.
2. Reddetque homini juxta opéra sua {Prov.^ XXIV, 12).
Tu reddes unicuique juxta opéra sua. (Psau m., LXI,1 13). Cf. aussi
Matt., X, 42, et XVI, 27; Epist. ad Rom., II, 6 sq.
3. G, Ke li nestuet cel mal retraire.
4. G, De co k'a meff'et ci ou aillors.
5. G, Ki leals est puet los aveir.
Voyez Notes.
6. Amen dico vobis, receperunt mercedem suam (Matt., VI, 2).
— 78 —
Ja autre guerredon n'avra
De ce que por vein los fera.
1065 Fiz, ne te deiz trop esmaier
Mes que tu t'oies manecier ;
Mes menbre tei que dist Orace
Ke arc ne fiert quanqu il menace *
Nun fet meint home nient plus
1070 Fors menacier, tel est sun us.
Fiz, n'avile tun parenté,
Ker, ce te di en vérité,
Qui de ce fere est costumier
Poi li menbre del reprovier ;
107S Dunt li vilein trestoz châtie
E lor reprove en vilanie :
(( Ki sun nés trenche, sei honnist
E sa face de tôt ledist '^ ».
E si dïent li escolier
1080 De cest un autre reprovier ;
« Moût porte felenesse dent
Cil qui veut mordre sun parent ».
Fiz, tu deiz amis porchacier -^
Ainz que tu aies grant mestier,
1. Nec scniper fcriet quodcumquc minabitur arcus
(Horace, De Arle poet.^ 350).
2. G, E sa face trestot enleidist.
C'est un proverbe bien connu :
Qui son nés coupe, sa face desenoure {Prov. au Vilain, 258).
Cil qui tranche son nés il verjj^on^e sa fâche
(Eiie de Saint Gille, 1565).
Wer'sich die Nas' abschneidet, schandeL sein Angesicht {Sprichwôr-
ter, Reinsberg-Diirin^sfeld, II, 15-6).
Don't bite olV your nose to spite your face (prov. anglais).
3. Mieuz vaut amis en voie
Que deniers en corroie
{Proi\ au Vilain^ 68).
Omni tempore diliji;it qui amicus est; et frater in angustiis conipro-
batur(Proi\, XVII, 17).
Qu'adès vaut miex amis en voie.
Que ne font deniers en corroie {Rom. de la 7?ose,4964).
— 79 —
1085 E encerchier e près e loig,
Si ke l'aies a tun besoig ^
Ker s'il ne sunt enceis conquis
Que d'encombrier seiez sorpris,
Donc est trop tart a cômmencier ;
1090 En valur t'estoet barquennier '^,
Fiz, ne lesse pas sormunter ^
Sor tei te ^ ire ne régner,
Ker tost en poez aveir deniage,
E tenu en seras nun sage.
1095 Fiz, qui sun viel ami tient chier ^,
Quant il le veit afeblïer,
Donc puet le novel espérer
Aucun bien en lui recouvrer.
Fiz, home fol e nun savant
1100 Estranges bestes vet dotant ^,
Mes celui ne doute il mie
Ne nule rien ne l'en mercie ^
Qui sun profit li vait disant,
Ainz s'en coroce maintenant.
1105 Fiz, j(e) entent ce a corteisie ^
1. G, Si que tu les aies a tes bosoins; P, Si ke l'aies a tun besoi^.
2. P, Cen valur t'estoet cômmencier barquennier; G, A rëtkc la bar-
gaigner.
3. Irasci ab re noli (Gato, ProL, 30).
Iracundiam tempera vel rege (Id., ib., 45).
Vir iracundus provocat rixas {Prov., XXIX, 22). Gf. aussi Prov.^
XVI, 32, et XIX, n.
Qui non moderabitur irae,
Infectum volet esse, dolor quod suaserit, et mens,
Dum poenas odio per vim l'estinat inulto (Horace, Epist.^ I, ii, 59).
4. G, la. Gf. 2653.
5. Gf. V. 1204 et 2748.
6. Gum tibi praeponas animalia cuncta timerc
Unum praecipio tibi plus hominem esse timendum (Gato, IV, 11)
Ou bien l'auteur n'a pas tout à fait compris Gaton, ou il a donné déli-
bérément une autre tournure à la sentence.
7. G, Ne nule fez ne l'en mereie.
8.. Geci est une petite description bien intéressante de l'éducation
idéale de l'époque. Gf. VAlexandre d'Alexandre de Briançon, v. 82
jusqu'à la fin du fragment; L. Gautier, La Chevalerie^ chap. l'Enfance
du Baron, surtout pp. 122-125, et la Vie domestique du Ghevalier, pp.
647-651.
— SO —
Ke hom sache chevalerie,
E qu'il sache bien chevauchier
E bien eslessier sum destrier,
E sache si versefier
m Ke rien ne mette sanz mestier,
E de chiens sache la mestrie,
Des oiseaus e de vénerie ^
(E) bel parout e seit mesurable
A respundre, e puis bien estable.
m S Ki ces mestiers a bien apris,
Plus chiers en iert en tous païs.
Fiz, quant sereiz priveement,
Guarder vos devez durement
Ke vos paroles ne mesvoisent
H20 Por crieme que eus ne vos boisent ^
Ke vos tenez a vos feeus,
Ne k'autres n'oient vos conseuls ^ ;
Ker de teus guarde (ne) vos donez
Ki vos ount moût bien escoutez.
112S Fiz, ce te di e si m'en crei,
Ke se tu as force en tei,
Mètre la deiz a tun profit,
Ou autrement te vaut petit.
Fiz, se vels aver renumee
1130 Bone de cels de ta contrée ^,
1. C, E des esches sache la mestrie
E doiseals e de vénerie.
. Voy. Notes.
3. C, Neutres noient vos consels
E de ki garde ne vos donez
Kil vos aient escoutez.
4. P, Fiz se vos oiez renummee
De la gent de ta nostre (écrit au dessus) contrée.
G, Fiz se tu veis aver renomee
Donc de cels de ta contrée
— 81 —
De nul mal ne deiz esjoïr,
Quant tu ce orras avenir
A tun veisin, mes moût peser
E a tun poeir destorber.
H 35 Ker qui se veut esleescier
Quant il ot autri encombrier,
Poi li menbre de celui dit
Dont li vilain fet sun respit :
Ke poiir puet del suen aveir
H 40 Ki veit Tostel son prosme ardeir ^
Fiz, ce me semble grant vertu,
Pièce a que l'ai aperceû -,
Ke hom se tienge e seit tesant^,
E de ce est sa coupe grant
H 45 Quant il ne se puet refréner
A tere ce qu'il deit celer.
Fiz, se ton voisin est manant,
Ne t'en peist, ja n'et il itant,
Ker se tu as del suen mestier,
1150 Tu en porras tost porchacier;
La ou il a ^, puez recovrer
Par doner ou par emprunter
E par tun travail deservir,
1. P, Ki veit l'ostel a sun veisin ardeir
C, Kar poor poet de sei aver
Ki veist lostel son prosme arder.
En sa maison a mal espoir
Qui la son voisin voit ardoir (Wace, Brut^ 29).
Grant pour put avoir qui voit la meson son veisin ardre {Altfranz.
Sprichwôrter^ 109). Cf. aussi Diiringsfeld, Sprichwôrter, II, 128.
Ce proverbe bien répandu au moyen âji:e est-il un écho de :
Nam tua res ag^itur, paries cum proxus ardet :
Et neglecta soient incendia sumere vires
(Horace, Epist., I, xviii, 84.)
2. P, Picca ; C, Pieca que jol ai aperceu.
3. Car plus avient bien a celer
Sans vergongne, que trop parler {Amadas et Ydoine^ 400).
Cf. V. 551,975.
4. C, La ou il est. Voyez Notes.
6
— 82 —
Ou par vive force tolir.
H 55 La ou poi a, prent hum petit:
Ice est veirs sanz contredit.
E ne lessiez que ne loez
Ice que vos de fin savez
Que digne est d'avoir bon los.
1 160 Mes ne seies mie si os
Ke tu loes trop durement
La ou vos dotez de nient K
A plusors estouet obeïr -
Ki en cest siècle veut guarir,
H 65 E qui plusors ne veut servir
Tôt Festuet cest siècle guerpir.
Vers cel habit deit donc guenchir
Ou nus qu'i maint ne puet morir.
Fiz, ne creire eve dormante ^
H 70 Ker ele est moût décevante ;
Ne simple home ne soramez \
Mes de l'eve vos porpensez,
Qui s'escluse brise sovent
Quant ice cuident meins la gent ^.
H75 Si fet simple home entre het :
Quant meins cuidez fet grant sorfet ^.
Fiz, moût parvient meuz a lessier^
1. (>, La ou tu doles de nent.
2. Voy. Notes, et cf. v. 22 i7 sq. et 2660-61.
3. C,Fiz icei eave dormant.
Demissos aniino et tacitos vitare mémento :
Quod flumen placidum est, forsan latet altius unda (Gato, IV, 31).
En eau endormie
Point ne te fie. — Il n'est pire eau que celle qui dort, etc.
(Dûringsfeld, Sprichwôrter, II, 398). Cf. aussi v. 2694 sq.
4. G, sormencz.
5. G, Quant jçarde ne se douent la g;ent.
6. G, Si fet li simple hom entreshait
Quant ne quidez grant forfait.
Voy. Notes.
7. Gf. la note au v. 921, et aussi : N'entrepren mie Icgierement chose
que lu ne puisses mener a fm, et que tu ne gardes a quel chief tu en
porras venir [Altfr. Lebensregeln, 5, dans Rom. Studien, I, 374).
— 83 -
La chose ester que commancier,
Dont l'en ne puet a chief venir.
H 80 Essample en porras ja oïr
De Tome ki se vet baignier
Près de la terre e del gravier,
E ilec ne veut arester
Ainz s'enpeint parfont en la mer,
H8S E por ice est donc neiez
K'il est de la terre eslongniez.
Tôt ensement fet meint sanz mer,
Dun[t] il puet celui resembler.
Fiz, si t'a vient nule aventure
H90 Qui te seit maie, pesnie e dure ^
Donc deiz enquerre e encerchier,
S'unkes avint tel enconbrier
A nul autre par nul trespas :
Le tuen le meus soufrir porras.
H 95 Fiz, ne seies pas menzungier ^J:
Nus n'en deit estre costumier.
Mes qui ne s'en puet abstenir,
Ke ne li estouce mentir,
Donc deit mentir si cointement
1200 E si très acemeement ^
K'il resemble bien vérité,
A ceus qui l'avront escuté.
Fiz, ice te commant (je) e pri
Ke ne lesses tun viel ami ^
1. C, Ke te seit aspre e dure.
Cum fortuna tibi rerum tua displicet ipsi
Alterius specta, cui sit discrimine pejor (Gato, IV, 32).
2. Cf. Prov.^ VI, 16-17, etc., mais le conseil que donne ensuite l'au-
teur est encore ici quelque peu surprenant. Cf. aussi L. Gautier, ^Za
Chevalerie^ p. 137.
3. P, Par douces paroles ensement.
4. Amicum tuum et amicum patris tui ne dimiseris {Prov. , XXVII, 10).
Ne derelinquas amicum antiquum ; novus enim non erit similis illi
{Ecclesiasticus^ IX, 14).
Damnaris nunquam post longum tempus amicum.
Mutavit mores, sed pignora prima mémento (Gato, IV, 41).
— 84 —
1205 Por autre novel recouvrer
Qui est uncore a esprover ;
Ne tun viel chemin ne guerpis *,
Kar asez tost [tu] fereiz pis,
Por sente qui vait traversant,
1210 Kar tost guëneras itant
Que tu en seras destorbé
E de ta j ornée arriéré.
Des amis vet tôt ensement,
Ice saches qui bien Tentent-.
1218 Fiz, ou hom(e) mellif n(e)errez mie
Ne o lui n'aiez compaignie,
Kar nul bien ne t'en puet venir,
Einz t'en porras tost repentir.
Fiz, ja ne metez trop grant peine
1220 En nul terme de la semeine
A conquerre (r)amor de tel home
Ke perdre poez -^ por une pome,
Ke se tu ne li veuz doner '•,
(K')il por tant te voudra grever.
122S Ne feint ami ne seiez mie '^
Ainys vieux sont bons en tous lieux (Diirinf^sfeld, Sprichwôrter,
I, 62).
Cf. V. 1 095-27 i8.
Mes quant un tel en a trové
Qu'il a tant ainçois esprové,
Que bien est certain de s'amor,
Faire li vuet joie et damor
De tous les cas que penser ose,
Sans honte avoir de nulc chose [Rom. de la, Rose^ 4737.)
1. State semper vias et videte, et interro^ate de semitis antiquis, quae
sit via bona, et ambulate in ea (Jérémie, VI, 16).
2. Voy. Notes.
3. P, porcz.
4. C, Si tu la li vols doner
Kil par tant te voille {j^rever.
Voy. Notes.
5. Se vous fêtes semblant d'amer aucune gent,
Gardez que vostre cuers s'i acort bonement ;
Quar qui fet bone chiere avoec mauves semblant.
C'est rains de trahison e péchiez ensement
(Doctrinal le Sanvagey 153, Jubinal, Août', iiec, II, p. 150).
Cf. aussi Rom. de la nose, 4785 et suiv.).
.JW
— 85 —
Vers celui qui en tei se fie,
Ker pechié sereit e vilté
E tu en sereiz moût reté.
Mes ou tu sez tun feint ami,
1230 Vers li te refrein[s] autresi*;
Par ce te puez de lui guarder
E sa feintisse sormonter.
E si te di uncore itant
Ke je ne sai nul mal si grant
1235 Comme de Tanemi privé
De qui Ten est moût afié *^,
Ker celui puet fere asez pis
Ke cent en un loingteig païs.
Fiz, ne seiez nïent (trop) engrant^
1240 De enquerre par tun dema(i)nt
Les noveles qui sunt privées,
Ker ja tant ne[n] ierent celées^
Ke, se vos nueves nés savez,
Sachiez que vielles les savrez.
1245 Fiz, a tun ami ne deiz dire ^
Quanque tun cuer te set descrivre,
Ker s'il a vient que tun ami
Devienge puis tun ennemi,
Idonc savra tis ennemis
i 250 Ce que des ainz sout tis amis '^
1. P, Si te resun tôt autresi.
2. G, En ki l'en s'est molt fie
3. G, Fiz, ne seics trop engrandes
De enquerre par demandes.
4. P, devees, et au-dessus : celées; G, celées.
5. Au bas de la page est écrit :
Si facis ut dico non omnia dicas amico
Nam si forte datur tuus hostis ut efficiatur
Sunt nova longinco que nota fuere propinquo.
6. Des manque dans P.
- 86-
Fiz, tun enfant deiz doctriner V
E de bien fere amonester,
Cum tu unkes Tavras plus chier
Tant le deiz tu meuz ensennier,
i 255 Kar se tu nel puez endurer
A batre por meuz enseignier^,
E tant atendes qu'il seit-grant
E que tu seies nunpoant,
Idonques t'en repentiras
1260 Quant tu sormunter nel porras.
Fiz, qui en sa jo vente aprent
Sens, saveir e afetement '^^
Quant iert en sa meillor vertu
E Sun saveir iert coneû
1265 Donc en iert il plus alosé
E meuz amé e plus doté.
Fiz, s(e) homes as a governer,
Amer les deiz e ennorer
Asez plus que tôt tun aveir ^,
1270 Ker une rien puez bien saveir.
Se (tu) les aimes en dreite fei
Et il amor aient vers tei,
A tun besoig plus te vaudrunt
Ke toz te [s] ^ chateus ne feront.
1275 Fiz, celui qui s'entente met
En plusors leus e s'entremet
De plusors choses a penser,
Le plus tart puet une achever,
Ker quant le sens est départi
1. Cf. Prov., XIII, 2i; XIX, 18; XXII, 15; XXIII, 13 et 14; XXIX,
15 et 17.
2. G, A batre le por enseigner.
3. G, ou afetement.
4. G, Plus que trestot altre aveir.
5. G, vos chatels.
.. -t^.^.
— 87 —
1280 En plusors leus, sachiez de ti,
Donkes est il en un leu mendre
E de meins i puet en entendre ^
Fiz, rampone[o]r ne rustisez 2
Ne de rien ne[l] escharnissez,
1285 Kar teu chose tost te dira ^
Qui a tun cuer ennuiera
E don[t] seras plus escrié
Ke cil vers qui Tas commencié,
E dirunt tost li escoutant :
1290 (( Le guaïng cestui n'est pas grant,
Il perdi ore un boen teisir ;
N'avun cure d(e) o lui partir ^,
Ke sun guaïng ait mal dahé
Qu'il vers cestui a recouvré ».
1295 Fiz, qui done quant (il) est requis
Il en deit aveir gré e pris ;
E qui done sanz demander,
Son gré li deit l'en bien doubler :
E por ce deit estre doublé
1300 K'il n'est mie chier achaté,
Ker chier achate qui requiert ^
1. Qui dous choses chace, etnule n'en prent
(Prov. au Vilain^ 34).
2. G, Fiz a ramponos ne corocez
De ren nel eschaiifez.
Godefroy cite mal ces vers sous rustiser^ d'après le ms. de Barbazan
à l'Arsenal :
Fiz, ne ramponez, ne rustisez
Ne de riens ne escharnissez.
Gf. V. 2275 sq. et voy. Notes.
3. G, Kar tost tel chose respondra
K'a ton puor ennuiera.
4. G, N'ai cure en son gain ore partir.
5. Aset achate ke demande
{Altfranz. Sprichwôrter^ 1, dans Zeitschrift fur deutsches
AUerthum^ X, 114.)
Et s'a povreté le voit tendre,
Il ne doit mie tant atendre
— 88 —
E (a) poi aseine qu(i) après fiert *.
Ore escoutez ceste resun :
S'aucun demande a autri don
1305 E il dit que il li dorra,
E puis si nel reguardera,
A celui desservi mal gré
Quant il Tavra isi gabé ?
Oïl, nel puis pas deveer
1310 Ne encontre vos deresner.
Donc par meïmes la resun *,
Ki sanz requeste pramet don
E puis neli voudra tenir,
Double mal gré deit recoillir,
1315 E por ce li deit liom doubler
Qu'il le pramist sanz demander.
Fiz, se tu pramez sanz requeste '\
Guarde bien que tu Taies preste
Que cil s'aide li requière,
Car bonté faite par prière
Est trop malement cher vendue
A cuers qui sunt de grant value.
— Moult a vaillans homs jurant vergoigne
Quant il requiert que l'en li doingne ;
Moult i pense, moult se soussie,
Moult a mesaise ainçois qu'il prie,
Tel honte a de dire son dit
Et si redoute l'escondit (flom. de la Rose^ 4721.)
Nulla res carius constat, quam quae proecibus empta est (Sénèque,
De Benef.^ II, i, 1).
La terza cosa, nella quale si puô notare la pronta libéralité, si e
dare non domandato ; perciocché dare'l domandato è da una parte non
virtù, ma mercatanzià ; perocché quello ricevitore compera, tuttoché'l
datore ; perché dice Seneca : che nulla cosa più cara si compera, che
quella dove é prieghi si spendono. [Conv.^ I, VIII).
1. Voy. Notes.
2. Voy. Notes.
3. Que de prometre sens doner
Ne doit nus en grant pris monter
{Durmart le Galois^ 9261, Stengel).
Vilonnie est d'autrui gaber
Et de prometre sans doner (Ghrestien, Percevais 2209).
— 89 —
La pramesse le jur e Tore,
1320 Ke tu la rendes sanz demore ;
Ker s(e)' ele rendue n*esteit
Par resun blasmer te porreit.
Fiz, espérance de déserte^,
Icele est bien ou ele est certe,
1325 Mes celé qu'est sanz deservir,
N'est pas renable a retenir.
Fiz, contien tei en manière ^
Ke (tu) ne dïes ja mal desriere
D(e) hom a qui tu fez bel semblant
1330 Ke tu li seies bien veillant ;
Ker se tu diz le mal desriere
E devant li faiz bêle chiere,
Ice met très bien en mémoire
Celui qui t'ot cel mal retraire 3,
1335 E plus vil Ten seras, ce crei,
E meins s'en fiera en tei ;
Ker qui des suens vuet mal parler,
Poi s'en puet restrange[s] (en) fier.
Fiz, ne seiez hastif jugeur ^,
1340 Mes lessiez primes tôt entor
Les uns e les autres parler;
Si te commence a porpenser :
De toz les diz que tu orras
Le meuz retien, boen le feras.
1 345 E quant tu avras tôt oï
E par precetes recoUi,
Une resun en porras fere
1. P, espérance sanz désertes.
G, Fiz espérance de bone déserte
Itele est bone e oele e certe.
Voy. Notes.
2. Qui profert contumeliam, insipiens est (Prou., X, 18).
3. G, Keli te oit le mal retaire.
4. G omet les v. 1338 à 1341. Gf . v. 1409 sq.
— 90 —
E donc si lor porras retrere
E ces paroles demoustrer,
1350 Cum s'il fussent del tuen penser ;
Ke ja ne s'en apercevront,
S'il de -plus sage gent ne sunt.
Fiz, je te di cum oi re traire
Ke cil qui bien commence a faire *,
1355 II deit aveir demi le pris
De cel[e] ovre, ce m'est avis ;
Kar meint crient tant le grant travail
K'il. n'ose entrer en commençai,
E por itant est donc lessee
1360 Ke ele n'est pas conmencie[e],
E s'il fust qui la commençast,
Ou un ou autre l'achevast.
E qui mal commence a ovrer -,
A lui deit l'en tôt retorner
1365 Le mal que après en vendra,
Por ce que il commencié l'a ;
Ker quant le mal est commencé
A enviz puet estre lessé.
Ki plus n'en fet que commençai ^
1370 Ne mes qu'il en ait grant traval
E, se ne fust qui Tesmeiist ^,
Meint mal est il qui remès fust.
Fiz, ce est conseil honorable :
Home qui n'est mie coupable ^
1. Demi fet a qui bien commence (Rom. de la Poire^ 326).
2. Cil a le tort quanque nus die,
Qui commence la felonnie (Wace, Brut^ 2819).
3. Voy. Notes.
4. G, E si nestuet ki esmust
Meint mal est fet ki remis fust.
5. Contra hominem justum prave contendere noli ;
Semper enim Deus injustes ulciscitur iras (Gato, IV, 34).
- 9t —
1375 E veut o dreiture régner,
Ke tu celui ne encombrer,
Ker Deu venge le jugement
Qui est fet nun resnablement.
Se tun boen ami a riens fait
1380 Dont en tun cuer aies dehait,
Se unkes fifet rien dont fust gré,
N'ublie pas celé bonté *.
Fiz, se home te va loant *^
Ou par desriere ou par devant,
1385 Nel creirre tu ja por ses diz
Ke tu seies un des esliz,
Ker en tun cuer puez bien entendre.
Se tu t'en veus bien guarde prendre,
Se il dit veir sor tei ou nun ^,
1390 Se tu ies boen ou s'ies felun,
E se ce cel losn'est mie veir,
Idonc en deiz honte aveir ^ ;
E se ce est veir sanz mentir
Par mesure deiz esjoïr.
1395 Fiz, ce veiz tu bien a délivre
K'en péril estuet la gent vivre ^
Tant cum ici deivent régner ;
Por ce nos devun moût loer
Nostre Seignor de nostre vie
1400 K'il la nos a si establie ®.
1. P, Nublie mie.
2. Cum te aliquis laudat, judex tu esse mémento :
Plus aliis de te, quam tu tibi credere noli (Cato, I, 14).
3. C, Sil dit voir sor tei verom.
4. G, Donc entendez tu honte aveir.
5. Quoniam ira in indignatione ejus ; et vita in voluntate ejus
(Psaum., XXIX, 6).
Cum dubia in certis versetur vita periclis,
Pro lucro tibi pone diem, quocumque laboras (Cato, I, 33).
6. C, Kil a en nos si establie.
— 92 -
Fiz, si t'avient a dolouser *,
Joie t'estuet ovec mesler,
Ker ce sachiez veraiement
Ke se Fun est trop longuement
1405 Sanz l'autre, donc n'est pas mesure ^,
Ne si nel puet sofrir nature,
Nient plus que puet chaut sofrir 3,
Ke freit n'estuece a lui venir.
Fiz, se tu oz plusors parler,
1410 Sofrir les deiz e escouter,
E quant il avront trestot dit
Le mellor sen met en profit
En tun cuer e si le retien ;
En aucun tens te fera bien.
1415 Fiz, ne le tuen ne guaster mie *
En leu ou te tort a folie,
Kar se tu deiz par emprunt faire ^,
Sovent en avras grant contraire.
Fiz, quant en meillor pes serez,
1420 Del contraire meuz vos guardez;
E quant avreiz greinor barate,
Donc espérez aveir souate.
Fiz, meint home est de tel nature
K'un pensé gueres ne li dure,
1425 Mes tant cum est en cel pensé,
Fet il .moût volentiers bonté ;
E quant il entre en autre hee.
Donc refet tost quant nul n'agrée.
1. Interpone tuis interdum gaudia curis
Ut possis animo quemvis sufTerre laborem (Gato, III, 6).
2. Ne set qu'est biens qui mal n'essaie (Ghrestien, J?rec et Enide^ 2610).
3. G, Nent plus kome poet freit sofîrir
Ke chald n'estuet a li venir.
4. Gonserva potius, quae sunt jam parta labore :
Gum labor in damno est, crescit mortalis egestas (Gato, I, 39).
5. Voy. Gloss., v» Par.
93 —
Qui de tel home veut aveir
1430 Dont il li deive gré saveir,
Donc li estuet de lui sofrir
Quant fet encontre sun plesir.
Ker poi trouve l'en boen eslit ^
Ne home qui n'ait contredit.
1435 Fiz, ce te di, entent lei cler,
Trestouz maus d'eiz tu destorber,
E se tu nés - puez amender
Donc te guarde del enpeirer ^,
Kar ce me dist un mien aiuel,
1440 Ke cil venge griement sun duel
Qui le aoite de nient ^ ;
Ce veiz tu bien apertement.
Fiz, aies greignor leauté ^
Ke Tun ne quide, e de bonté,
1445 K'autre n'aient en lor mémoire
Ke quanque fez seit veine gloire.
Fiz, nul greignor pris ne bonté ^^
N'est a conquerre erité,
Ke il est a guarder le bien
1450 Quant est conquis, n'en dotez rien.
Ainz est greignor, se estre puet,
E greignor peine i estuet
1. Voy. Notes.
2. P, nel.
3. Cr. V. 22 et 184.
4. G, Kil a oite de nent.
Curius fu de sei vengier
Mais or (e) gart ke mal ne l'en prenge !
Ki sum mal aoit mal se venge (Wace, Rou^ 3*» p., 2634).
Meis teus cuide, se il li loist,
Vangier sa honte, qui Tacroist (Ghrestien, Cligès^ 2931).
5. Attendite ne justitiam vestram faciatis coram hominibus, ut videa-
mini ab eis (Matt., VI, 1).
6. Cf. note au v. 1415, aussi v. 905.
Schwer ist's Vermôgen zu erwerben und schwer ist dessen
Bewahrung auch {PAntschatantra, trad. de Benfey, I, 4).
— 94 —
Au bien guarder qu'au porchacier,
E plus i estuet travaillier
1455 Ke Tun ne fet au deservir.
Qui par ennor se veut guarir,
De toz conquez vet autresi
Cum d'eritage t'ai moti ;
Le conquerre est ennor e pris
1460 E ensement, ce m'est avis*,
Le bien guarder n'est mie mendre
Vertu, qui bien le veut entendre 2.
Fiz, se home te fait grevance
Dont en tun cuer aies pesanee,
1465 E tu ne t'en puisses vengier,
Donc lessies le menacier 2,
Ker nul ennor ne te sera
A menacier, quant il verra
Ke tu ne li puez rien mesfere*.
1470 Mes neporquant li deiz retrere ^
Par tei ou par tun mesagier
Ke, s'il ne se veut adrecier,
K'il te peise de cel hontage
K'il t'avra fet, e del demage.
1475 Ta menace ne seit nient el
S'il n'est tun ennemi mortel,
Kar par itant puet bien saveir,
S'il a sens e aperceveir,
Ke tu de lui te vengeras,
1480 Quant tu leu e tens en verras ^\
1. C, Enseniblement co m'est avis.
2. G a ici deux vers de plus :
K'il est a fere le porchaz
Icest enseniblement ta faz.
3. C, Donc les ester le manacer. Cf. v. 963.
4. C, Ke tu nel poez de ren meflere.
5. Quod nosti factum haud recti, nolito silere,
Ne videare malos imitari velle tacendo (Gato, III, 15).
6. G^ Desque liu e tens avéras.
— 95 —
Fiz, quant la chose est achateé,
Donc ne deit pas estre blamee,
Ker, sachez, mal gré t*en savra
Cil qui achatee Tavra ;
1485 Mes quant ele est a barquenier,
Ki donkes li vodra aidier,
Il li savra gré del ovraigne,
S'il est prodom cil qui barquene.
Fiz, treis choses te conterai * ;
1490 Por guarnir '^ tei les te dirai ;
Kis a, au siècle en iert blasmé
E devant Deu en iert reté,
S'il ainz n'en prent sa penitance
Tant cum il puet e a licence,
1495 Ce est povre home orguellos,
E viel home luxurius,
E joenne home moût pereçus.
De cez teches deffendez vus,
Ke nule n'aies en ballie,
1300 Kar ce sereit moût grant folie.
Fiz, ce te dirai en celée,
Ke se tu as chose donee
Ou fête nul[e] autre bonté
Dont home te deit saveir gré,
1505 Ne le reprove ja por rien.
Icest ensennement retien,
Ker se par tei fust reprové
Cil a qui ^ Taveies doné
Saches que mal gré t'en savreit
1510 E tun bienfet perdu sereit.
1. G, III tecches taconterai.
Et l'an dit que Nostre Sires het moût .m. menieres,de pécheurs:
viel luxurieus, povre orguilleus et riches couvoitous (Phil. de Novarre,
Quatre âges de L'homme^ 174).
2. Voy. Gloss.
3. P, a qui tu l'aveies doné.
- 96 —
Mes lessier deiz le reprover
E bien sofrir e endurer,
Karprodome n(e)' oubliera ^
Bonté qui fête li sera.
1515 Fiz, ce te deffent de vanter;
Nul ne s'i deit acostumer,
Kar cil qui aime le mestier
Tost i porra tant g'u[a]aignier.
Mes que il dit vérité,
1520 Qu'a creirre sera moût doté.
Ker qui moût vante, moût i ment,
(E) ce a esté prové sovent 2,
E de lui guaberont la gent
Devant e desrriere ensement,
1525 E dirunt par les rens entor:
« Moût a ici grant vanteor;
Vez cum or ment apertement.
Moût nos tient ore a juene gent
K^il issi nos cuide deceivre
1530 Ke nos nel sachon aperceivre ! »
Fiz, ce nos monstre TEscriture
Ke us est secunde nature '\
Ce qu'hom a usé longue pose,
Ce li est tôt naturel chose,
1535 Ou seit travail ou souatume ^.
Selun ce que il s'acostume,
Si li estovra mein tenir,
Ou la première puet périr
Qui nummee est complexïun
1540 En fisique par grant reson.
1. G, Kar prodome n'obliera #
La Uonté ki fet li avra.
2. C, Co a.
3. Chose costume mestre se rent (Altfranz. Sprichwôrter^ 245).
La coutume est une seconde nature (jui détruit la première (Pas-
cal, Pensées, éd. Havet, art. III, 13).
4. Voy. Notes.
- 97 —
Jesque sun aage remue *
Sa nature iert tost corrumpue,
E si li costera au cors
Si qu'il i parra bien defors.
154S Le desre[re]in tient la première ^,
Par ce qu'el est sa justissiere ;
Por ce te di cum tun feeil,
E si te lo par dreit consel,
Ke mauvais us n'acostumer ^\
1550 K'il puisse entor tei régner.
Fiz, se riche home devenez
E seneschal aveir poez,
Donc le querez de tel mesure
K'il ne seit de vostre nature.
1555 Se vos moût irusvos sentez,
Simple e bien sofrant le querez,
Ker se vus estes moût irus
E il de ce resemble a vos ^,
Ne vos porra pas consentir
1560 De longuement a gré servir.
Mes par bien sofrir puet danter
Vostre ire e aukes refréner 'K
E se vos estes de mal ai(e)re,
Par sa bonté vos puet retraire ^.
1565 E se vos estes despendant,
Donc le querez aukes tenant,
Ker s'il est large comme vos ^,
1. G, Deske home son iisag-c remue. — Voy. Notes.
2. C, La dercine tent bcn la première. — Voy. Notes.
^3. G, acostumez. Il change toujours les formes des infinitifs employés
comme des impératifs ou des subjonctifs, sans égard à la rime. Gf.
Introd., p. 24.
4. G, resemble vus.
5. Suit dans P le v. 1568 sq. jusqu'à 1582, puis 1563-1568, puis 1552
et 1563. G a le bon ordre, sauf que 1562-1563 suivent 1564-1568.
6. G, Par ces bontez vos poez retaire.
7. G, Kar s'il est savages cum vos.
— 98 —
Idonc ne pervaudreiz un tros.
Fiz, ainz que vos autre blâmez *,
1570 Delà crabe vos porpensez,
Cum elle blâma sun enfant
E grant folie ala disant,
Por ce que en belief alout.
Il respondi si cum il sout * :
157S « Mère, fet il, avant alez,
Ker bien ensennier me devez,
E je de vos ore apprendrai
Cum faitement aler devrai ».
Mes se la crabe eûst {^rant sens
1580 Ou ele fust de boen porpens,
Ja sun elfant ne blamereit
Quant autresi ou pisireit.
Uncor te commant je, bel fiz,
Ke pas ne seies loeïz,
1585 Ker le louier t'asorbera'^
E le dreit chemin te toudra.
Quant tu le dreit devras jugier
E tei remenbre del loier,
Donc istras moût tost de la route,
1590 Del dreit n'i verras mie goûte,
Ker le louier t'avouglera,
ïot tun cuer vers sei atrera.
Luier resemble aimant
Qui parfunt en Teve est gisant
1595 Ke l'en apele mer betee.
1. La fable qui suit est bien connue. Cf. l'Ésope de M. Halm,
n"» 1S7, Kapxivo; xa{ Mt^tti^.
2. G, Por co kil embelif îiloit
II respondi cum il savoit.
3. Xenia et dona excaecant oculos judicum, et quasi mutus in ore
avertit correptiones eoruni {Eccles., XX, 31). Nec accipies munera,
quae etiam excaecant prudentes et subvertunt verba justorum [Exod..
XXIII, 8).
— 99 —
D'ele est bien chose provee
Ke se nef vient par la siglant,
Ou fer est enz ou poi ou grant,
Quant el endreit la pierre vient *,
1600 Par sa nature la retient.
Ker r aimant a tel nature -
Ke le fer tret en tel mesure
Ke la nef ne puet remuer,
Ne sun dreit cors ne puet sigler,
1 605 E par itant est donc perie
Ke le fer out en sa baillie ^.
Le louier tôt ensement fet,
Le cuer de coveitos atret
Vers sei, que il le fait guenchir
1610 Si qu'il nel puet a dreit tenir,
Mes vet ça e la guenchisant,
E par tôt boise tés querant,
Cum il puisse celui deffendre
Dont il cuide le louier prendre.
161 S Mes cil qui fait faus jugement
Par le louier ou sun cuer tent,
Deus en prendra grief vengement
A sun secund avènement
De Tame, quant cel jor vendra,
1. G, Deske el endreit la père vient.
2. Tûtes cestes f espèces d'aïmant) tel nature unt
De fer traire la u els sunt
(Lapidaire de Marbode^ 1" vers., 71, éd. L. Pannier).
La nature de tous ces trois
Atrait le fer, tel est sa loys
(Lapid. de Berne ^ 75).
Une force ces pieres unt
De traire fer : pareilles sunt
Magnete j le fer traire soit
Mais li daïmant 11 lott
[Lapid. de Cambridge^ 37).
3. G, Ke le fer a la baillie.
■« *
— 100 —
1620 Se einz amendé ne Tavra.
Uncore i a autre grevance
Selun le cors, e avilance;
Au siècle en iert vilment blâmé
Ki a ce s'est acoustumé,
162S E cil tost li savra mal gré
Qui le louieravra doné,
E en sun cuer tost pensera
Ke vilment deservi l'avra.
Moût a ici vilein mestier,
1630 Nul nel devreit ja commencier *,
Ker cel louier griefment désert,
Ki por lui sei meëmes pert.
Par l'aïmant qui trait souef ~
A sei le fer, peri(s)t la nef,
1635 E par le louier qui englue
A sei le cors, lame si tue ^^
Mes qui set nieuz reson entendre ^,
A Tennor Deu la deit despendre
As nunsavanz qui unt mestier,
1640 Ki ne se sevent consellier •">.
Fiz, ce que vos bien vil avrez ^,
1. P, ccunmenritM', vl au-dossus : couveiticr ; C, comencer.
2. (^, ka trait soof.
3. (], Le (juor (U'I lioinc s'aime tue.
4. Cf. V. 2U s(j.
Disce S{*(1 a (loelis, indncins ipse docelo :
Propag-andn eleiiiin rei'iim doctriiia honarum (Gato, IV, 23).
5. (l a ici (juali\' vers (!<• plus :
l''i/. (•(> «pu* lu vi'ls d<»is lesstM"
M<'s (pu* lu laies heu elier,
Kar UH'l/ deis aiuer luu pi'<»iU.
Ke tu lie deis nul Inl dtdil.
Il senihle «pie (•«• s<ti|. une iillusi<iu au passaj,^e de Matt., XVI, 25 et 26 :
Qui eiiiin vnlueiil iiiiiuiaiu suam salvaui faetu-e, perdet eam : qui autcm
pcrdiderit nuiiiiaiii siuiui pinpler uie, iuveuiat eaïu. Quid enim prodest
homini, si niiiuduiii uuiverMiiiu liierelur, aiiinue suac detrimenluni patia-
tur? Aui (piaiii daiiil Ikuiio eniiiinulalioiuMU pr<> anima sua?
6. QikkI vile esl, eai-uiu, «puxj earuiii, vile pulato :
Sic tibi née rupiduH, née avarus noseeris ulli (Cato, I, 20).
e
— 101 -
Semblant fêtes que moût Tamez,
E la rien qui vos est moût chiere
Semblent fêtes de tel manière
1645 Comme se vos moût vil Taiez.
Par ce sera donc deresniez.
K'a nul home ne semblereiz
Aver quant si vos contendreiz ;
Ne coveitous ne vos tendront
16S0 Quant tel semblant de vos verrunt.
Fiz, si tu veus fere requeste,
Guarde donkes que tu t'areste
En requeste qui seit renable,
Ker autre n'i deit estre estable.
1653 Qui requiert qu'il ne fereit mie,
Entendre deit qu'il fet folie,
Quant il requiert ice d'autrui *
K'il ne fereit mie endreit lui,
Kar cil por fol tost le tendrunt
1660 Ki la requeste oï avrunt.
Fiz, moût deiz haïr a tencier
A tun ami, ker encumbrier -
En avient il de ce sovent,
E mal[e] aventure entre gent;
1665 Mes concorde norrist amurs
1. Quod justum est, petito, vel (juod vidcatur honestum :
Nam stultum est pctere quod possit jure negari (Cato, I, 31),
2. G a de plus après ce vers :
En vient e peine e pesme laie,
N'est pas sajj;"es qui ço asaie.
Kar tencon donc ire e hange
Il a hange esmut tel mal
Ke puis devient molt comunal
D'ambedous e molt lor grève.
De tencon onque ben ne levé
Ainz fet molt mal e dolor
Mes concorde norrist amor.
Litem inferre cave, cum quo tibi gracia juncta est ;
Ira odium générât, concordia nutrit amorem (Cato, 36).
- 102 —
E tençon peine e dolurs.
Fiz, se tun ami t'a vouché *
D'aucune rien par amisté
Ke tu li seies testemoine,
1670 T'ennor deiz guarder sanz essoine; ,
Mes sauve ton ennor guarder
Deiz sun blâme par tôt celer.
Ne refuse le boen consel ^
De tun serf ne de tun feel,
1675 Ne de nului s'il te profite '^
La resun en trovon escrite,
Ke Deus uncore, cum il seut ^,
Espire qui qu'il unkes veut;
Par Seint Esprit fet tost parler
1680 Celui qu'il veut a bien torner.
Por ce que si fet Nostre Sire,
Ne deiz nului bon sen despire,
Ne point ne te deiz merveillier
Se tun serf te set conseillier.
1685 Se Ten te dit de tun ami
K'il t'ai mesdit ou messervi,
Enquerre deiz la vérité,
Einz que tu l'en saches mal gré.
Fiz, ta boche ne crei nïent
1690 De quanqu'user ele a talent,
1. Productus testis, salvo tamen ante pndore,
Quantum que potes, celato crimen amici (Cato, III, 3).
Qui ambulat fraudulcnter, révélât arcana ; qui autem fidelis est
animi, celat amici commissum (/Yoi>., XI, 13). Cf. aussi XX, 19.
2. Utile consilium dominus ne despicc servi :
Nullius sensum, si prodest, tempseris umquam (Cato, III, 10).
3. P, Ne nului sen s'il te profite.
4. Testimonium Domini fidèle, sapientiam praestans parvulis(P.saum.,
XVIII, 8). Uxore infantium et lactentium perfeciste laudem propter
inimicos tuos (//)., VIII, 3). Sed quae stulta sunt mundi, elegit Deus, ut
confundat sapientes, etc. (S. Paul, Epist. ad Corinlh.^ I, i, 27). Cf.
Reg.^ 1, 3.
<.t
— 103 —
Ker ele est amie a ton ventre.
Mes ne porquant quanque i entre
N'est pas santé a receveir,
Ker tost en puez granz maus aveir
1 695 De ce dont la boche a savors ;
Sovent revert a granz dolors.
Fiz, n'aies pas honte d'aprendre *
Aucun bien, quant i puez entendre,
Ker los en a qui bien apr^nt 2,
1700 E honte qui point n'entent.
Ne envïus ne seies pas «^
Ker plus tôt grevé en seras
Ke celui n'iert dont as envie,
Ker l'angouisse n'avra il mie,
1705 Mes tu Tavras e nuit e jor
Aucuer o peine e o dolor.
Fiz, quant vos a Roume sereiz ^,
Selun les Romeins vos vivreiz,
E quant vos resereiz ^ aillurs,
1. Ne pudeat, quae nescieris, te velle doceri :
Scire aliquid laus est, culpa est nil discere velle (Gato, IV, 29).
Ce c'on ne set, puet on aprcndre
Qui i voet pencr et entendre (Ghrestiefi, Perceval, 2055).
2. C, Kar los a ki ke bcn aprent
E blâme a cil qui point natent.
3. Ja n'iert sor ke li envieus
Ne soit dolenz et correseus {Dolopathos, 1498).
Invicîiam nimio cultu vitaro mémento :
Quae si non lacdit tamen hanc sufî re molestum (Gato, IV, 13).
Putredo ossium, invidia iProv.^ XIV, 30). Gt'. aussi v. 2633 et note.
4. M. P. Mcyer {Not. et Extr. des mss.^ XXXIV, 216) a déjà parlé de
cette traduction du distique :
Si fueris Romae, romano vivito more ;
Si fueris alibi, vivito sicut ibi »
Gf. Versus veleres proverbiales leonini dans VEthice velus et
sapiens veterum poelarum latinorum etaliquot recenliorum illuslrium
de Michel Neander.
5. P, resereit; G, serez.
— 104 —
1710 Vos contenez selon lors murs *,
Ke vos asez fere verreiz,
Entor, qui vos conversereiz.
I7I5
1720
1725
Or vos consel, bel fiz ^
Que moût seiez soutil ^
De vostre lei tenir,
(E) preant que de péril
Vos g'uart Deus, e d(e) essil,
Par [le] sun seint plesir.
E la Vir^e Marie
Pri que seit en aïe
De vos bien conseillier;
S'ele sun fîz en prie
Idonk(es) ne porreiz mie ^
En enfer trebuehier.
E que li boen seint Père
Por vos face preiere
A Dou le tôt |)uisssant ^,
K'en aucune manière
Vien^iez en la lumière
Ou seint Polest manant,
Ki reçut la colee ^
Kant il fît la jornee
1. C, Contenez vos solon lors mors
Ke vos a cels fere verez
Entor qls vos converserez.
De co vos conseillez bel fîz.
2. Pliilipes de Thtii'in
At fait une raisun
Pur pruveires g-uarnir
De la lei maintenir (Phil. de Tliaïm, Comput^ 1 et 36 sq.).
3. G, soltiz.
4. G, Idonc ne poras mie.
5. G, A Jesu le pussant.
6. Gf. Acta Apost.^ ch. IX.
1730
J^
— 105 —
Vers Damas la cité.
A li fu bonuree ^,
1735 Kar par ce out entrée
A la crestienté.
Puis la guarda si bien
K'unkes nul crestien
Ne la pout meuz guarder,
1740 Por ce di une rien :
Que le leu ancien
Dovun nos restorer.
A lui est ostrié,
Ilec est atillié '^,
1745 Que de plus n'a talent.
Trestouz avons congié
D'estre ilec arengié.
Se nos si bonement
Volun Jesu servir
1750 E les preceps^ tenir,
Cum il fîst en dreit sei
Ne porron pas fallir
Que n'i puissun venir,
Se nos guardon la^ lei
1755 Ke Deus nos a assise,
Cum Tescrit la devise
Es dis commandemenz.
Se nos en tele guise
Fesun le suen servise,
1760 Ke ne seûn trop lenz,
1. Ce vers manque dans P.
2. G, Ke del liu ancien
Ke devon restorer
A li est ostrié
Ilokes est si haité.
Voy. Notes.
3. u, ses preceps.
4. G, sa lei.
— 106 —
Donc i poiTun entrer*
E a joie régner,
Comme les autres funt,
Ki voudrent bien ovrer
1765 les maus eschiver,
Quant il furent el mund.
Por ce vos lo e pri^
Que n'aiez nul ami
Encontre vostre lei;
1770 Kar, ce sachiez de fi,
Uncor(e) vendra tel di,
Ke chascun en dreit sei
Avra moût grant pour
De(l) boen dreit jugeûr*^,
1775 Qu'il n'ait sa lei guardee,
Cumme Nostre Seignor,
Par sa très grant douçor^,
La nos a commandée.
A chascun semblera-^
1. Si sustinebimus, et conregnabimus (Epist. ad Tim., II, ii, 12).
Il est issi escrit
ke le apustle dist :
« Ki seiung sun poer
pur Dcu vudra sulfrir
c peine od li partir
od li purra régner ».
(Deu le Omnipotent^ 121, Suchier).
2. Nolite ju^um ducere cum iniidelibus {Epist. ad Cor.^ II, vi, 14).
3. C, Del cruel ju^eor.
Cf. Apocalypse, VI, 15-17.
4. C, Par sa seinte dolcor.
5. P, A chascun semblera C, A chescun semblera
Que poi bien fet avra Kil poi ben fet avra
Quant iert la départie Kant ert la départie
Au feu qui ne faudra Cum il devisera
Mes toz jors durera Les bons entornera
Que vos est aprestez. A sa destre partie
E a félons dira
Voy. Notes, Cf. Matt., XXV, 31 sq.
Mes tôt dis dura
Ka vos est aprestez.
— 107 —
1780 Que poi bien fet avra,
Quant iert la départie.
Cum il devisera,
Les bons entornera
A sa destre partie.
1785 E a félons dira
«,
[E vos serez git\ez
Au feu qui ne faudra*
Mes toz jors durera
1790 Que 2 vos est aprestez.
Quer quant j'oi fein e sei
Ne preïstes conrei
De mei rien point secorre 3,
Ne quan je jui en frei
179S * Malade, donc de mei
Veer n'eiistes cure^.
Ne quant je fui sanz dras^
Cum dolerous e las,
N'en feïstes semblant ;
1800 Mes ramponant par guas
Me deï[sjtes : « N'avras
De nos ne tant ne quant ».
Ne quant fui sofretos
D'ostel e besugnos,
1. Discedite a me, maledicli in igncm aeternum, qui paratus est dia-
bolo et angelis ejus (Matt., XXV, 4).
2. Cf. V. 1809 et 1841.
3. G, Kar quant oi feim e sei
Malade' donc de mei
Ver nen ustes cure
Voy. Notes.
Esurivi enim et non dedistis mihi manducare ; sitivi et non dedistis
mihi potum (Matt., XXV, 42).
4. Infîrmus et in carcere, et non visitastis me (Matt., XXV, 43).
5. Nudus, et non cooperuistis me (Matt., XXV, 43).
— 108 —
1805 Nel poi de vos aveir^
Por ce di a estros :
(( Vos covient, doleros,
En icel feu ardeir
Qui vos est apresté
1810 Del tens d'antiquité.
Par désertes Tavrez.
La sereiz tormenté
Por vostre iniquité,
Ker deservi Tavez ». '^
1813 Icil donc respondront ,
De poiir tremblerunt,
Quant il verrunt sa face, -^
E de lui enquerrunt,
E si demanderunt ^ :
1820 « Sire, ou fu celé place
Ke nos tel vos veïmes,
Se nos escondeïmes
De vos, Sire, ennorer? »
Donc dira li Hautimes :
1. llospcs eram, et non collogistis me (Matt., XXV, 43).
2. C, Ne quant fu soffreitos
Dostel e bosoi^nos
Nel poi de vos aver
Por co a estros
Vos covient doleros
Ki fu a vos apreste
Del tens d'antiquitez
En icel feu arder
Kare deservi lavez.
C'est évidemment un mélange de celte strophe et de celle qui pré-
cède.
3. G, Cil donc responderont
Ke de pour trembleront
Kar il veront sa face.
4. Tune respondebunt ci et ipsi diccntes : Domine, quando te ^âdimits
esurientem, etc. (Malt., XXV, 4 4).
— 109 —
1825 « Ice fui je meïmes
Qui vos vinc demander.
Quant por la meie amor
Vos requis(t) le menor ',
Ce fui je veirement.
1830 Doné vos ai - lessor
De fere mei ennor ;
N*en eûstes talent.
Por ce veraie nient
Sereiz en grant iorment '^
1835 Qui jamès ne faudra ».
E puis, mien escient,
Moût humble e doucement
As autres si dira ^
Qui serunt a sa destre ^ :
1840 « Venez au leu celestre
Qui vos est aprestez,
Ker quant je fui terrestre,
Je vos moustrai mun estre ;
Mei feïstes bontez,
1845 Moût bien me saiilates 6,
E ma sei estanchastes,
Quant je vos demandei.
E mei revisitastes,
E si me herbergastes,
1850 Quant esguaré alai.
1. Si erg^o neque quod minimum est potestis, quid de caeteris solliciti
estis? (Luc, XII, 26).
2. Voy. Notes.
3. G, ^^ref torment.
4. G, As al très redira.
5. Venite, benedicti Patris mei; possidete paratum vobisregnum, etc.
(Matt.,XXV, 34).
6. Gf. Matt., XXV, 35.
— 110 —
E quant sanz dras esteie *
E je vos requereie,
Vos le me donïez;
De vos le receveie ^
1855 E si m'en revesteie,
Xel obli, ce sachez ».
Quant il avra ce dit
Respondrunt li eslit :
« Sire, quant fustes tel ^,
1860 Cum or avez descrit,
Ke nos, {^rant ou petit,
Vos veïssun mortel ^ ? »
Donc dira li Criere,
Cum dreturer jugere :
1865 (( Quant tôt le mendre fist ^
En mun num sa prière,
A vos en tel manière
Ce fu je, Jesu Crist.
Par ço, bon[e]ùrez,
1870 Od rnei [vos] en vendrez^
En joie e en leece.
La vos conversereiz
Toz tons o mes privez
Sanz peine e sans tristece.
1875 Celui qui dira si,
1. Cf. Matt., XXV, 36.
2. C, De vos les retenoie.
3. Cf. Malt., XXV, 37.
4. C, Vcimes mortel.
5. C, Quant le povre fist.
Quaindiii lecistis uni et bis fratribus mois minimis, mihi fecistis
(Matt., XXV, 40).
6. P, Por ce vivreiz o mei
E ireiz sanz effrei.
— m —
La ou serunt parti
Les maus des dreituriers ^,
Nos guart par sa merci,
_ Que ja li ennemi
1880 Ne nos face encombriers^.
Kar il unkes ne fine
De mettre a sa doctrine
Trestouz par encombrer.
Por ce pri la reïne
1885 Qui est nostre mecine 3,
De noz plaies saner ;
K'el ^ nos seit en aïe
Gum veraie amie,
Vers Deu omnipotent,
1890 Ke, quant iert départie
Icele conpaignie
Par devin jugement,
Ke au destre costé
Se lin ^ nos ajusté
1895 De nostre creator;
Eûns en Terité,
Ou a si grant plenté
De joie e de douçur,
Ke cuer ne puet penser ^
1 900 Ne boche anumbrer
1 . C, dreiturels :
2. C, encombrels.
3. G, Kest nostre mescine.
4. C, Kele.
^. G, Seiom ajoste.
6. G, Ke nul ne poet penser*
Quod oculus non vidit, nec auris audivit, nec in cor hominis ascendit,
quae praeparavit Deus iis qui diligunt illum {Ep. ad Cor.^ I, II, 9). Gf.
aussi Qs., LXIV, 4, et v. 2868-2869.
— 112 —
Pas ' la centième part.
Deus nos doint si ovrer
Ke la puisuns entrer
Par sun seintime esguart.
1905 Douce langue o sa molesce ^
Sovent sormunte grant durece.
Ou fierté n'orguil n'a mestier,
Douce langue puet bien aidier
E sun plesir bien achever.
1910 jPor ce deiz doucement parler
' ^ A trestoz au commencement "^
Por saveir tôt priveement,
Ker par douçor porras conquerra
De ceus qui vers tei movent guère.
1915 Se par ce ne puez eploitier,
Tost vendras au mal commencier ^.
Meuz vaut apert chastiement ^
D'ami k(e) amer celeement,
Ker qui sun ami ne chastie,
1920 Quant il le veit fere folie,
Ne li est mie ami parfit,
Quant il li celle sun profit.
Fiz, cil a qui ton tort profite^
E il en ce moût se delete,
1925 Bien puet saveir ou tost ou tart
L'en vendra mal d'aucune part.
S'il ne l'a ci présentement ^,
1. G, Vcis.
2. Hesponsio mollis IVangit irani : soi'mo durus suscitât furorem
(Proi\, XXV, 15).
3. C, A tresto/ comunenuMit.
4. Voy. Notes.
5. Cf. V. 19Ô5 sq.
6. G, Fiz ki a ton tort profite.
7. Et cuncta quae liunt, adducet Deus in judicium pro omni errato,
sive bonum, sive malum illud sit [Eccles.^ XII, 14). Gf. aussi Prot?.,
XXIV, et V. 105 et note.
— 113 —
N'en faudra pas au jugement,
La ou chascun jugié sera
1930 Selun ce que cifet avra.
E a chascun iert la rendu ^,
Si cumme ci s'est contenu,
Sun louier selun sa déserte ;
Geste parole est tote aperte.
1935 Bel fiz, por tun amendement,
(K')a bien fere ne seieslent.
Mes fez toz dis le tuen poeir ^
E lesses le mal remane[i]r ^,
Dont porras tu très tôt fornir,
1940 Se ces preceps veus maintenir.
Les autres que devun guarder ^ ;
Par ces deus les puez confermer.
Fiz, boen ami vaut tote rien^ ;
Se (tu) le troves guarde le bien,
1945 Quer meintle set bien porchacier
E puis por petit relessier ^,
Donc il est sol cum il ainz fu
Quant il sun ami a perdu,
E meuz li fust, ce m'est avis,
1950 Qu'il ne l'eûst unkes conquis;
1. G renverse Tordre de ces deux vers :
Si cum ici s'est contenuz
A chescun iert la renduz.
2. Divertc a malo, fac bonum (Psaum., XXXIII, 15). Quiescite agere
perverse, discite benefacere (Isaiae, I, 16-17). Cf. v. 2852.
3. P, Le mal lessier tôt esteier.
G, Mes fai le a tôt le ton poer
E lessez le mal rcmaner.
4. G, L'aime que devez garder
Par ces .II. le poez salver.
5. Gf. V. 1085, 1204, 2712 sq.
E por ce que nule richesce
A valor d'ami ne s'adresce (Rom. de la Rose^ 4959).
6. Gf. V. 903 sq.
— 114 -
Donkes il a ennemistié
De lui a sun oes porchacié.
Mes tun ami deiz bien tenir
E sa doctrine mput sofrir *,
1935 Ker meuz valent, ice sachiez 2^
E plus prisent les ensengniez.
Les plaies del parfet ami
Ke les besiers de Tennemi.
Fiz, ne seiez pas orguellos,
1960 Ne de gentillece estrivos,
Ker tel est qui gentil se tient
Qui moût set poi dont ele vient,
La gentillece, ne de quei,
Dont il a grant orguel en sei.
1965 Ki est celui qui ce direit •"',
Dont gentille[ce] aus u(e)ns vendreit ^
Plus qu'as autres, par quel reson?
Ore m'en di veire achesun,
Quant de Deus sunt trestoz estraiz ^,
1970 Granz e petis e ])eaus e laiz ^\
(Comment avint donc la franchise
As (s)u(e)ns, e qui lor a tramise^,
Si que les autres point nen unt,
Qui del lignage venu sunt?
1973 Ore escoutez, que vos dirai ^:
1. Cf. V. 2701.
2. Melioi'a sunt vulnera dilijj;entis, quam fraudulenta oscula odientis
[Prov., XXVII, 5). Cr. V. 1911 sq.
3. P, qui ne, et au-dessus : ce; C, ico ki ne direit.
4. P, au suens vendreit; C, a sons.
5. P, venuz.
6. P, Prouz.
G, Or men di verai enchaison
Kar de Deu et toz estraiz
Granz e petiz e bels e laiz.
7. P, as suens.
G, As uns ki la lor a tramise.
Ke les altres un point nen ont.
8. G, Or escotez, jol vos dirai.
— 115 —
Mien escient garant en ai,
Deus a a tote gent doné
Délivre esguart e destiné,
Qu'il sevent que est mal e bien,
1 980 E poT ce vos di une rien
Ke de cuer vient la gentillece ',
Ice sachez, e la proece.
Plus que de ceus dont est venu '*.
Ker meint prodome avez ^ veù
1985 Ki engendra moût malveis liz,
E dont les suens furent honniz,
E qui perdi par mauvestié
Ce que sun père out porchacié ^
En chatel e en heiitage,
1990 Dont toz les suens orent deniage.
E tel que l'en malveis teneit ^,
Par ce que bien le deserveit,
A engendré itel enfant
Ki puis devint preuz e vaillant,
1995 E qui parce k'il sol conquist
E sei e les suens avant mist.
Li preuz conquiert[t] par sa proece,
1. Pcr qu'es tôt, qui que plazo o tire,
En noble cor, qui'n vol ver dire,
Lo be[sj que om fai tota via,
De qualque gen que mogutz sia.
(Sorel, Énsenhamen d'onoi\ 631).
Li nous ne fait pas la procsse.
Mais li cuers et la gentillesse
(Hob. de Blois, ^eaudous, Introd., V, 43-44).
2. C, Plus est de cels dont il est venu.
3. C, avon veu.
4. Honte peut avoir qui désert
Que l'ireté son père pert,
Et qui par malvaisté jçuerpist
Ce que ses père li conquist (Wace, Brut^ 1892).
5. C, E itel ke l'en a malveis teneit.
— H6 —
Li malveis pert par sa lachece.
Par ce poez très bien saveir
2000 E veirement aporceveir
Ke de cuer vient la ^rant franchise *,
Ki bien se prove en meinte guise.
Quant le cuer n'a talent de faire
Nul mal, donc est il debonaire ;
2005 E quant il debeneire est,
A bien fere est toz dis prest ;
Et quant il fet bien volentiers,
Donc est il bons e dreituriers ;
E quant tel est, Dou par sa grâce
2010 Moût bonement vers sei Tembrace,
E ses biens fez li monteplie,
Vj doucement a l)ien le guie.
Par ses biens fez a donc prové
Ou'il deit gentil estre apelé,
2013 Mes qu'il fust (iz a un vilein
Qui alast demandant sun pain,
E les eirs qui de lui nestront,
Gentiz apelé esserunt^
Issi vint primes la franchise,
2020 Ce sachiez, tôt en tele guise ♦^,
Ke les uns furent apelez
Franc e gentil par lor boutez ;
E les autres qui teus n'estoient
Teus nous pas aveir ne deveient ^,
1. C, Ke ciel (jiior nest la ^^^nteinsc.
2. C, E les heirs ki de li istront (ce qui paraît être pris du v. 2033,
qui est le même dans G).
Por voir fiz a gentil seront.
3. C, en itel ^uise.
4. C, Ces nous aveir pas ne deveient
Kar il a quor de pute orine
Ki onques de mal penser ne fine
E puis a primes les volt porpenser.
- 117 —
2025 Kar qui cuer a de pute orine,
Unkes de mal penser ne fine ;
Tôt primes le veut porpenser
E puis 'après en veut parler;
Après le parler vient le fet,
2030 Qui toz dis mes li iert retret ^
Qu'il sera apelé felun.
Mes que il fust fiz d'un barun,
E les eirs qui de lui istrunt
Après lui le non recevrunt,
2033 K'il serunt félons apelez
Por le fel quis a engendrez - ;
Kar sovent traient au lignage
En fait, en dit e en corage.
Se aucun en ert forslignié ^
2040 Par gentil qui Ta forsveié
Par semplece e douce doctrine,
Qui Ta forsgeté de s'orine,
Moût li est fort a atenir
Ke lui n'estouce revertir
2045 A Testrace dont est venuz ;
Kil fait, a lui est grant vertuz.
Ker ce noz monstre Tescriture ^ :
Ke noz détermine (la) Nature,
Que li hom puet bien a son aive,
2050 Vaire encor avant, (a) son tresaive ^
1. G, Par ki tôt dis li ert retret
2. G, Por le fel ki les a engendrez.
3. G, E si alcuns est forsline
Par jiçenterise kil a forvee
Par son ensample e dolce doctrine
Ki l'a fors partie de la orine
Molt li est fort abstiner
K'a li n'estuce revertir.
4. Voy. Notes.
5. P, Ki nos détermine la nature G, Ke nos détermine par nature
Que li hom puet bien faire aive Ke li hom poet ben a son aive
Vaire encor avant a son traive Vert oncore a son tresaive.
— HS —
Bien resembler, ce vus devise,
Mes ne porquant boene justisse *
I vaut, e boene norreture,
A partir le de sa nature '-'.
2035 Por ce se deit ehaseun pener,
Gum il se puisse sormunter ^
En bien e nient mie en folie '*,
E Deus li trame tra s'aïe.
E qui a talent de mal fere,
2060 Mal moût tost a [ce] lui repère
Ki une ne fine d'enticier
Del mal fere e del bien lessier.
Por mal fere furent sevrez ^
Les uns des autres e hostez,
2063 Si lor furent a sis les *^ nons,
Qu'il furent apelé félons.
Issi avint premièrement
E fet uncore asez sovent,
Nature l'orne priicve
Autel couie en le truevc,
Ne Ja pour nourreture
Li cuers fel et vilains
Ne au plus ne au mains
Ne lairoit sa nature.
Ja de buisot ne ferez esprevier
Ce dit le vilains {Prov. au Vilain^ il).
Mieuz vaut nature que nourreture (/i)., 262).
1. Doctrina sed vim promovet insitam
Hectique cultus pectora roborant :
Utcunique defecere mores,
Indecorant bene nata culpac.
(Horace, Od., IV, iv, 33).
Maie pasture fet maie berbit
{Alffranz. Sprichwôrler^ 21G, dans Zeitschrifl fur deutsches Alter-
thum.Xl, 139 .
Nourriture passe nature (Dïjrinsgfeld, Sprichwôrter^ I, 546).
2. Voy. Notes.
3. C, Cum il la puisse sormonter.
4. C omet mie.
5. P, Por mal fere furent desevrez.
6. G, lor nons.
. j
~ 119 —
Ke les uns tôt en itel guise ^
2070 Par lor fez perdent lor franchise,
E les autres par lor bontez
Conquièrent qu'il sunt ennorez.
Un essample vos en dirai ^
Por mètre vos en boen essai :
2075 Brutus conquist par sa valor
Ke d'Engleterre fu seignor,
E Argal par sa malvestié
Fist tant qu'il en fu essilié.
Qui veut saveir la vérité
2080 Por quei Argal fu en jeté,
Lèse l'estoire de [s] Bretons;
La puet trover les achesons.
Bel liz, très bien oï avez
Porquei les uns^ furent nommez
2083 Franc e gentil, dit vos avun ^,
E des autres par quel reisun,
Cum perdirent par felonnie ^,
Ke il orent trop acuillie,
La franchise qu'aveir deveient,
2090 E que feluns nummez esteient.
Je vos ai une gent laissié ^
Don je ne vos ai riens touchié
Ke [par] les malvestiez qu'il firent
Tote lor franchise perdirent;
2095 Kar il par furent si avers
1. P, tel». — Voy. Notes.
2. Cf. Wace, Brut^ v. 3537 sq. L'auteur aurait pu trouver l'histoire
dansGeolTroi de Monmouth, mais il paraît bien probable qu'il connais-
sait Wace. Cf. les autres citations du Brul et de Rou^ notes aux v. 154,
1026, 1365, 1441, 1988.
3. C, les uns; P, les nons.
4. G, Francs e gentilz par quel reison.
E des altres dit vos avon.
5. P, perdirent la felonnie
6. G, Oncore ai un poi lesse.
— 120 —
E pereçous e si vuittérs ^,
K'il perdirent par lor laehece
Lur franchise e lor gentillece,
E par ice furent jadis
2100 Les uns desus les autre[sj mis
E tenuz en subjectïum,
Ce sachiez, par ceste achesun.
Uncore, au mien escient,
Est tenu cel ordenement,
2105 Ker qui est lâche e pereçus -
E de Sun preu non curieus,
Moût tost sereit au desouz mis,
Si comme il furent jadis.
Bel iiz, por ce t'ai aconté ^
2110 Des treis pueples la vérité,
Ker je vuil que tu t'en amendes
E qu'a bien fere moût entendes,
E que ne deviennes falli
Por fiance de nul ami.
2115 Kar des amis te vuil mostrer
Il sunt semblables a la mer ^.
Or m'escoutez, cum feitement
Dirai le vos mien escient :
La mer munte delivrement
2120 E puis revient haslivement,
En tel manière se contient :
Sovent monte e sovent revient.
1. G, motiers.
Maint haut home par lor perece
Perdent grant los que il porroient
Avoir, se par le monde erroient
(Chrestien, Cligès^ 154).
^2. Cf. V. 677-678 et 2813-281i.
3. C, t'ai conte. — Voy. Notes.
4. C'est l'amor qui vient de fortune,
Qui s'esclipse comme la lune...
[Rom. de la Rose, 4799). Cf. aussi v. 1029 sq., 4799 et note.
%
- -■•-■1 ■ /\
~ 121 —
Tôt ensenient, ce m'est avis,
l'aveir creissent les amis.
2123 Quant home si a ^raiit aveir ',
Amis e parenz puet aveir,
E quant H aveir va fail'ant^
Les amis irunt eslongnant,
E quant il iert del lot failli,
2130 Les amis serunt autresi,
S'aucun n'est qui par dreite fei
L'eint; mes poi, si comme je crei,
Puet l'en ore de teus ti-over,
Ki sanz aveir veugent amer ^.
2135 Quant H hum est si apovri,
Donc n"a il parent ne ami *
Kil vuillent seulement veir
Ne compaignie o lui aveir.
Ke vos fereie plus long conte?
2140 Se sun aveir puis li remunte
Les amis tost li revendront
E qui por l'aveir l'amerunt.
Ja n'ait home si grant saveir,
E il seit soufretofi d'aveir
2145 Ne de si noble gens venu,
Ke por fol ne seit il tenu ;
Ne ja ne seit si mal musart.
S'il a grant aveir a sa part,
Ne de si merde gent n'iert né,
2150 Kil ne seit tenu por séné.
1. C, Dcske li home o gvanl uvoi-.
2. At valgus infidiiiii et mcrctHi rctro
Pcrjura ccdit, dilTugiunt, cHdi»
Guni faecc Hîcentis, omici
Ferre ju^runi pariter dolosi
(Hoi-ace, Od., I,
3. C, voilli; altrc nmcr.
i, Fratrcs hominis paupfris odci-iint eum ; in<iu|)cr
ninis paupfris <
io(Pi-Of„X[X, .
— 122 —
Haï! bel liz, quele dolor,
Qusftit en cest siècle n'a douçur^
Ke manantise a abatue
(ientillece e del tôt veincue,
2155 Si quele se vet tapissant !
Eneor n'ose venir avant,
Ker Tun Tempeint e bote ariere
E liert de molt laide manière '^.
Mes mauvestié est Avilcommee,
2160 Avant vet, tôt teste levée;
Ne trouve nul qui la desdie '•^
Qu'elle face sens ou folie.
Uncore i a autre greva née
Dont j'en ai ^ au cuer grant pesanee,
2165 Ke le ^ plus trehent la cordele
Qui n'est pas bone ne leele ^\
Celé cordele est tricherie,
Ker plusors l'unt si acoillie "
Ke l'un fet a l'autre semblant
2170 Que il est moût sun bien vuillant,
E si pense en sun corage
K'il vousist qu'eûst grand demage,
E s'il puet, si l'engingnera
Ke il en demage charra.
2175 Obi! cum faite felunnie
Est par le siècle establie !
Kar tôt le ^ plus, si cum je crei,
1. C, Est avenue huy cest jor.
2. P, E fiert l'en de laide manière.
3. G, Ne trove qui de ren la dédie
Kci k'ele face sen ou folie.
4. C, Dont ai al quor.
5. C, les plus. Cr. V. 2177 et Voy. Notes.
6. C, bone ne bêle.
7. C, Ke toz en asise ont acoillie.
8. C, li plus.
— 123 —
Sont entrez en iceste lei *
Ke je vos ai aukes descrite ;
2180 La beauté est moût petite
Qui par le siècle est meintenue,
Ker tel est qui Fautre salue
Qui li voudreit aveir saké
Le cuer del ventre e puis mengé.
2185 Mes celui qui tôt ot e veit^
Quanque l'en fet, e tort e dreit,
De ceus griement se vengera,
Ker en tel leu les getera
Ou il n'a rien fors pullenlie.
2190 Toz dis serunt en itel vie
Ke celui qui meins i avra -^
De mal, endreit sei cuidera
Ke nus n'ait greignor mal de lui.
Ilec avrunt si grant ennui
2195 Ke nul hom n'en '* porreit dejîcrivre
La disme partie, ne dire ^.
•Bel fiz, de li guarder te deiz ^,
Ker se tu i chiez une feiz,
James, certes, ne resordras,
2200 Mes cum dolerous è cum las ^
T'estovra ilec demorer.
1. P, Sunt ore de iccstc Ici.
2. Qui omni loco ociili Domini contemplantur bonos et malos (Proi\,
XV, 3).
3. C, Ke celi ki tôt meins avra.
4. Voy. Notes.
5. Deus, quels dous manapres!
Nuls hueni n'est tant sages
en iceste vie,
que en sun edé
oust aconté
la disme partie {Grant mal fist Atan^ 96).
6. P de leu; G, de li g-arder t'en deis.
7. C, Mes come doleros e las.
— 124 —
Por ce te lo issi ovrer ^
En cest siècle tant cum tu vis 2,
Ke t'ame puisse en pareïs
2205 Entrer, quant del cors partira.
Boer ^ fut nez cil qui la vendra,
Ker la joie est i!ec si grande,
Qui meins i a plus ne demande ^,
Ker a chascun soufest '^ asez
2210 La sue part, rien n'en dotez.
Deus nos doint [i]tel ouvre fere
K 'entrer puissun en cel repère
E celé compaig'nie oïr*^
Ou chacun se puet esjoïr.
2215 Fiz, de ta viande doner ^
Ne seiez eschars ne aver,-
Car se tu trop ferm la retiens
Au [s] privez e as alïens,
Queus autre[s] bontez que tu as,
2220 Se tu de donner te feindras,
Per sol itant trestot perdras
Le los que d'autre part avras.
Mes donc lei a tun poeir,
Par ce porras grant los aveir,
2225 Ker la viande, ce sachiez,
1. G, Por co te lo si aovrer.
2. G, tant cum es vis.
3. P, bocn.
4. Voy. Notes.
5. G, solîîst.
6. G, Ke celé compaip^nie a oire
Ou chescun est si plein de gloire
7. Qui m'eime ma bouche le set ( Altfranz. Sprichwôrter^ 137).
An quel leu porroit Tan trovei'
Home, tant soit poissanz ne riches,
Ne soit blasmez, se il est chiches ?
(Ghrestien, Cligès, 196.)
— 125 —
Est alïance d'amistiez ^.
Quant li uns o l'autre menjue,
De mellor cuer le resalue,
Quant il Fenconterra demain,
2230 S'il n'est trop fel ou trop vilain.
Fiz, se vos jouez d'aucun geu,
Je te commant que tu nel seu ^
Qu'il ennuit a tun compaignun,
Ker tost en puet sordre tençon
2235 E par la tençun tost tel fe(s)t,
Qui moût iert perilous e let.
Mes quant H jeu est tôt meillor,
Donc deit l'en partir par ennor.
Ice si est enseignement,
2240 E sages est qui bien l'entent.
Chier fiz, icest consel te di :
Tu deiz amer chascun issi ^
Cum tu entenz qu'il aime tei ;
Tôt ensement l'amez de fei,
2245 E si cum de lui as mestier
Ennore le e sil tien chier.
Il t'estuet a maint fere ennor '*
Por tun preu plus que por amor
Que il ait vers tei desservie ;
2250 Icest consel unkes n'oblie ^.
1. Ce vers manque dans P.
Qui poroit ce de prince croire,
Cil n'oïst ou veïst la voire,
Q'au mangier iont clore lor huis?
(Rob. de Blois, Beaudous^ 125).
2. C, Fiz, si tu gieues d'acun ^ieu
Ico te comand que tu nel fiu (ou siu?). — Voy. Notes.
3. Omnia er^o quaecunique vultis ut faciant vobis homine, et vos
facite illis (Matt., VII, ]2). Quod ab alio oderis fieri tibi, vide ne tu ali-
quando alteri facias (Tobie, IV, 16).
4. Cf. V. 470, 1163 sq. ; 2318 et 2660 sq.
5. C, Itel consail nen obliez mie.
— 126 —
Fiz, escoute que te vuil dire :
Tu deiz un boeii prodome eslire,
E quant tu Tavras bien eslit,
Ce te cornant por tun profit,
2253 E[n] quancjue * tu voudras ovrer,
En dit, en fet, si deiz penser
De fere le[i] -^ en tel manière
Gum s'ilfust sor tei ton jugiere,
E devant tei toz dis estasce -^
2260 E te eso^uart en mi la face
Por jug'ier en (|\janq[ue] il verreit ^
Dont il reprendre te porreit.
Se tu le fez si cum je di
Meins niosferas, saches de {\.
2263 Fiz, uncore dire te vuil,
Por tei g^uarnir cum fere suil,
Ke deus choses misent griement
A sei consellier sagement :
L'une est liaste * e l'autre est ire ^'.
2270 A tun conseil les deiz despire
E oster les en loincz de tei;
Ce te conseil par (h^eite fei,
Ker s'il sunt au conseil o vos.
Il le ferunt tost perilos.
2273 Fiz, nunsavant quant est iriez
Ne deit pas estre agaciez ',
1. P, E quant tu en voudras ovrer.
2. C, De fere le. — Voy. Inlrod., p. 21.
3. C, K devant tei cstut tôt dis
E tei es^^ardast en mi le vis.
4. C, Por ju^er (juanqu'il oreit
Dont il tei reprendre poreit.
5. Quae viderunt oculi tui, ne proferas injur^io cito (Proi'.,XXV, 8).
6. Ne sis velox ad irascenduni ; quia ira in sinu stulti rcquiescit
(Eccles., VII, 10)
Irons n'a conseil {Prov. au Vituin, 137).
7. Noli arguere derisorem, ne oderit te {Prov., IX, 8). — Cf. v. 1283.
— 127 —
Ker tant cum il est en grant ire,
Qui donc H commence a mesdire,
Bien tost puet de lui esmoveir
2280 Dont 11 se puet operceveir
Qu'il fist que fous del tarïer ',
E qu'il en pes ne! vout lessier,
Fiz, ne faire unkes a felun
De maie chose mencïun,
2285 Kar par sei sol puet il aprendre
l.c mal qu'as autres veut despendre,
Mes a trestot le tueii poeir
En bien le deiz escomnioveîr ^.
Fiz, a cesl conseil deiz iterdre,
2290 Ke meutes choses sunl a perdre
Por une feiz bien enpleier,
Tôt ensenient cum de l'archier
Ki tret por nient moût souvent ■"
Ainz ^ que il fierge a sun talent.
2295 (}uant a esmé ou bas ou haut,
Ou meuz quide ferir si faut ^,
E la ou quide bien fallir
Si fiert moût bien par grant aïr^.
Sachiez que trestot auLresi
2300 Cum del archer que t'ai moti ^,
Faut hom rnout tost a sun espeir
De sun servise preu aveir,
1. <;, fiilarier.
2. C, Si dois le bon niiicnlivcr
puis lieux vers qui ne Bc troui'cnt pas dans 1' :
Por assaier a trcstornci-
Del mat ou il es nie atcscr,
3. C, Ki ti-ait por ncnL assez sovfnt.
i. C, Ancois.
5. El leuscuide prendre qui faut (Ghrestien,£rec et Jînide, 2913),
Cf. aussi les pifivei-bes sur la desfinée, et Kadlcr, Spricitw'irler and
Senlensea lier nllfrnn::. Arlutrûittane, p. 5K.
6. Vov. Notes.
1. P, iCsL U'arclicrie que t'ai moti.
- 128 —
E la ou Tome est en dotance
Avient sovent * que moût s'avance.
2303 Per sol itant creire poez,
Si bien entendre le volez,
Ke si cum larchier met sa cure
De sun mestier en aventure-,
Si deit hom mètre sun servise,
2310 Sovent menu, e sanz feintise ^,
S e aveir en veut boen guerredon.
Oiez avant ceste leçon :
Pur une feiz bien asener
Deit l'en en arc moût laborer*,
2313 Ker nul ne puet en commençai
Saveir la fin de sun travail ^,
Quel chose l'en deit avenir;
Por ce deit hom plusors servir 6,
E faire volentiers eiinors,
2320 E doner del tuen a plusors.
Ja par ice rien ne perdras,
Ce te di, einz ^ua aligneras,
Ker un prodome tôt rendra
Por la bonté qu'en toi verra,
2323 Quanqu'au mauvais as tôt perdu ^,
1. C, Avient issir
2. Voy. Notes.
3. C, Sr)vent menu sanz fiûntise.
Si salver en vols ton f,'erdon.
P, Sovent tret larchier sanz feintise.
i. C, Deit l'en en dart molt laborer,
5. Non inveniat lionio opiis qu(»d f»peratus est Deus ab initio usque
ad fineni Eccles.^ III, 11).
f). Por voir vous di, çou est la sonie,
M<»ult doit on bien servir preudome
Et faire honor a mainte jrent
Luns le retient, l'autres le rent.
{Blancandin et V Or (jueilleuse d'Amour, 3092, Michelant). Cf. v. 470 sq.
7. C, Kank'en ambedous avras perdus
Sovent est issi avenu
— 129 —
Il est souvent si avenu.
Fiz, se tu sez contes conter *
Ou chansons de geste chanter 2^
Ne te 3 lesse pas trop proier ;
2330 Quar se tu fesoies dangier,
Li requérant te blam croient
Et le plus tart ^ por toi feroient.
Mes quant il lor iert a talent,
Di lor ou chante bonement,
2335 E por ice miuz t'amerunt
E le ^ plus tost por toi ferunt.
Quar maint si se fet mult proier ^
Ainz qu'il voille(nt) ^ rien commencier,
E quant a fait son conmençail,
2340 Donc ne set fere son finail
Ainz qu'il les a touz ennuiez.
Donc a il conquis, ce sachiez,
Por tôt son travail maudahez
»•
Par trop dire e tart conmencier,
2345 E que trestoz Font de meins chier ^.
Por ce deiz chanter a délit.
1. Depuis ce vers jusqu'au- v. 2426 le ms P a une écriture différente;
Torthographe montre aussi que cette partie a été copiée par un autre
scribe. M. P. Meyer, Not. et Extr., XXXIV, p. 217, a imprimé les v.
2321-2336 d'après C.
Omnibus hoc vitium est cantoribus, inter amicos
Ut nunquam inducant an-imum cantare rogati,
Injussi nunquam désistant... (Horace, Sat., I, m, 1).
Biaus chanters enuie {Prov. au Vilain^ 189, et Altfranz. Sprichwôrter^
29).
2. Après 2328, C a deux vers qui ne se retrouvent pas dans P : •
Ou rotroenge ou sonez
Ou dire respiz petitez.
3. C, ten lesse pas trop proier.
4. G, de plus tard. — Voy. Notes.
5. G, de plus tost.
6. P, se font; G, Kar veez cum meint se fet prier.
7. G, voile. — Voy. Notes.
8. P, E a toz les mindres est chier.
9
— 130 —
Escoutez ', oez un respit
Que li vilain dist por garnir
Plusors, le doiz bien retenir : -
2350 Cil qui fait sanz atrempement **
Travail, sanz gré en a souvent.
Fiz, encore te conterai
D'une quointise ^ que je sai,
Conment tu poeras esprover
2355 Si lor plaist de tei escouter :
Repose ^ toi au meillor pas,
Si lor lesse dire lor gas,
Quar quant il tuit gabé avront,
Saches qu'il t'amonesterunt
2360 De dire, quant '^ si lor agrée;
Ou se ce non, ta reposée
Seit ilec, que tu plus n'en dies ';
Par tant voil que tu te chasties.
Fiz, se tu es cointe e sage^,
2365 Esgarder doiz en ton courage
Que por ce sorquidez ne soies,
Ne par orgueil ne te desroies,
Ne trop afie[s] a ton savoir,
Quar ne puez pas toz décevoir
2370 Les autres qui sages seront,
Qui contregaitier se savront ^^.
1. G, As escoltanz.
2. G, Plusors si le deis ben retenir.
3. G, atemprement.
4. G, D'une quointise que je sai, P, Dune chose que je sai.
5. G, Ke pose.
6. G, De dire avant.
7. G, Seit iloc que nent plus n'en dies.
8. G, cointes.
Gum tibi contig-erit studio cog-noscere multa,
Fac discas multa et vita nescire doceri {Gato, II, 48).
9. G a ici deux vers de plus :
Mes membre tei d'un reprovier
Ke jo le voil ore enseigner.
- 131 —
Se li cointes set clou fichier,
Li veziez set bien repleier.
Fiz, se tu es de grant poeir ^,
2375 Donc te contien par grant savoir,
E que tu par ta poesté
Ne mespraignes par volenté,
Quar je ne te quier celer mie
De soz force tapis t folie.
2380 Qui mult en haste saut e ovre,
Des ce que force la desc^uvre ;
Que ja del liu ne se mouvroit,
Se force ne la mainteneit.
Fiz, qui prodome estre voudra,
2385 Sanz travaillier pas nel sera.
Qui a honor veut tressaillir,
Contre ese Testuet efforcir
De tel chose faire souvent
Qui mult le grieve durement.
2390 Mes qui mauves veut devenir '^,
Sanz travail i puet avenir ^,
Quar onc por devenir failli
Nul home travail ne soufri,
1. Se vous estes vaillanz et de haute puissance
Onkes por ce n'aiez les puvres en viltance
{Doctrinal le Sauvage, 157, Jubinal, Nonv. Uec.^ II, 150).
Cf. V. 315 sq., et note, v. 2774-2775.
2. C, Mes ki merde volt devenir.
3. Ecce enim in iniquitatibus conceptus sum ; et in peccatis concepit
me mater mea (Psaum., L, 7).
Intrate per au^ustani portam ; quia lata porta et spaliosa via est,
quae ducit ad perditionem ; et multi sunt qui intrant per eam (Matt.,
VII, 13).
Facilis descensus Averni est ;
Noctes atque dies patet atri janua Ditis :
Sed revocare gradum, superasque evadere ad auras.
Hoc opus, hic labor est
(Virgile, Enéide, v. 126 sq.).
Je ne rej^arde point ces vers comme un souvenir de ceux de Virgile.
- - 132 —
N'oncor(e) ne fait, ce m'est avis,
2395 Quar ja n'ait home tant d'amis
Que toz li peiissent tolir *
Qu'il sol ne se puisse honnir.
Fiz, ne lesse tes gaigneries *,
Ne ton bois, ne tes praeries
2400 Que tu nés ^ regardes souvent ;
Preu i avras, mien escient,
Quar qui regarde son désert.
S'il n'i gaaigne, ri^n ni pert.
Fiz, n'aies de barate suig,
2405 Se tu nel fez par ton besoig ;
Quar cil qui souvent muet barate ^,
Plus souvent fet dont il se grate
La ou il point ne se menjue.
Par sa foie desconvenue ^,
2410 Que cil ne fait qui pais désire.
Pièce a que nos oïmes dire :
« Qui pes peut avoir e ne veut,
('/est a bon droit se il se deut ».
Fiz, ne soiez pas tricheor,
2 il 5 Ne médisant, n'enciiseor,
Quar cez mestiers ont tel nature
Que cil qui plus i met sa cure
Plus i foloie e plus i pert ^\
Que d'une rien puet estre cert
1. C K'els toz li pussent lolir.
2. C, jrainerics.
3. P, ne regardes.
Pccora libi sunt? attende illis {Ecclésiastique, VII, 24).
i. C, Kar cil (jui plus sovent barate
Plus sovent fet k'il se ^rate
La ou point ne li niangi'ie.
.'). P, folie desconneue.
f). C, Plus e ])lus i foleie e pert
Kar d'une ren puet estre cert.
— 133 —
2420 Que, quant il avra tôt conquis,
Que toz le harunt el * païs
Ou il maindra, e vil Tavront 2.
Sachiez que cil le gaberont
A qui il souleit encusep
2425 Ses vei(n)sins por sei fere amer.
Quant le verrunt fere (bel) semblant
A Tome a qui il est nuisant,
Bel e joins e enveisié,
Gumme si ^ fust par amistié,
2430 Cez en lor cuer vil le tendrunt,
Ne jamès ne se fierunt ^
En lui, por rien qu'il sache dire,
Quant por nïent son pr ojisme empire.
Un semblant d'amor li ferunt,
2433 Mes ja de meuz ne Tamerunt,
Einz le harrunt a la parfîn
Asez plus que tuit si veisin.
Moût a ici malveis mestier.
Qui plus l'aime, meins sera chier.
2440 Fiz, quant entre estranges (genz) sereiz,
Pesiblement vos contendreiz -^ ;
Ne gabez pas vileinement.
Ne ne riez soudeinement.
Se vos lacheson ne mostrez
2445 Por quei itel ris fet avez.
1. G, del pais.
Si famam servare cupis, dum vivis, honestam,
Fac fii{^ias animo, quac siint mala, gaudia vitae (Gato, IV, 17).
2. G, Ou il meindra ou il lorront.
3. P, ci ; G, Gum si co fust.
4. G, E ja plus en li s'afierunt
Por nule ren k'il sache dire
Kar un por nent son prosme avile.
5. G, Fiz, quant entre estranges serez
Paisiblement vos contenez.
Voy. Notes.
— 134 —
Ker autrement le tornerunt
A vilanie qu(i) ' oï Tunt,
E si te tendrunt por bricun,
Quant il ne savnint Tachesun.
2450 Fiz, qui par raim de glotonie -
Menjue ou le seignor nel prie,
Por quei qu'il le truisse a meisun,
Ice lui fet grant mesprisun ''\
Quant il por une saoulée
2455 Désert vilaine renummee ;
Por quei nel ^ devreit hom blâmer,
Quant (il) sa hunte ne veut guarder?
Je ne di pas d'un home errant,
Quant besoig le va destreignant,
2460 K'il ne se deive la enpeindre
Ou la viande cuide ateindre.
Mes celui qui n'a nul mestier,
Se deit tôt autrement guetier.
Oiez la reproce au vilein
2465 Qui gueres ne parla en vein :
(( Moût vaut asez meuz ennoree,
Ce sachiez, que ne fet ventrée ^. »
Ki sei meëmes ne tient chier
Kil devreit donkes eshaucier ?
2470 Nului, per certes, ce m'est vis,
Quant il de gré abat sun pris,
E se de ce est costumier,
Sovent en avra reprovier.
1. Cf. Glossaire. '•
2. P, Fiz, qui par reson de jçlotenrie.
3. C, M'est avis qu'il fet mesprison.
4. C, nel devreit.
5. Mieuz vaut honour que 'ventre (Alffranz. Sprichwôrter^ 236, dans
Zeitschrift fur deutsches Altherthum, XI, 140).
— 135 —
Fiz, nul ne puet sanz peine ^
2475 En cest siècle régner,
Ke fol désir assené *.
Nos quiert a engoler
La vie, qui est veine
Ici a désirer,
2480 Encontre la certeine,
Qui toz dis puet durer.
Ore est aucun manant asez ^
D'aveir e d'héritage
(E est] de plusors ennorez
2485 E moût tenu por sage
Ki est [por tant] moût adolez
Sovent en sun corage
Por ço que il ert nez de tels
Ki sont de bas parage ^.
1. Homo nascitur ad laborem, et avis ad volatum (Job, V, 7).
Voy. Notes.
2. P, ateigne.
C, ...ateine.
Cil ki quert a goloser.
Voy. Notes.
3. P, Ore est aucun manant
4. C, Daver e de richesce
E de plusors honors e molt
tenuz a homesce
Por co que lem nest de tels
Ki sont de bas parage.
On pourrait aussi rétablir cette strophe en vers de six syllabes cha-
cun, amsi
Un est manant asez
D'aveir d'héritage
De plusors ennorez
E moût tenu par sage,
Ki est moût adolez
Sovent en sun corage,
Por ço qu'iert nez de tels
Ki sont de bas parage.
Toute cette partie du poème semble s'être inspirée de YEcclesisates^
bien qu'on ne puisse toujours citer le passage où l'auteur aurait puisé
directement.
— 136 —
2490 Aucun [si] est molt malballi(z) ^
Por sol sa gentillece ;
Ke par ce devient [il] failli(z)
E si aqueut perece,
Ke [il] meuz resembler celui
2495 Vousist qui a richece
K'estre gentil por vivre issi
Longues en tel destrece.
Ore est aucun gentil e pruz
E molt riche d^aveir
2500 E ne poroc se doit sor toz
Qu'il ne puet famé aveir
Ki vers lui et corage dolz
De fere sun voleir
Ices manières sont a molz '^
2505 Qui font le cuer doleir ^.
[Bel fiz] maint est gentil e riche
E a famé a plesir
1. P, Aucun est malballiz C, K est molt malbailli
Por sol sa gentillece por sa gentillesce
Par ce devient falliz Ke par co devient failli
E si aqueut perece e si acoilt peresce
Ki meuz vousit sembler Ce melz ressembler celi
Celui qui a richece que li od richesce
K'estre gentil por vivre Kestre gentil por vivre issi
Si longues en destrece. longes en tel destresce.
3. Le mot molz qui ne saurait se rapporter qu'à femmes prouve que
la strophe est gâtée dans les deux mss. Je ne vois pas moyen de rétablir
2504.
3. J'ai rétabli la strophe surtout d'après C. P présente :
Ore est aucun gentil, preuz, e riche d aveir.
Ki ne porcjuant se deui quil ne puet famé aveir.
Ki vers lui et corage de fere sun voleir.
Famé de tel manière fet moût le cuer doleir.
C présente pour le v. 2503 : A sivre son voler, et pour 2505 : Sovent
lor quors doler.
La môme singularité se retrouve ici que dans la strophe précédente,
c^ est-à-dire que le mot pruz qui se place dans P au commencement du
v. 2499, est dans C à la fin de 2498.
■.♦
\
— 137 —
Si ke autre ne dote ne triche
D'aveir e de servir,
2510 Mes^quanque poet^ son quor afiche
De fin amor tenir.
Tôt ço ne prese une miche ^
Quant eir n'en puet eisir ^.
Meint a aveir e [a] enfanz
2515 E est asez gentil ^,
E par sun aveir est puissanz ^
E d'engin moût soutil ^,
Ki por les uns que suni moranz ^
Met sun cors a ' essil,
2520 E por la folie au vivanz ^
Est souvent en péril.
Ki est ci sanz dolors ?
N'est nus hom, sanz mentir ^.
1. C, Toz co ne prisent.
2. Cette strophe était aussi à reconstruire. Elle semble avoir eu 8 a, 6 b.
P, Maint est gentil e riche.
E a famé a plesir
Si ke autre ne dote
D aveir e de servir
Tôt ne prese une miche, etc.
C, commence par le v. 2508 :
Si que nuls des altres triche
D amor ne deservir, etc.
Pour le sens, cf. Eccl.^ IV, 8.
3. G, Ki est asez gentilz.
4. P, puissant; C, puissanz.
5. P, E moût soutil gentil ; G, E d engin molt sutilz.
6. Moritur doctus simili ter ut indoctus. Et idciro taeduit me vitae
meae, etc [Eccl.^ II, 16-17). — Infinitus numerus est populi omnium, qui
fuerunt ante eum, et qui postea futuri sunt, non laetabuntur in eo ;
sed et hoc vanitas et afflictio spiritus. Etiam si duobus millibus annis
vixerit... nonne ad unum locum properant omnia? (//)id., VI, 6).
7. G, en exilz.
8. P, Por folie au vivanz; G, E por la folie as vivanz.
9. Voy. Notes.
— 138 —
Ki eûst a sa volenté *
2525 Famé e enfanz plusors,
E [moût] gentille hérité,
Chateaus e granz ennors,
Fust [il] par ce [ben] acerté
A 2 vivre sanz dolors ?
2530 Nenil ! Kar mort o sa fierté
L'emmesra ^ tôt le cors.
Por ce n'est nus en vie.
En cest siècle mortel,
Ki ait en sa baillie
2533 Joie perpétuel ;
Car les uns par envie
Remetent cumme fel,
Les autres par boidie
Unkes ne pensent el ^.
2540 Ja n'[e]ûst home altre dolor -^
Dont il getast sospir,
Fors ce qu'il ne set nuit ne jor
1 . G, Ki ust a sa volente femme
E enfanz plusors
E gentillesce e richesce
E chastels e honors.
2. C,De vivre.
3. G, len meine.
4. G,K'onques ne pensent del. Puis des vers qui ne sont pas dans P,
et (jui sont remarquables en ce qu'ils ne présentent que des rimes
féminines.
E par co sont en peine
Et si alcun per ire
Meint jor de la semaine
Plus k il ne volent dire.
Ico ont en demainc
Ne lor poet soffîre
Kar covoitise les meine
A quanq ele désire.
5. P, Neustja dolor autre.
\
— 139 -
Qui est a avenir ',
Joie, ou peine, ou haûr ^,
Ou ses amis guerpir;
Si H puet estre ce tristor^
Quant l'en puet sovenir.
Voir pur nient se fiereit ''
Home en sa manantie ^,
Portotle siècle s'il l'aveit
N 'aloignereit sa vie ^
K'il ne passas! par cel destreit
Qui fait la départie,
Ke l'ame lesse le cors freit
E nïent plus nel guie ',
Trestoz convient par la passer
Quei qn'augent demorant ".
Por ço se deit chescun pener
Tant cum il est vivant **,
I. C, quei 11 deit avenir.
Ne glorieris in crastinuan iitnoraiis ; quid superventura parinl dies.
fProB., XXVII, 1).
Cf. aussi ProD-, VII, 1.
3. C, Ou joie ou peine ou haor.
3. C, To li puet estre Iristor
4. P omet ; voir ; C, Por voir por nent se 6reit
Non proderunt divitiac in die uUionis [Prof,, XI, 4].
5. C, ti honi en iiiananlie.
6. C, Nesloisfcnereil iia vie
K'il ne passa par cel destreit.
Brèves dies hominis sunt, numerus mcnsium ejUH apud te est, etc.
(Job. XIV, 5).
T. C, E que nent plus.
S. C, Trestoz devon par la passer
quei k'e liions demorant
Et omnia pei^unt ad unum locum ; de terra facta sunt et in terrain
pari ter revertuntur [EccL, III, 30).
9. P omet ces deux vers.
— 140 —
2560 De Deu servir molt e amer,
E feresun commant,
Ke s'a me puisse reposer
El reigne permanant.
Ker chier achate le délit ^
2565 Del secle(qui) en enfert(ert).
Kant por lui remaint desconfît,
E s'ame en despert,
E maint la en [i]cel habit
Qu'a malveis est overt.
2570 Guaï celi, solom l'escrit,
Ki tel loier désert !
Le délit nos semble moût douz
En cest siècle a user,
Mes amertume iert a mouz^,
2575 Quant deverom devïer -^
Au leu que nos quidun desuz.
Qu'enfer oiom nomer,
Dolent poent estre trestoz
Qui la deivent entrer'*.
1. P, Ker chier achate le délit
De cest siècle tant vil
E por temporal amor
Same met en péril
Quant por lui remaint desconfît
Et same pert
La met en cel habit
Qua malveis est overt
Le délit nos semble moût douz, etc.
Il semble que P confonde ici deux strophes. Les derniers deux vers
de C n'ont pas d'équivalent dans P.
2. G, Mes amer ert a toz
3. P, devrunt dcmorer.
4. P, Qui enfer est nummez
Dolent puet estre sor touz
Cil qui la deit entrer.
i
— 141 -
2S80 Ker moût i a granz plor[eï]s^
E grant gémissement,
E sovent i gietent granz criz
Por le très grant torment^.
« Alas! alas! ce sunt lor diz,
2585 Quant fumes entre gent,
Trop amames nos orz deliz^,
Or Tachatum griement^ ».
Bel fiz, por Deu le glorius,
De cel leu te sovienge
2590 Ki si est vil^ e [si] hontous,
Ke t'ame la ne vienge,
Mes serf itant le rei pitus
Qu[e] il ja te meintienge ^,
E qu'il te mete o les joeus
2595 E ileques te tienge^.
Icele joie est bone e bêle,
La ou il sunt manant,
Ker toz dis est freche e novele
Devant le rei poant,
2600 Quant il entor sei les apele
E od li vont disant : ^
« Gloria Sanctus, Kyriele(yson) ! » ^
1. P, plors ; G, Kar molt i a plor.
2. G, E grefs dementemenz.
3. P, Trop amames deliz.
4. P, Por ce deit chacun
Tant cum il est il vivant
Pener sei de Deu servir
E por aveir la joie grant,
G'est là apparemment les vers 2558 sq. gâtés et mal disposés.
5. G, Ki si vil est.
6. G, Mes servez tant al rei pitos.
k'il ici te meintienge.
7. G, E iloc te retienge.
8. P, E vunt toz disant.
0. G, kvriele.
r
- 142 -
Moût hautement chantant.
Trestoz devun nos travaillier '
2605 Por estre en cel déport.
Deus nos face eshaucier ^
E nos doint tel confort,
Ke nos puissun la aprochier,
Quant nos vendra la mort
2610 [E] a lui puissun reperier!
Ice seit sanz resort ^.
Amen.
•
Tes parenz aime e lor fai bien
E secor les e si(e)s ^ meintien.
Si te peine d'eus eshaucier,
2615 Au grant besoi^ t'avrunt mestier;
Ne tu ne deiz lesâier, bel fiz ^,
Por les estranges tes norriz ^,
Ke Testrenge tost te faudra
La ou tun norri te vaudra.
2620 La toe chose guarde bien;
Porvei a qui tu donnes rien '',
1. 1*, Tresloz dovun tesir avoir; C, irestoz devons la teser.
V(»v. Notes.
2. M. 1*. Mever a imprimé depuis ce vers jusqu'à 2625 (fin de P
d'après C (A'o/! et Extr., XXXIV, p. 217).
[\. C, K (luant vendra la mort
A II puissom repairer
Co seit sanz resort.
■L (i, sis.
5. I^nolum tibi tu noli praeponere notis,
C.o^rnitajudieio eimstant, inco^nita casu (Cato, I, 32).
6. Parentes ama ((^ato, Prolo(fus 2\
Tes parenz aime e fai lur bien,
Sueur tes cusins e maintien
Se te painc des eshaucier,
Al ^rant busoin^r ^ne' favrunt mest [ier] ;
Ne tu ne deiz lesier, beau liz,
Pur les estran^es les nurriz (Élie de Wincestre, Dist. de
Cfl/on, 20, Sten^'el).
7. Cui des, videto ,Cato, ProL, 17.
Purvei, a qui tu doues rien Élie de A\'incesler, Dist. de Caton, 32 .
■rs
— 143 —
Ker en tel leu doner porras
Ke to(s)t * tun dun perdu avras '^.
Co k*om{e) te done, deis garder
2625 Si te peine de gerdoner,
Et nobliez [mie), quant tu vivras,
Del ben que receû avras 3,
Kar a bonté te torneront
Issi partir ki tei verront.
2630 Done liu e porte honors
Toz tems, [en) toz lius, a vos greiqnors '•,
[E] en despit nen aiez pas
Ke tu menres de tei verras ^.
Ne tu ne deis nuli gaber ^,
2635 Mes volenters toz saluer ^, a
Kar ki gabe, gabé serra ^
ELIE
a. Né tu ne deiz nului gaber
Mais volenlieres tuz saluer (43-44)
1. C, tôt. Cf. V. 2235.
2. P s'arrête ici.
3. Datum serva (Gato, ProL^ 4).
Beneficii accepti e^to memor (Id., 50).
Gho qu'en te dune deis guarder,
Si pense del reguerdoner
Remembre tei, quant liu verras
Del bienfait que reçeii as (Elie de Wincestre, Dist. de
Caton, 33).
4. Majori concède (Cato, Prol.^ 10).
Cède locum laesus Fortunae, cède potenti (Gato, IV, 39).
5. Vov. Notes.
Dune liu e porte honur
Tuz tens en tuz lieus al greignur
E en despit n'en aies pas
Qui tu menur de tei verras (Elie, 39-43).
6. Neminem riseris (Gato, Prol.^ 31).
Miserum noli ridere (Gato, Prol.^ 52).
Vilonnie est d'autrui gaber (Ghrestien, Percevais 2209).
7. Saluta libenter (Gato, Prol.^ 9).
Gf. aussi L. Gautier, La Chevalerie^ p. 133.
i
- 144 —
K'alcune fez Vert pèsera,
Creim ton mestre e seur seies ' .
En vérité vif tôt es veies 2, a
2640 Kar cil ki ordement vivra
Alcune feiz l'en coûtera '^.
A toz aiez feil amis té
D' ait ri n'aies nent coveité ^, b
Kar ki coveite sanz reison
2645 La mort coveite [tôt) a bandon.
Pren de ta meisnee grand cure'^^
E ne dormez otre mesure. ^* c
Ta femme aime e fui la putain ^.
Ne créez folement nen vain ^. d
ELIE
a. Cr[i]em tu 11 maistre^ suëf seies
{En) Nette [té) [ment] vif tute vei (e)5 (45-46)
b. A tus ajuste aniist [i]e (zl,
Del autre naes cuveitie{z) [il-iS)
c. Pren de ta mai.sn\^i] ecure;
Ne dormir (pas) ultre mesure, (49-50) •
d. Ta femme aime ^ fui la putain.
Ne creire folement /i(e)*en vain (51-52) ,
1. Mafjistrum mclue (Cato, Prol.^ 11).
In timoré Doniini tiducia fortitudinis {Prov.^ XIV, 26).
2. Virtute utere (Cato, Prol.^ 35).
3. Alienum noli concupisci (Cato, 54).
Non concupisces, etc. (Exode^ XX, 17).
Invidus altcrius mascrcscit rébus opimis
(Horace, Ep., I, ii, 57).
Cf. V. 1700 et note.
4. Cf. 2780.
5. Familiam cura (Cato, ProL, 15) Cf. v. 2733.
6. Quod satis est, dormi (Cato, Prol.^ 19).
7. Conjugem ama (Cato, Prol.^ 20).
Mcretriccm fuge (Cato, Prol.^ 25).
S. Xihil temerc credidcris (Cato, Prol.^ 24).
k
*!'
^f
— 145 —
2650 Poi parole en pas f élément ^
E repasteie re[e]lment, a
De vergoine te deis garder -
E ta ire tost atemprer '^. h
Esta es plez e si entent ^,
2655 E si seiez al jugement ^.
Garde que jugement ne seit
Par force fet^ mes solon droit, c
Mes esgardez [i]cele lei ^ :
A altre fai cum vols a tei. d
2660 Filz, porte honor a tote gent ^, e
a. Poi parole en paslement
E si pasteie realmenl. (53-54)
b. Verguine deis tu bien guarder. (59)
Ta ire atenipre de leg\i]er. (55)
c. Esta es pleiz e si entent^
E si seies al jugement.
Gua^de ke jugement n'i seit
Par " r ce fait, mais su lu ne dreit. (69-72)
d. Meimes lesguarde *ce/[e]/ei ;
A autrui fai coni vols a tei (73-74)
e. Fiz, porte honur a iute genl (75)
1. Pauca in convivio loquere (Cato, Proi.^ 51 j.
Inter convivas fac sis sermone modestus
Ne dicare loquax, dum sis urbanus habere (Cato, III, 19).
2. Verecundiam serva (Cato, Prol.^ 12),
3. Iracundiam tempera (Cato, Prol.^ 45).
4. In judicium adesto
Ad pnetorium stato (Cato. ProL, 32).
5. Aequum judica (Cato, Prol., 43).
Gognoscere personam in judicionon est bonum {Prov. XXIV, 23).
Ou force vient, justice prent {Prov. au Vilain^ lOlj.
D'une part, le aequum judica de Caton est tellement vague et,
d'autre part, la sentence chez Élie et celle de notre poème sont telle-
ment rapprochées que je regarde ces vers comme une forte preuve que
l'auteur connaissait la traduction d'Élie ou tout au moins quelque autre
également connue d'Élie.
6. Omnia ergo quaecumque vultis ut faciant vobis homines, et vos
facite illis. Ilaec eat enim Lex et Prophetae (Matt., VII, 12).
7. Cf. V. 470, 478, 1163 sq. ; 2247 sq. ; 2318, 2630 sq. ; 263«, note.
10
— 14G —
As ordenez nomeement.
FiZy quant a viellesce vendrez *
E ait ri fez reconterez,
Gard k'en [ta)juvente fet aiez
2665 Tel ren que par honor retraiez.
Fiz, si tu a{ie)s ço deservi -
Que tu n[en] aies nul ami,
Dampnedeu ne retez tu pas ^,
Mes tei qui deservi Vavras,
2670- Fiz, ne te deit bel estre pas ■'
De ço que fere ne savras,
Kar meint hom(e) fait tost prov[e]eir
A ço qu'il quide ben saveir.
Beal fiz, quant tu n\en] avras tant '^
2675 Com tu soleies de devant,
Ne te en deis pas esmaier,
Mes conforter e rehait[i]er,
Fiz, ne pren por nul desir[i]er ^
Femme dont aies encombr[i]er,
2680 Mes trop [il] te deit sembler tart
Ke le mal de tei s'en départ.
[Fiz] a ton plai [si te] requ[i]er ^
1. Multorum cum facta senex et dicta recenses,
Fac tibi succurant, juvenis quae feceris ipse (Gato, I, 16).
2. Si tibi pro nicritis nemo respondet amicus
Incusare Dcum noli, sed te ipse coerce (Gato, I, 23).
3. Gf. V. 301 et 429.
4. Ne pudeat, quae nescieris, te velle doceri :
Scire aliquid laus est : culpa est nil discere velle (Gato, IV, 29).
Litteras disce (Id., ProL, 38).
5. Rébus et in censu si non est, quod fuit an te,
Fac vivas contentus eo, quod tempora praebent (Gato, III, 12).
Sint mores sine avaritia, contenti praesentibus (S. Paul, Ep. ad
Hebraeos^ XIII, 5).
6. Uxorem fuge ne ducas sub nomine dotis,
Nec retinere velis, si coeperit esse molesta (Gato, III, 12).
7. Voy. Notes.
Judicis auxilium sub inicjua lege rogato :
Ipsae etiam leges cupiunt, ut jure regantur (Gato, III, 16).
1
— 147 —
De cils qui [te\ devront juger.
Père ne mère ne trobler ^,
2685 Mes molt les devez honorer,
S[i) estrevols honoré totdis'^
En ton quor richesce des pis,
Ki trop Vaime^ il est chaitis.
Aimer la deis par tel devise ^
2690 Ke tu Vaies a ton servise
Par tôt solonc ta comandise,
[E] k'el nait pas tei enjustise.
Si bon compaignon vols avoir ^
Nel choisez pas par son [s)avoir
2695 Mes par ses bontés e {par) ses mors,
Si de li vols avoir socors.
Si los vols avoir d'oneslte)té
Maveisté aiez en vilté ^.
Les diz de chascun ben notez ^
2700 Por ço les mors d'alcun savrez.
A doctrine [deis] ben entendre,
Fol ensenser, del sage aprendre,
Gard tei del morne e del teisant,
2705 Des eaues soies porpensant ^,
1. Parentes ania (Cato, ProL, 2).
Cf. V. 2612, où la même sentence est citée.
Aequa diligito caros pietate parentes (Cato, IV, 15 a).
2. Despice divitias, si vis animo esse beatus ;
Quas qui suspiciunt, mendicant semper avari (Cato, IV, l).
Divitiae si affluant, nolite cor apponere (Psaum., LXI, 11).
3. G, Aimer le dever.
Et cil est a son avoir éers
Qui toz jorz le garde et acroist (Ghrestien, Cligès^ 164).
Cette pensée revient souvent dans la littérature du moyen âge.
4. Cum tibi vel socium vel fidum quaeris amicum.
Non tibi fortuna est hominis sed vita petenda (Cato, IV, 15).
5t Si famam servare cupis, dum vivis, honestam,
Fac fugias animo, quae sunt mala gaudia vitae (Cato, IV, 17).
6. Prospicito cunctans, tacitus quid quisque loquatur,
Sermo hominum mores et celât et indicat idem (Cato, IV, 20),
7. Cf. V. 1169 sq. et note.
— 148 —
Ke savent sont les plus profondes
Ou meins de noise font les ondes.
Si d'une. ren n^as aventure *,
[E) en altre deis mettre ta cure.
2710 Vers li ki vit resnablement -
N*estrivez felonessement .
Fiz [cher]^ si ben te puet servir ^
Ton ami., nel deis pas haïr^
Kar molt estuet d'ami soffrir
2715 Ki leal amor volt tenir.
Ne promet lonz tens a ta vie ^ :
Ou que tu ves^ mort te défie.
Tant cum la gent t'averont plus cher^
Tant les serf melz de ton mester.
2720 Beal fiz^ si tu te sens puissant
Sor ton veisin ki ne poet tant,
Donc te porvoi de cest respit.
En ton quor le met en escrit :
Len puet la perre tant boter ^
2725 De liu en liu e [si] rouler
Kele sor li reversera
Ki plus debotee Vavra;
E ledemcnt al reverser
[Ke) le f[e]ra grcfment comparer
2730 Ke [il] del liu la remua;
Voir fu e vérité sera.
Ki quert si trove en alcun tens^^
1. Cf. V. 228.9 sq. Le bon Robert se répète plus que d'ordinaire dans
cette partie du poème.
2. Cf. V. 1374 et note.
3. Cf. V. 1943 et note.
'4. Tenipora lonj^a tibi noli promittere vitae :
Quocumque ingrederis, sequitur mors corporis umbra •
(Cato, IV, 37).
5. Qui volvit lapidem, revertetur ad eum (Prov., XXVI, 27).
• 6. Quaerite et invenietis (Matt., Vil, 7). — Et qui quaerit, invenit
(Matt., VII, 7).
— 149 —
Kei k'il querge^ folie ou sens,
Fiz, de ta meinee prenz cure ^
2735 Ke chascun face sa dreiture^
Kar ait rement [le] ton travail
Resemble nef sanz governail,
Fiz, ton parent venc par soffrir ^
K'estranges ne puissent partir''^ ;
2740 Kar s il se mettent entre vos,
Tost en remaindrez coreços,
E quant il se por pensera.
Plus k'ainz ne fist, [il] tramera.
Le ben que poez en aire prendre ^
2745 Ne lessez por greignor atendre,
Kar, si devient^ tant atendras
K'a cel k'aver porez faudras.
Ton viel ami ne deis blasmer ^
S'il est changé, mes remembrer
2750 Del amor que premer[e]ment
Entre vos fu mes leé[e]ment
F ai par conseil ço que tu fras ^y
S* il te meschet hlasme n\i) avras,
Ainz Vavront cil ki Vont doné,
2755 Ço ne puet estre trestorné;
E si par tei sol le fesiez
'Nul[e] excus[a]tïon navriez.
De petit cors ne deis blasmer "^
1. G, perncz cure. — Cf. v. 2646.
2. Quem superare potes, interdum vince ferendo (Gato, I, 38 a).
E par sufl'rir veine tun parent (Elie de Wincestre, Dist. de
Caton, p. 114, Stengel).
3. Voy. Notes.
4. Gf. V. 215 et note.
5. Gf. V. 1095 et 1204 et note.
6. Qui autem sapiens est, audit concilia iProv.^ XII, 15).
7. Gorporis exigui vires contenipnere noli :
Gonsilio pollet cui vim natura negavit (Gato, 11^ 9).
De petit cors ne deiz turner
— 150
V
La vertu, ne ren aviler^
\ 2760 Kar tel dit conseil bon eslit
"_ Ke de force a assez petit.
j. [Kar) si tu ne ses ben governer ^
'. Iço que tu as a guier
^ Ne deis [pas] por ço apeler
\- 2765 Fortune, mes molt tei blasmer.
|- Si as sopeçon ou pesance,
) Donc ne seit por vene targance,
Kar de ço sort sovent grevance,
Dont nen valt ainz nu le do tance,
2770 Cil ki pert e puis dote e plore 2,
Son damage crest a mcimeis V)ore,
A force e a forte gent -^
Donne liu^ quant te font dolent,
E quant [tu] seras a desus ^,
2775 Aïe e socor le confus.
Fiz beal, se r vise e honor'^
La vertu en despit,
Tel valt pur bon cunseil duner,
Ki de force ad (mult) petit (Élie de Wincestre, Dinl. de Caton,
V. 71, f» 397).
Seigneur, je suis jones,ne m'aies en despit :
On a veû souvent grant cuer en cors petit
(Adam de la Halle, Jeu de S. Nicolas, ap. Mommerqué et Michel,
Théâtre fran{'. au moyen Age^ p. 17 4j.
1. Gum sis incautus nec rem ratione j^ubcrncs,
Noli Fortunam, quae non est, dicere caecani (Gato, IV, 3).
2. Cf. V. 1013 et Voy. Notes.
Moût fols est, qui de son bien pleure {Richars li Biaus, 3956).
3. Cf. V. 2630 et Voy. Notes.
Non litières cum homine potente, ne forte incidas in manus illiiis
{Ecoles., VIII, 1).
4. Cf. V. 315 sq. et note, et v. 2374 sq.
5. Bel servise e honur
Maintien[en]t ferme amur
Entr'els ke ami sunt ch[i]er (Élie de Wincestre, Disl. de Caton^
v. 76, P 296).
Je ne sais pas précisément à quelle sentence de Caton ceci se rap-
porte, peut-être à :
Cum tibi divitiae superant in fine senectae,
Munificus facito vivas, non parcus, amicis (III, 9).
■* En tout cas, il n'y a rien dans les distiques qui corresponde exacte-
ment aux vers de Robert et d'Élie.
■ t. '
-■. ,■ • ■ - t.— J\ ■ -
— 151 —
Meintient entre amis ferm amor,
Ker ait re ment nest pas durable
Lor amistez, ainz est muable,
2780 Fiz^ ne seies pas envios ^
Ne sor altre[s) ostel couveitos '^.
Fols est k'un ostel volt hanter^
Tant k'il i pert le welcomer.
Kirelement volt repairer ^,
2785 Motons li fra om escorcher^
E s'il i repaire sovent
Oes i avra escharsement ^
E tant sovent ipuei venir
Ke des oes puet il bien faiblir.
2790 l\eis les breses ou (il) quit serront
En li « salve » ne vocheront'^,
Fiz, le ton despendre devras
Solon [i]ço que tu verras
Felanee [si] se condone ''.
2795 E si cum le ton te foissone.
Ki de ço garde ne prendra.,
Ainz k\e\ il sache ^ se pleindra.
FiZy si alcuns a deservi "*
Ke tu li seies enemi,
2800 E puis aies sor li puissance
Ke fere li poez nuisance,
Por sol Deu Ven deis abstiner,
Kar il t'en savra ben merer.
1. Cf. V. 2643.
2. G, comoveros.
3. Cf. V. 337 sq.
4. Pour ces vers, voy. Gloss., relemenl^ et Notes.
5. G, sauf. — Voy. Notes.
6. Voy. Notes.
7. Ne dicas : reddam malum. Expecta Dominum ; et liberabit te
(Prov.^ XX. 22). Ne dicas : Quomodo fecit mihi, sic faciam ei ; reddam
unicuique secundum opus suum {Ibid.^ XXIV, 29). ,
— 132
Fiz, si ve[e)z altres conseiller *,
2805 \e {en deis mie corrocer,
\'uver en nu le sopeçon
K'il dient de fei si ben non ;
Par quei en avreis [t] udeshait.
Quant tu n[en] as de ren mesfait?
2810 Mes ki est feins e fausener,
Quant il veit altres conseiller,
liquide que ço seit de lui
Tôt si eu ni il pense d'altr[u]i.
Fiz, jo te di oncore un sens,
2813 Ke totes choses ont lor tens -^
Ë chascun tens si a son liu.
A ço veer ne seies ciu,
Mes a fcre e a parler
Tens e liu [tu] deis esgarder,
2820 Kar melz valt un mot ben asis
K\e]altres ne font nuefou dis ^.
Fiz, quant hesoigne est aprochee
Ne deit pas estre proloignee '*
Kar porlognance e paresce
2823 Iço dit Ven he n'est homesce,
Ki son pru lesse endormir ^"»
Tost li [verras] tel mal venir
Ki en ki puet traire a fin
Le terme desque al matin.
1. Ne cures, si quis tacito sernione loquatur :
Conscius ips(; sihi de se putat oiiinia dici (Cato, I, 17).
Cum rccte vivas, ne cures vcrba maloruni,
Arbitrii non est nostri, quid quisque loquatur (Cato, III, 2).
2. Oniniatempushabent,et suis spatiis transeunt universa sub coelos>
{EccL, m, 1).
3. Sermo opportunus est optimus [Prov.^ XV, 23).
Mala aurea in lectis argenteis, qui loquitur verbuni in tempore suo
(/Jbid., XXV, 11).
4. Ki délaie son bosoigne (est fous) (Les Folies^ v. 20, Jahrbuch. fur
rom. und engl. Lit.^ VII, 55).
5. Cf. V. 677 et 2105. — Voy. Notes.
— 153 —
2830 Ben tost par itel porloigner
Li avient puis tel destorber
Kejamès en [tres)tote sa vie
La bosoigne n^avra finie,
Fiz, ço te di [tôt) certenement ^
283S Ke leauté est fondement -
De toz les sens, iço sachez^
Ke jo fai ore[s'\ enseignez;
Kar ki na en sei leauté,
Ja n'ait il tel{e) altre bonté
2840 K'ele ne seit por ço hunie,
Si leauté a deguerpie.
La leauté dont [jo) dit vus ai,
E dont jo plus [or] vus dirai,
Meintient totes altres vertuz ^;
284S Plusors s'e[n] sunt aperceûz,
Oncor[e) di k[el) est verrai[e]ment^
De religion fondement,
E lïen est de charité;
E amur sustient en ver[i)té
2850 E par li [si] est confermee
Seintetéj c[oj est chose provee ;
1. M. P. Meyer croit {Not. et Extr., XXXIV, p. 218) que l'auteur a
tiré cet éloge de la loyauté de son propre fonds. Je ne suis pas de son
avis. Cf. Fcloge du droit au début des Droiz au Clerc de Vaudoi, Jubi-
nal, Nouv. Rec.^ II ; celui de la largesce, Chrestien, Cligès^ 201 ; celui de
l'humilité, R. de Blois, Lyriope^ v. 283 sq. ; et surtout celui de la
loygiuté, Sordel, Ensenhamen d'Onor^ 399 sq.
M. Meyer a imprimé, à l'endroit cité, ce morceau jusqu'à la fin du
poème.
2. Que lialtatz es pezazos
De fin pretz e de totz aibs bos :
Per zo, s'ab lialtat non l'a,
Nulz oms bo pretz no l'aura ja
(Sordel, Ensenhamen d'Onor ^S99).
3. Doux, (|ui vol pretz fcrm e seg:ur.
Sobre Iialtat taign quel mur (Sordel, Ensenhamen d'Onor^ 403).
4. Lialtatz i'aduz veramen,
S'es be liais, a salvamen (Sordel, Ensenhamen d'Onor^ 413).
— 154 —
E si est dreit efforcement
De faire vivre chastement,
E aorne ce[le]s bontez,
28S5 Sachez, trestoi en veritez;
E jovencel fet resplendir
E bacheler en ben florir ;
Al parcreû est parissable
E al povre est acceptable,
2860 Al meins riche est unie *,
Al manant est honeste vie,
Ces[tes] choses fait, e mult plus,
Por ço te lo k'aiez en us
Leauté sor [tres]tote ren ^.
2865 [E] laisse le mal e fai le ben 3;
^^ar ço vendras en vérité
Ou de joie a si grant plenté
Ke boche nel puet recenser '*
Ne quor d'ome nel set penser.
2870 Damnedeu par sa [grant] dolçor
K par sa chère resplendor,
E par son ^ bone anoncement,
E par son bon avènement,
E par sa seint[ism)e nascïon,
2875 E par sa seinte passion,
E par sa résurrection,
E par sa seinte ascension,
1. Voy. Notes.
2. Einsi la ou largcsce vient.
Desor totes vertuz se tient (Ghrcstien, Cligès^ 211).
Humilitez est la savours
De totes vertuz et la flors (R. de Blois, Lyriope^ 283).
3. Cf. V. 1937 et note.
4. G, atraiter ; correction déjà proposée par M. P. Meyer.
Guers ne porroit mie penser
Ne bouche d'omme recenser
De ma dolor la quarte part {Rom. de la Ro$e, 2978).
Cf. V. 1899 sq. — Voy. Notes.
5. G, 8a.
- 155 —
De toz mais nos face pardon ;
E ke nus puissom si ovrer
2880 Tant cum nous devons ci régner^
Ke nus puissom toz la venir
Quant Vame deit del cors partir,
Kemaindre deit cest doctriner ;
Qr(e) ne puet il avant durer;
2885 Be/i ait son chef kit purpensa
E ki ensemble V ajusta;
Keempli seit (il) de la Deu grâce
Tant k'il puisse sivre la trace
He Nostre Seignur Jhesu Christ
2890 E/i la glorie k'as justes fist.
Halcié seit la totdis sans fin
Od Gabriel e (od) Cherubyn,
Cil qui alkes se penera
E Trehor conoistre voldra,
2895 Donc li estovra [a] conter
Dis vers •, e puis [a] esgarder
[Très toz] les chevons a rebors,
E puis revenir tôt cel cors.
Al revenir puet ben saveir
2900 Son dreit non e aperceveir,
A « cherubyn » deit commencer
E puis en contremont cercher
Tant k'il truisse escrit « doctriner »
Entre ces [lettres) le pora trover.
1. C, des rer.ç, dc^jà corrigé par M. P. Meyer en dis vers.
/
APPENDICE RECTIFICATIF
J'ai VU, trop tard pour que la rectification puisse être
faite dans le texte, que je m'étais méprise sur la forme
des vers 933-954. Il aurait fallu suivre ici la leçon de C
qui donne, corrompus il est vrai, mais presque toujours
faciles a corriger, des vers disposés comme s'ils avaient
alternativement 8 et 6 syllabes, et non celle de P qui a
modifié les octosvUabes de manière à en faire des hémi-
stiches d'alexandrins. En effet, d'une part, Robert de
Ho dit (v. 890-894) qu'il sait faire des vers plus longs
ou plus courts et les entrelacer ; au v. 895, il annonce
expressément qu'il va les allonger et reviendra au mètre
habituel quand les greignors seront tout à fait dits ;
enfin, v. 953, il déclare qu'il va reprendre les octosyl-
labes, ayant allongé ses vers de deux manières. D'autre
part, les v. 949 et 953 de P ont 14 syllabes (déduction
faite de l'atone après la 8® syllabe) ; ils sont identiques
respectivement aux correspondants de C et cette cir-
constance indique bien que les alexandrins de P entre
933 et 954 sont le produit de suppressions faites par
le copiste de ce manuscrit, le contraire, c'est-à-dire
l'allongement dans G, étant beaucoup plus invraisem-
blable, quand on compare vers par vers.
En réalité donc on a affaire ici à des vers de 14 syl-
labes; c'est un exemple de plus à ajouter à ceux qui ont
été déjà signalés ^ Ils offrent* ceci de remarquable qu'ils
1. Cf. Tobler, Vom franzôsischen Versbau^ p. 103, 3*" édit.
- 158 —
sont en (|ua trains monorimes et surtout qulls ont une
rime intérieure*, raffinement dont Robert ne parait pas
incapable. La seule objection, je crois, qu'on puisse
faire, c'est qu'il faut y admettre la césure épique, mais
cette césure se retrouve dans les alexandrins (v. 899,
903, 90i, etc.), de Robert comme dans Venus la déesse
iVamors istr. i3l*j; elle n'est donc pas impossible.
Je ne répète pas les leçons des deux manuscrits, met-
tant seulement entre crochets les mots ajoutés, et en ita-
liq .e les rectifications des mauvaises leçons,
Fiz, escoute [bien] e entent (jue te voil enseignier :
Xe te ch aille d^acointement a ome novel[i] er.
Car s'amist[i|é nul bien ne renl quant il est primsautier,
Ainz va et vient hastivement et sait del dreit sentier.
Novelier est de celé ^mse qu'il ne set home amer
Fors tant com il li fet servise et qu'il li velt doner,
E s(i) une feTijz fait a sa prise (fu'il ne poet recoverer.
Donc est la chose mesassise de quanqu'il set penser.
Itele amor seit avilee e ait la maie honte
Qui si tost est [si] avalée et [qui] si tost remonte,
Kar ele fu [or] assemblée ne sai de quel aconte,
Quant [ele] si est defoulee -* par ço qu'a poi amonte.
Novelier ({ui n'a [trop] <çrant ire puet en aukes soufrir ;
L'en le puet [trop bien] desconfîre, qui bien se set couvrir,
1 . Mal^iv rctte rime, il inc semble qu'on ne peut pas diviser en octo-
syllabes et hexasyllabes à cause des termes formels de Robert : les
vers ((lie fui allonijés en deux miinières. Les vers plus courts se
li'ouvent plus loin.
2. Peut-être le de/'ai'Uee de C serait-il mieux corrij^é par désolée ou
desiilee'^ sur ces deux mots, voir Godefroy
— 159 —
Par [le] losengier et [lui] dire dont le cuide plesir
Kar sa nature ço désire ke ci m'oez geïr.
Mes novelier qui est irons e qui maintient folie,
[Est] ^ mesdisant e estrivos e plein de lecherie ;
Si celui s'approche vers vos e prent en compaignie
Honte en avrez [vos] a estros ainz que seit départie.
Fiz, dit vos ai en .II. manières les vers qu'ai eslongniez;
[Mes] ore me plest [il] regier[e]s, k'il seient acorciez.
1. Peut-être £", et alors une virgule au lieu d'un point et virgule à
la fin du vers.
A^
L:? IL
NOTES
V. 12. — On pourrait corriger en des autres.
V. 37, 38. — Ms. P, Cum a peisun qui veut noer errer
Ou quil eut vienge en la mer.
C Cum al peisson ki volt errer
Qu'il vienge en la mer.
Les deux manuscrits sont également fautifs et je ne vois pas de
moyen de rétablir le couplet. Un des deux verbes dans P, 37, est
évidemment glosé. Je crois que c'est errer, qui seul se retrouve
dans C. Je change le oui de P 38 en aut, car c'est une faute de
copiste bien facile que de remplacer Va par un o. On pourrait
aussi lire nout <[ naviget. Les scribes n'auraient pas 'compris le
mot, celui de P aurait omis Vn qu'il croyait être le ne négatif,
celui de G omettant toute la première partie du vers. On pour-
rait aussi imaginer un soit, mais la difficulté du second verbe
au subjonctif reste. Le sens parait être : Comme un poisson qui
veut voyager en trouve partout roccasion, la mer. Le a peisun est
par attraction au a bien vaillant de 35.
V. 60. — On pourrait aussi lire pour funt : fust. C a fût, ce qui
signifîe chez lui et n et s. Ce serait /*us/ < fusth et le sens serait :
// échappe toujours quelque chose à celui qui parle beaucoup,
quelque chose qui ne sera plus jamais caché, et quand il a tout
dit, il se fait traiter de sot.
V. 63. — L'emploi de cure sans la préposition de est frappant. Cf.
669, 1795, 96, 1292, 2646, 2734. On pourrait lire avec C : Fiz,
ne (r= ni) des tables n'aiez cure ; ou bien (Fiz) [de] dez ne tables
naiez cure, en supposant que le scribe de C a fait confusion
de dés et des', ou bien Fiz [cher, de] dez [ne tables) n[en]
aiez cure Rar icel gieu est sanz mesure. Valeam de Caton
est plutôt dez. D'après cela tables aurait été d'abord glosé.
Il arrive souvent, à ce que je crois, que C présente comme une
seule leiçon la glose de P. Cf. v. 138. Le cest de 71 me paraît
II
ppgqHWnjF .^ MIffg JfifgM w ■^gw.^ftJiy.ni" F *! ^>^^ ' ^ ^TT^y 7*:^^ ^/^'.
l-B^-tm,^! .■'.{»7" "■
>^T-f
— 162 —
représenter plutôt un jeu. Guaig au même vers semble être un
subjonctif.
V. 73. — A dessus, cf. 752, 2107. A dessus paraît être la forme
employée par le scribe de C. Cf. 2774.
V. 138. — J'ai préféré la leçon creit bien que veit se trouve
dans les deux mss. Creit convient mieux avec entent. Cf. aussi
introd., p. 2.
V. 157 sq. « Fiz, je te dis ceci, comme je l'ai médité et comme
il semble le plus sensé : qu'on doit avoir discrétion, et qu'on
doit vouloir souffrir, permettre la raison d'autrui et qu'on doit
savoir, etc. » Cf. 229 sq.
V. 196. — P, il = e/.
V. 282. — Pour l'emploi de Tadj. bone pour Tadv. bien. Cf.
Introd., p. 23.
V. 372. — Quonnist z= connoist^ simple graphie comme tienc
367.
V. 403 sq. — La partie est un conseil sur la manière d'agir
lorsqu'on a été offensé. Il faut premièrement ne pas celer le fait
qu'on n'est pas content du traitement reçu ; secondement se con-
tenter quelquefois de le dire sans se venger autrement.
V. 473 sq. — « Si vous avez près de vous un voisin qui veut se
faire votre ami, et puis s'il vous fait quelque tort, s'il ne tient pas
parole touchant quelque chose qu'il vous a promis, prenez garde
et, en toute manière, s'il vous a fait et du bien et du mal, pesez
les deux... »
V. 491 sq. — u Car si quelqu'un hait autrui à tort, son âme en
sera troublée et sera en danger d'être perdue », etc. Je préférerais
pour 491 ker qui son voisin het a tort, mais la correction serait
trop considérable.
V. 499. — Le vers est incompréhensible dans les deux mss.
J'ai changé le un de C en ui ■=. in odio.
V. 507. — Le quart chapitre z= par qui, 500 ; le quint •=. por quoi,
511.
V. 523. — Cum =zle sest chapitre (v. 520), et comment au v. 525
est la même chose.
V. 535. — Quant = la setme resun de 531.
V. 562. — « N'importe où ils viennent. » Comparez pour la cons-
truction, 822, 2839, 2395.
— 163 —
V. 577. — « Quel homme il est et ce qu'il pourrait faire » « comme
pénitence ».
V. 603. — Le poète a-t-il donné quatre syllabes au motac/iesu/i ?
Cf. Introd., p. 11. On pourrait peut-être corrigeren : Vachesunde
ce son pechié.
V. 617.— Parço ... « Parce moyen, en posant toutes ces ques-
tions, le confesseur pourra bien savoir quel conseil le pécheur
doit recevoir de lui ».
V. 642. — La rime est remarquable, mais cf. Flamenca, v.
2596, 2655; Zeitschr. fur rom. PhiloL, IX, 87 ; Foerster, Erec und
Enide, p. XI.
V. 661-662. — Je crois, comme je l'ai dit dans l'Introd., p. 21,
qu'on pourrait corriger en demant : grant.
V. 669. — La répétition sert à rendre la phrase plus emphatique.
Mais on po*urrait corriger en : e il de ce nen aveit cure.
V. 732. — (c Qui sera dans le monde une chose ouverte et
connue. »
V. 915 sq. — Salomon nous enseigne — chose dont les gens
ne se gardent guère — que l'on doit être attentif au commence-
ment et de Tœuvre et de la parole de celui que l'on peut avoir
(pour ami) tôt ou tard, et puisque ce qui suit s'accuse bien avec
ce début.
V. 952. — u Avant qu'il y ait séparation, avant que vous vous
sépariez de lui. »
V. 1057. — « Celui qui est joyeux parce qu'on le loue. » Ou on
pourrait adopter la leçon de C qui semble meilleure : Ki leals est
por los aveir,
V. 1120. — u De peur que ceux-là ne vous trompent que vous
tenez pour fidèles, ni que d'autres n'entendent, etc. » Ou bien
mettre un point après 1121 et lire : ^Ve les autres niaient vos con-
seuls De ki garde ne vos donez Et kis aient bien escoutez. Cette
leçon éloignerait la difficulté de la forme escoutez s'accordant
avec vos.
V. 1151. — La ou il a =: « là, où il y a (à gagner) tu peux
gagner » Ou bien : « Là où il a gagné tu peux le faire. »
V. 1163. — Ces sentiments me paraissent une espèce de com-
mentaire peu dévot des mots de l'Evangile : Nerïio potest duobus
dominis servire (Matt., VI, 24). C'est comme si l'auteur avait
— 161 —
essayô de iio servir que Dieu et qu*il dise «< ça ne va pas dans ce
moiidi'-ci ".
V. 1171». — «■ I/onvie entre dans un tel homme simple; au
inoinnit où vous vous y attendrez le moins, il fait quelque grand
lorlail. ■'
V. 1214. — i'.o vers fautif devrait peut-être être corrigé comme
le V. 22in.
V. i22i^. — " No prends pas trop de peine à gagner Tamour d'un
homme tel (jue lu pourras le .=z: l'amour ■ perdre pourpeu de chose
d'un homme qui, si lune veux pas lui faire des dons, voudra t*étre
nuisible à cause do cola môme •», Ou : c d'un homme tel que lu
pourras lo perdre pour pou de chose, car si tu ne veux pas lui don-
ner (ce pou de chose , il voudra, etc. »
V. 12S3. — On pourrait penser d'après la citation altérée de
Harbazan (pi'il existe un autre ms. dos Enseignements, cepen-
dant cola ne semble pas être lo cas. Le ms. de TArs. 3084, p. 322,
donne tout lo reste du morceau jusqu'au v. 1290, lettre pour lettre
comme notre ms. F. Jo crois que Barbazan a tout simplement
essayé de corriger le passade.
V. 1302. — « Et celui-là assène peu qui frappe après. »
V. 1311. — <« Donc, pour la momo raison celui qui promet un
don et puis no voudra pas tenir parole doit », etc. Cf. 1297, sq.
V. 1323. — La leçon de P est sûrement gatoo, puisque Vespé-
nmcp, 1323, est opposée à celle dans 1325 qui n'est pas raison-
nable.
V. 1344. — Bopnzzz bien. Lo meuz est pris substantivement.
V. 1309 s((. — I^ sons est obscur, u Si quoiqu'un ne fait que
lo commencomont, ([uand morne il n'y aurait pas beaucoup tra-
vaillé, il est coupable, car s'il y avait eu (juohpi'un qui commençât
bien co mal ne serait pas fait. »
V. 1433. — " Car on trouve peu de personnes d'élite, et peu
d'hommes conséquents. »
V. 1")13. — On pourrait lire : Kar prodorn tien.
V. Ia3!>. — <« Il sera obligé de continuer dans ses habitudes,
autromont celle chose capitale qui s'aj)pellc complexion sera rui-
née. »
V. 1">41. — H Jusriu'à ce qu'il arrive à une nouvelle époque
naturelle de la vie, sa nature sera corrompue et cela coûtera tel-
— 165 —
lement, sera tellement dur pour son corps, que l'effet se fera
voir. »
V. 1545. — (c Le commencement tient, règle la fin. » L'inver-
sion est remarquable.
V. 1744. — (( A lui (saint Pierre, c'est-à-dire Dieu, l'église),
appartient Jérusalem, il est disposé, arrangé là, car il ne veut pas
autre chose. »
V. 1779. — Il est évident que les deux mss. sont gâtés ici. J'ai
tâché de reconstruire les deux strophes que l'original a dû avoir.
V. 1793. — Rien point, cf. nient mte2057.
V. 1830. — Les deux mss. ont oi que j'ai corrigé en ai.
V. 2054. — « Partir le, » Cf. v. 2271.
V. 2069. — Comme le poète ne semble pas connaître tele, j'ai
corrigé P par C.
V. 2109. — Les treis pueples sont : 1° Ceux qui se donnent de
la peine pour se surmonter, 2055 sq., et qui par lor bontez con-
quièrent quil sunt ennorez, 2071-2072 ; 2° ceux qui ne cessent pas
de faire du mal, 2061-2062, et qui par lor fez perdent lor franchise,
2070 ; 3° ceux qui par les malvestiez qu'il firent Tote lor franchise
perdirent, 209J-2094.
V. 2165. — « Que la plupart des gens appartiennent à la bande
trompeuse, à la bande qui est la tromperie même. » Cf. Godefroy,
Complément, v. Cordele.
V. 2195. — Les deux mss. présentent nel porreit dèscrivre, ce
qui est évidemment faux.
V. 2208. — La joie est si grande là que celui qui en a le moins
n'en demande pas plus. *Cf. 2191.
V. 2231. — On pourrait aussi lire qen[s] : se/i[s], mais je crois
que c'est seu «< *seque.
V. 2295. — « Quand il a visé soit en bas, soit en haut, là même
où il pense atteindre le mieux, il manque, et là où il croit man-
quer, il atteint. »
V. 2307 sq. — Ke sicum Varchier met sa cure en aventure de
sun mestier si deit hom mètre sun servise en aventure. On pourrait
alors mettre un point et accepter pour 2310 la leçon de P : Sovent
Varchier sanz feintise S'aveir en veut boen guerredon.
GLOSSAIRE
Le Glossaire qui suit ne contient que les mots rares, dou-
teux, ou remarquables pour n'importe quelle raison, tous
ceux qui se trouvent enregistrés avec plusieurs exemples dans
le Dictionnaire de Godefroy étant omis. Je ne me suis permis
de donner des étymologies qu'en très peu de cas.
A, indiquant manière : 455, 491; localité : 155, 1542; expri-
inant entre deux subsl. le rapport de possession 1035 ; signifiant
comme un : 89, 90 ; temporel : 74, 1086.
Âcerter, 2528, assurer.
Acunte, de quel a., 943, pour quelle raison, comment.
Âhorer, 509, faire honneur à qqn.
Aire, en a., 2744, immédiatement.
Âive, 2049, aïeul. Cf. aieul^ 1439. Voy. Tappolet, Romanische
Verwandtschaftsnamen, p. 63.
Âmordre, p.p. amors, 804, adonné à.
Âpeler, 2764, accuser, se plaindre de.
Apertenance, 732, chose claire et connue.
Âsez, 293, assez de gens,
Asorber, 1585, rendre aveugle.
Atenir, 2043, continuer, tenir bon.
Ateser, mot qui ne se trouve que dans C, tendre. Voy. note au
V. 2288.
Atillier, 1744, arranger, disposer.
Atrempement (atemprement), 2350, modération, appréciation du
moment propre à qqch.
Aucun, 297, 399, 405, quelqu'un ; 426, quelque, chaque ; 402,
425, chacun.
Aver, 2095, avare.
Avoir, a vil, 2422, tenir pour vil, mépriser,
Barate, 1421, trouble, uea;a < ion ; 2404, 2406, fraude, ruse.
Belif, en b., 1573, de travers.
Bien, traité comme adj. Voy. Introd., p. 23.
— 170 —
Boiseté, 1611, t ramper ie, fourberie.
Boitous, 137; Boitousement, 147. Ces mots signifient évidom-
ment bruyant, bruyamment, le dernier est opposé à doucement ,
V. 143. Je les rattache au mot moyen anglais boistous, gallois
birysiusy anglais moderne boiateF'ous. Cf. les dictionnaires de
MM. Millier, Stratmann et Skeat, et le Century Dict., boisterous,
boistoua, boistousty (le dernier dit que l'origine du mot est incon-
nue). Godefroy ne donne pas le mot dans ce sens, mais il men-
tionne, article boistous, au supplément, un sens figuré de ce mot
et en donne l'ex. : Fors par une voie boiteuse, Roiste, estroite et
atiiineuse (Guiart, Roy. lingn., B. N. 5098, p. 72 ^). Je ne crois
pas quece boiteuse \n\\sse être « quiboile » pris figurément. C'est
plutôt notre boitous dans le sens de sauvage.
Bon, Iraité comme adv. Voy. Introd., p. 23.
BTB.i,i't^, pièfje pour *la chasse aux oiseaux. Cf. Godefroy, brei ;
Littré, brait] Dict. général, brai 3 ;Du Cange donne un brenexellus.
Gelement, 1918, action de cacher.
Chape, suz c, ;>8, secrHement. Cf. Molière, Tartuffe, I, 1 : Et
vous menez sous chape un train (jue je hais fort.
Ghevon, 2897, tète, commencement.
Gharier, se c, 9(>8, se laisser conduire.
Gloufichier, 2372, fixer avec un clou.
Gomparer, 2729, expier, être puni de.
Gonclus, 74, confus, embarrass(K
Gonquerre, 2SV, 307, gagner. Le verl)e étant au futur pourrait
aussi se dériver de conqu(^rir.
Gonsentir, 261, 233, approuver.
Gontregaitier (se), 2.31i, se mettre en garde.
Gontrouve, 2;>2, invention, imagination.
Gonverser, 172, fréquenter.
Gordele, 216;>, compagnie, bande. Cf. Notes.
Gors, le c, 21)31, vite, au galop.
De, partitif, 1352, 1914, 2133 ; marquant spécification, 119, 1212 ;
signifiant touchant, eu égard de, 162.
Definal, 920, fin.
Demander, 1297, éire prié.
Demeine, 39, qui appartient en propre. Cf. en d.y en propre, à
part, dans la leçon de C, pour la strophe qui commence v. 2532.
Demorant, 2557, quand déjà vieux. On pourrait aussi traduire
quoiqu'encore vivant.
Départie, 952, 1781, 2553, séparation.
Deresnier, 1646, Justifier,
— 171 —
Desconfire, 946, vaincre.
Desrein, desrerain, 923, 929, 1545, sb.
Desrein, 613, dernier.
Devant, de d., 2675, auparavant.
Devenir, si devient, 2746, peut-être.
Dormant, 155, adonné au sommeil.
Doute, en d., 493, dans la crainte ^ en danger.
Elément, 468, 581, querelle^ guerre, force. Je ne connais d'autre
exemple de ce mot que celui de Sainte Eulalie. Cf. Rom. Studien,
III, 192; Zeitschr. fur rom. Philologie^ II, 300, n. 2.
Empeindre, 2157, pousser; réfléchi, 1184, 2460, se jeter.
Empeirer, empirer, 183, 1438, rendre pire ; 2433, blâmer,
Emperdre, 69, perdre.
En, 2288, vers, envers; 2314, avec (le); 469, en tens, avec le
temps, bientôt (cf. Godefroy par tens) ; 336, 2315, au.
Encharchier, 378, se charger de vin, boire.
Enclin, se faire e., 474; montrer une inclination, se faire ami.
Encuidier, 289, penser.
Endreit, 1599, auprès de, envers ; 1658, quant à.
Enginnier, 869, tromper; 357, arranger. Si la leçon de P pour
899 était admise, le mot y serait synonyme d'enseignier.
Enpleier, bien e., 2291, F^éussir.
Ensenser, 2702, éclairer.
Entor, voy. Tor.
Escole, 421, avis, conseil.
Escrier, 1287, décrier.
Esmer, 2295, prendre ses mesures pour asséner un coup.
Espessement, 144, en foule.
'Failli, 2113, 2392, faible, lâche. C'est un part, passé avec sens
actif; cf. Tobler, Vermischte Beitrâge, I, p. 129.
Fausenier, 2810, faux ; s. f., 53, femme fausse.
Fes, T)Si, peine, chagrin.
Fierté, 2530, audace, violence.
Fin, de f., 1158, sûrement.
Finail, 2340, fin.
Forsgeter, 2042, faire sortir.
Forslignier, 2039, quitter les (mauvaises) traditions et habitudes
de son lignage.
Forsveier, 2040, éloigner du {mauvais) chemin.
Fort, 2043, difficile.
Frei,"l794, mot douteux qui semble signifier priso/i.
Garnir, voy. Guarnir.
— 172 —
Gas. vov. (tUHs.
GlOUt, personne envù*nse.
Glotemie, 2i-r»0, gUnitonnerie,
Gré, sans jj., 23)H, sans remerciements,
Guarir, 11*)4, iHre tjaranti^ vivre en suretâ; se g. 1456, se pour-
voir.
Guamir {garnir, 2348), 1400, 2266, 2348, avertir, prémunir; se g.,
436, dans le même sens, sens qui correspond exactement à Tan-
glais to irarn, to he warned . Cf. Century Dictionary, warn : '* under
fhis trard are menjed two orig. diff. hut related verbs : M. T.
ivaF'nen, warn, admonish, M. II. G. warnen, provide, take hied ".
Le verbe français a «généralement la dernière de ces deux signifi-
cations. Cf. Godefrov.
Gnas, 1800, 23'w, injure, mof/uerie.
Gnetier, se (/., 24r)3, se surveiller.
Hautimes, i82V, /e TrH-IIaul.
Hel, 70, autre; un ne h., rien.
Homesce, 282î>, sagesse, courage, qualités d^un homme.
Ja ne, 560, 822. Voy. Notes.
Ledir, 1078, rendre laid.
Lei, 476, 1715, parole donnée; 1769, religion ; 1754, 1775, 2658,
loi ; 2678, manière, coutume.
Lessor, 1830, le même que loisor, faculté. Cf. prov. legor,
«< licCTe.
Licence, a 1. 140t, selon son pouvoir.
Lor, 233 i, alors.
Losengier, 36S, flatter, cajoler.
Maintenant, 1104, tout de suite, bientôt.
Maleïr, 748 <*, maudire.
Manant, 2597, habitant, domicilié.
Manière, 254, usage, coutume. Cf. Noies.
Mecine, 1885, remède.
Meintenir, 202, soutenir.
Membrer, se m., 396, se souvenir.
Menger, se m., 2408, démnnger. Cf. Godefroy, ma/ij/te/* 2, man-
gement, mangeoison, mangeur 1.
Merde, 2149, opposé à noble (2145), vilain. Cf. Lacurne de
Sainte-Palaye, merde, merdeux, etc.; Godefrov, merderie; Du
Cange, merda.
Mes, toz dis m., 2050, à perpétuité, toujours; mes, 2751, tou-
jours.
— 173 —
Mes que, 234, 282, 346, 354, 360, 443, i066, 1579, 2015, 2032,
t)ien que^ quoique.
Ne mes que, 78, pas même si ; 1370, quand même — ne pas?
Mestier, avoir m., 675, 1907, 2615, être utile,
Mestrie, 906, puissance; 1111, domination.
Mètre, m. en aventure, 2308, risquer. Cf. Marie de France,
Douz AmanZf 170; cf. mettre cure^ 2702.
Motir, 1458, 2306, expliquer.
Ne guerres, 906, 916, pas beaucoup.
Nomeement, 2QQif particulièrement, surtout.
Norrir, 154, crotVre, grandir; p.p., 2619, serviteur, celui qui est
élevé dans la maison de qqn.
Neuve, 251, nouvelle.
Oidivece, 153, oiseveté. Cf. Errata,
Oues, 689, besoin.
Ovelin (< *aequalinus), 263, égal; Cf. Godefroy, uelin.
1. Par, i^il, par moyen de; 457, p. vos, à vous seul; p. sei, à lui
seul, 2285; p. ennor, 112, 1456, 2238, honorablement. Cî. Gode-
froy, p. outrage, p. raison ; p. quei, 2452, Voy. quei.
2. Par, particule augraentative, 783, 1049, 2095.
3. Par, 2694, 2695, pour, cf. Tobler, Vermischte Beitrâge, I, 138.
Parfit, i9'2i, parfait.
Parformer, 985, achever, rendre complet.
Parissable, 2858, productif, fécond.
Partie, Wd, particularité.
Partir (s'en), 112, s'en aller; 1040, 1292, participer, prendre^
part; 1876, distribuer; 2054, 2739, séparer (pour 2739, cf. Notes) ;
2629, p. sei, se tirer d'affaire ; 126, diviser.
Pasteiement, 2650, repas, banquet.
Perdire, 898, achever de dire, de réciter. Cf. Godefroy, pardire.
Pervaloir, 1568, se mettre dans un état plus favorable. Cf. Gode-
froy, prévaloir.
Pesme, 1190, fâcheux, cruel (sans le sentiment de la valeur
superlative du mot).
Petit, 138, 394, 895, 911, 912, 1128, 1155, 1946, 2761, pew.
Planier, 130, aplanir, rendre agréable. Cî. pleines.
Pleines, 129, doux, agréable. Pour plani'î Cf. Godefroy, plani.
Pleniere, 612, absolution plénière.
Plus, 278, plus longtemps; p. e sovent, 236, plus et plus sou-
vent.
Poi, adj., 213 (opposé à niouz homes, 211), 355, 1598 (excepté
dans ce dernier cas Tadj. est au pluriel ; pron., 748 <^; s., 787,
911, 1155, 1433 adv., 802, 1302, 1780, 2650.
— 174 —
Pointet, nv i>. 200, pnint, pan mrme un peu. Cf. Godefroy,
pninlt't.
Por, 20:{«i, A r:tu!<*' do,
Porveer .si* . i70, 4-7s, prendre t/arde.
Pramesse, l^Ul», rhosr pronuae.
Premerain, î«u, p. 27, nu commencement.
Première, l.'i.'W, la principale chose^ ce tjui est indispensable;
ITiil», commenremenf.
Primsautier, l>i<.">, précipité dans ses actions.
Proisme, iV.i'.l, prochain.
Quanque, :i2, OIK), iri-o, l2tG, ir,90, 1«)92, 2180, 2325, tout ce
que.
Quant, 2r»2!), aussi lontftemps f/ue, pendant que.
Que, 4n:;, 42«, r»S7, 712, 1M9, 1(M3, IO:m, re 7ue (933, 2251, ou
ce que on cîir ; 23S2, 2ilO. car 1223, 17 i5 ou cflr ou qui\ 760,
nos, 1302, 1325, 1055. 1790, 2O70, 2*10, 2447, 2569, 2633, 2761
'llH'Z.qui Cî. TohliM', Vcrmischte Beitrâifc, I, 103 n. ; Zeitschr. fur
rom. Philolof/ie^ XV, 22 ; 2033, celui que; 277,2281, 2518, comme
un; i-or», 25r>2, a/in que'lT.\ oii »i///i que^ ou l)icn c'est un exemple
delà ivprtitioM inutile de 7//^») ; 10(M», 2282 (?i parce yue ; 2254,
lorsque Cï. (iodefroy, Que employé deux fois ou une fois suffi-
niil : 271-73?, 1018-9, 1^72-73, 1S90-93, 2420-21.
Que que, <[. ([. seit, 4iW), quoi que soit.
Quel, par (j., 2i-52, pourvu que. (if. 'l'ohler, Vermischfe BeitrâgCy
I, 13K.
Qui, 71. 20s, 277, 330, 907, 971, 973, 975, 981, 983, 1301, 1363,
102i, 1032, 1037, 1055, 1699, 1700, 2380, 20i.4, 2732, celui qui;
1712, 21 't2. 2029. ceux qui; 2002, 25t3, ce qui; 27, 57, 371, 946,
1450, 20tr», 2i')24. 20 18, 282<'), si quelqu'un ; 1(')7S, (j. que, celui que;
1301, 1371, quelqu'un qui^ qui en qui, 2S2S, voy. Notes.
Quel, (J. (pie seit, 230, qui que ce soit..
.--Radire, 085. redire, dire de nouveau.
Raim, 24;)0, hrin, jtarcelle.
Ramponeor, 1283, celui qui outratje, qui injurie.
Ramponer, 1800, railler, insulter.
Ramponos, variante de C, 1283, celui qui outrage.
Regieres, 953, de nouveau.
Regreter, 303. mentionner, raconter.
Relement, 2651, réellement? régulièrement ? Les variantes de la
version d'Elie, laquelle pourrait jeter quelque lumière sur ce vers,
sont rereme.nt (C), relment (L). Relement, 2784, rarement? Notre
..J-